Le manque de main-d'œuvre spécialisée et de savoir-faire, la spéculation et la contrebande ont affaibli le secteur. La conjoncture économique en Tunisie devient de plus en plus difficile, et ce ne sont pas les bouchers qui vont contredire cela. Nombre d'entre eux ont fini par mettre la clé sous la porte pour plusieurs raisons. En effet, le nombre des bovins s'élève à 437.400 vaches laitières, dont 252.900 de races pures, contre 184.500 locales et croisées, avec près de 3.736.820 de têtes ovines femelles, d'après l'Office d'élevage et de pâturage (OEP). En fait, près de la moitié de la production de la viande rouge provient des vaches laitières, selon l'OEP. Cependant, depuis quelques mois, nous avons tous entendu parler du trafic de vaches vers l'Algérie. Durant l'année précédente, plus de 1.000 vaches sortaient chaque jour des régions frontalières, à savoir Jendouba, Le Kef et Kasserine, ce qui a impacté considérablement le cheptel qui a diminué de 25 % vers la fin de 2018, selon le vice-président de l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche, Anis Kharbech. «La contrebande a détruit notre cheptel !…, déplore un éleveur. S'il y a une diminution de l'offre, cela va de soi que les prix augmentent». Le prix d'un kg de viande bovine varie entre 23.5 et 26 dinars, contre 25 à 30 dinars pour le kg de la viande ovine. Cependant ces prix ne sont pas fixes et peuvent varier d'une boucherie à une autre. Contraintes et demandes pour restructurer le métier «Notre métier est une tradition transmise de père en fils, sauf qu'aujourd'hui, nous manquons beaucoup de main-d'œuvre spécialisée; donc, il faudrait absolument créer des centres de formation pour cette filière…», recommande M. Bejaoui, président de la Chambre syndicale des bouchers de Bizerte. Le manque de main-d'œuvre spécialisée et le savoir-faire affaiblissent, en effet, le secteur et freinent les professionnels dans leur volonté d'élargir le réseau des boucheries à travers le territoire. D'un autre côté, les abattoirs restent un maillon très important dans la chaîne. En fait, le manque de contrôle sanitaire justifie l'état catastrophique de certains de ces établissements qui ne répondent pas aux normes, ce qui a provoqué la fermeture de 46 d'entre eux sur un total de 206, avec un ordre de fermeture pour une centaine. Mise à part l'état lamentable des abattoirs, les bouchers souffrent des intermédiaires qui ne font que flamber les prix en profitant et de l'éleveur et du boucher. En fait, ces gens-là saisissent les veaux et simulent une vente aux enchères entre eux pour avoir la bête avec le prix le plus bas, puis ils la revendent au boucher avec un prix exorbitant, ce qui réduit considérablement la marge du bénéfice de ce dernier… «Six boucheries ont fait faillite à Bizerte à cause des pratiques frauduleuses des intrus, de la contrebande et de la spéculation qui bat son plein…», relève, de son côté, M. Béjaoui. Tuberculose et fièvre aphteuse Le problème de la tuberculose et de la fièvre aphteuse étant revenu, les bouchers font un appel aux ministères de l'Agriculture et de la Santé pour intensifier les campagnes de vaccination des élevages et renforcer le contrôle sanitaire dans les abattoirs. «Pas mal de fois, je me suis fait avoir en achetant un veau atteint de tuberculose. Cela représente des pertes qui atteignent parfois des milliers de dinars jetés par les fenêtres sans compter que je n'ai aucune assurance !…», signale un boucher. Les professionnels vivent une période critique, d'autant plus que les citoyens boudent de plus en plus les viandes rouges au profit de celles blanches, plus accessibles pour leur bourse. Non seulement elles offrent comme avantage de couvrir leurs besoins en protéines animales, mais elles ne grèvent pas leur budget, alors qu'elles aussi ont été touchées par la hausse des prix. Il faudrait une intervention multidisciplinaire qui implique les ministères de l'Agriculture, de la Santé, du Commerce et de l'Intérieur afin de prendre les mesures nécessaires en intensifiant les campagnes sanitaires et les contrôles aux frontières pour lutter contre la contrebande et sauver un secteur qui bat de l'aile.