Quitter un pays secoué par les guerres et les conflits, laisser sa famille, ses biens et sa vie derrière elles est synonyme, pour certaines personnes, de souffrance et de traumatismes psychologiques graves. C'est le cas de plusieurs femmes libyennes installées en Tunisie. L'étude intitulée «La souffrance psychologique des femmes libyennes en Tunisie» a été présentée mardi dernier à Tunis lors d'une conférence de presse à l'occasion de la Journée internationale des migrants, organisée par l'Association pour le leadership et le développement en Afrique (Alda), le réseau Watch the Med-Alarmphone et le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes), en collaboration avec le réseau Euromed droits. L'étude conduite en 2018 par la psychologue Nadia Benzarti fait ressortir, en effet, que la situation psychologique de certaines femmes libyennes vivant en Tunisie est précaire et marquée par des traumatismes résultant directement de leur déplacement forcé, en raison du conflit libyen. Ainsi, l'étude réalisée auprès de 30 femmes libyennes installées en Tunisie, montre que 70% d'entre elles sont directement affectées par le conflit, dont 45% ayant reçu des menaces, 33% ayant perdu des biens et 22% torturées. Ces souffrances et traumatismes psychologiques résultent aussi des pertes ou ruptures de liens familiaux et du parcours de migration jugé rude et peu confortable, toujours lié à un vécu de violence et de conflit. «Ces femmes vivent dans une situation psychologique marquée par une souffrance et des traumatismes résultant principalement des ruptures de liens familiaux, des difficultés d'intégration dans la société tunisienne et des effets directs ou indirects du conflit libyen, dont notamment la mort ou la blessure de proches, ou la perte des biens», a expliqué, Nadia Benzarti. Tentatives de suicide L'étude, qui n'a pas été encore publiée, fait remarquer également que cet état psychologique, inconfortable et douloureux se caractérise chez certaines femmes libyennes par ce qu'on appelle le syndrome de stress post-traumatique. Attentats, bombardements, mort, viols, violences physiques... sont autant d'événements traumatisants auxquels ont été confrontées ces personnes et qui ont fait naître un trouble de stress post-traumatique. Il s'agit d'un état psychologique anxieux sévère et permanent causant insomnies, cauchemars, irritabilité, isolement, colère, peur et parfois même des tentatives de suicide. Parmi les recommandations de cette étude figurent en premier lieu la prise en charge médicale et l'appui psychologique immédiat de ces femmes libyennes installées en Tunisie dont l'état psychologique s'est détérioré. La première étape de la prise en charge consiste ainsi à écouter et rassurer les victimes. «Dans l'urgence, le soutien aux personnes qui souffrent de stress post-traumatique est très important. A cet égard, le rôle de la société civile s'avère important, mais c'est l'Etat tunisien qui devra assurer cet appui psychologique à ces femmes», explique toujours Nadia Benzarti. Durant cette conférence de presse, la situation des migrants subsahariens a également été passée en revue par les différents participants, notamment des représentants de la société civile. De ce fait, Touré Blamassi, directeur exécutif de l'Association pour le leadership et le développement en Afrique, a appelé à instaurer des dispositifs légaux permettant aux Subsahariens de travailler dans la conformité en Tunisie pour éviter certains manquements et leur assurer un minimum de droits. «Partout dans le monde, les étrangers, notamment les étudiants, ont le droit de travailler dans leurs pays de résidence pour subvenir à leurs besoins. Nous appelons le gouvernement tunisien à instaurer des lois permettant aux Subsahariens de travailler même avec un quota d'heures car ces personnes sont exploitées et parfois malmenées lorsqu'elles travaillent au noir», a-t-il rappelé.