C'est en plein cœur de Tunis, un lieu mis à la disposition d'artistes peintres, calligraphes et exposants divers, qu'un collectif d'artistes libyens a exposé ses œuvres au public tunisien, épris par le vertige de la découverte. En ce mois de décembre et par un début d'une soirée hivernale pluvieuse, des férus d'arts se sont empressés de découvrir l'exposition d'artistes libyens, venus étaler leurs œuvres faites la plupart de calligraphie : lettres en arabes, retranscrites sur le mur ou sur des tableaux, prônant quelques versets coraniques ou des mots extraits de la littérature arabe, suffisamment imposants afin d'attirer l'attention d'un public déjà présent en masse mais également d'un grand nombre de curieux passants, qui ont choisi de faire une escale sur place. Une écriture en arabe, dans l'intitulé de l'exposition «Dwaya – Art of hurûfiat», ou «L'art des lettres arabes». Huit artistes ont dirigé les rênes de cette exposition qui se clôturera sur place aujourd'hui 19 décembre. Une artiste Takwa Abou Barnoussa, entourée d'Ahmed Baroudi, Achref Souissi, Radhouen Zanneti, Omar Jomni, Adnen Maïtig, Mohamed ben Lamine et Mohamed Kharroubi sont les hôtes de cet évènement. Les œuvres étaient étroitement liées par la seule thématique régnante de l'expo, qui était spécifiquement «La calligraphie arabe» sous différents aspects. Cette action artistique inédite dans son genre a pu voir le jour grâce au projet « Breaking the ice», créé sous la houlette de l'ambassade d'Allemagne, d'où la présence, le jour de l'inauguration, de l'ambassadeur allemand et d'un corps diplomatique, qui ont fait le déplacement afin de profiter des 22 œuvres accrochées. Takwa Abou Barnoussa présente la nuit de l'exposition, nous a révélé les coulisses d'un travail important, qui a pu être montré en Libye sous haute tension. Elle raconte : «On devait passer par de nombreuses autorités sur place afin de pouvoir obtenir une autorisation finale qui nous permettra d'exposer. C'était exténuant ! On ne savait pas trop où donner de la tête : comme il y avait au moins deux gouvernements, il fallait quand même passer par eux, même l'officieux. La sécurité, par contre, y était en permanence présente tout comme le public sur place, fortement attiré par cette lueur artistique qui s'est créée autour d'eux. Comme il est novice, le public se contente de regarder là-bas, de gâter sa vue, de passer un bon moment en découvrant», déclare-t-elle satisfaite, mais en précisant que tout ne s'est fait qu'à Tripoli, et qu'ils finiront par exposer ailleurs, dans des zones moins risquées, tout aussi calmes que la capitale. Le projet «Breaking the ice» est à vocation artistique. Il a vu le jour grâce à un journaliste allemand, qui est passé par la Tunisie, en pleine période de la révolution avant de se déplacer en Libye, initialement pour une mission mais finalement, il s'y est installé 4 ans, avant de revenir en Tunisie. Il a créé un journal citoyen, entre autres, en collaboration avec des activistes et artistes libyens, progressistes et dotés de talents et transgressifs : ils innovent, s'en prennent à des sujets tabous, se réinventent. Henda Chennaoui, journaliste, activiste et collaboratrice sur le projet, atteste de cette effervescence, qui l'a encouragée davantage à travailler sur ce projet. Elle se rappelle : «Leur vie chez eux est devenue impossible et ils venaient souvent se reposer en Tunisie. Seulement, ils se retrouvaient aussitôt stigmatisés, voire rejetés par la société juste parce qu'ils sont libyens et ça les éloignait du réseau qui aurait pu leur permettre de persévérer dans leur travail. Notons les similarités avec les artistes tunisiens qu'ils possédaient, tout leur permettait de créer ici, d'où cette rencontre. On n'a rien fait là-bas, tout se faisait ici. Organiser les événements ici avec des libyens était déjà difficile à cause de l'instabilité sociopolitique qui a régné : fermeture d'espace aérien, difficulté de se déplacer, etc. Mais ils ont résisté, et dans l'union, on a pu créer cette initiative», conclut-elle enthousiaste. L'expo a été suivie par un cortège qui a entraîné les conviés dans un lieu à quelques mètres, sous les rythmes d'un chant populaire, vraisemblablement libyen. Arrivés à bon port, un couple et un calligraphe avaient déjà squatté le lieu à des fins artistiques : le tandem a présenté une danse de tango et le deuxième, face au mur, dessinait une ultime calligraphie.