Hier, les enseignants du secondaire ont fini par exprimer leur ras-le-bol en manifestant dans la rue. Journée de colère à Tunis, mais aussi dans les différentes régions du pays. Qui pourra mettre fin à cette crise ? Ce mercredi 12 décembre 2018 était une journée de colère organisée par les enseignants du secondaire, dont le syndicat n'a toujours pas trouvé de terrain d'entente avec le ministère de l'Education. Des marches protestataires, des manifestations et des rassemblements populaires ont été organisés dans tout le pays alors que les enseignants du Grand-Tunis se sont mobilisés à l'avenue Habib Bourguiba et à la Place Mohamed Ali, devant le siège de l'Ugtt, « pour dénoncer l'attitude et les positions du ministre et celles de son département à l'égard des enseignants ». En effet, l'historique Place Mohamed Ali à Tunis, point de rassemblement principal des protestataires, était si pleine qu'on ne pouvait y accéder. Des centaines d'enseignants, de tous profils, se sont rassemblés pour exprimer leurs ras-le-bol, compte tenu, non seulement de la marginalisation de leurs revendications, mais aussi de la situation de l'enseignement secondaire en Tunisie. «Ce n'est pas une question d'augmentations salariales, mais c'est l'image du professeur qui a été remise en question. Aujourd'hui, ils nous accusent d'avoir pris en otage le destin de nos élèves, alors qu'il n'en est rien, c'est pour eux qu'on se bat, et c'est pour leur avenir qu'on mène cette lutte», s'exprime un enseignant du lycée secondaire du Bardo, présent lors de ce rassemblement. Faire prévaloir l'intérêt des élèves Même son de cloche chez un autre enseignant du lycée d'El Omrane à Tunis. Pour lui, le ministère de l'Education mène une campagne orchestrée pour nuire à l'image de l'enseignant tunisien et le faire passer pour un «profiteur». «Descendre dans la rue s'avère être une solution amère mais nécessaire pour défendre ce que nous pensons être nos droits, et loin du discours erroné du ministère. Ce n'est pas une question d'augmentations salariales ni une question de primes, c'est beaucoup plus profond que ça, c'est une question de notre dignité et de réformes qui doivent être opérées dans tout le secteur de l'enseignement». Que dites-vous aux personnes qui vous accusent d'avoir mis en jeu le destin des élèves ? Une enseignante du Lycée Beb Khadhra se révèle : «Nous sommes proches des élèves, parfois plus que leurs propres parents, et nous savons parfaitement comment prévaloir les intérêts de nos élèves en dépit de cette crise de l'enseignement. C'est le ministère de l'Education et certaines parties que nous connaissons très bien qui sont en train d'avancer ces idées et de promouvoir ce discours portant atteinte à l'image et au statut du professeur tunisien, mais ils n'y parviendront pas. Nous sommes dans les rangs des élèves, ils sont nos enfants après tout ». Alors que la tension était haute et la voix des enseignants était assourdissante, des slogans, nombreux, ont été affichés pour viser notamment le ministre de l'Education, Hatem Ben Salem, ainsi que son département. Mais, notons-le, d'autres slogans ont été scandés pour dénoncer les choix politiques du gouvernement Chahed ainsi que les éventuels diktats des bailleurs de fonds internationaux. Retour sur les faits Le dernier épisode de ce feuilleton qui n'a pas, malheureusement, pris fin, était la position de La Fédération générale de l'enseignement qui a rejeté les propositions du gouvernement les qualifiant dans un communiqué de «non sérieuses» et d' «insignifiantes». La fédération a estimé que les propositions du ministère de l'Education concernant les revendications des enseignants sont « une tentative de contourner les revendications relatives aux dossiers de la retraite, de la prime spécifique, de la rentrée scolaire et de la situation des établissements scolaires ». Des propositions qui n'ont pas été révélées mais qui ont été faites par le ministre de l'Education après la reprise des négociations avec l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) concernant le boycott des examens. Aujourd'hui il est temps de faire le bilan. La crise remonte à plusieurs mois, alors que la Fédération générale de l'enseignement, conduite par Lassaad Yacoubi, revendique des augmentations salariales et des améliorations des primes, mais aussi l'amélioration des conditions d'enseignement, notamment celles des établissements éducatifs, et des réformes structurelles dans ce secteur, le ministère ne parvient toujours pas à les satisfaire. Résultat, les enseignants boycottent depuis plusieurs semaines les examens, une décision confrontée par des menaces de prélèvement sur les salaires des enseignants grévistes, le bras de fer se poursuit. En tout état de cause, la situation reste confuse et ouverte sur tous les scénarios, mais qui saura faire preuve de sagesse pour préserver l'intérêt des élèves ?