Eleveur de vaches laitières et « engraisseur » de taurillons, M. Salah Toumi témoigne sur un métier qui devient de plus en plus difficile malgré l'assistance technique et sanitaire fournie gratuitement par l'administration.Toute la difficulté réside selon M. Toumi dans le déséquilibre de plus en plus flagrant entre les coûts des facteurs de production et les prix de vente à la production. En fait, la hausse des prix des aliments pour bétail qu'ils soient produits localement ou importés en est la cause principale. L'extension des superficies cultivées en fourrages, préconisée par plusieurs voix officielles, pourrait constituer une solution pour ce problème. « Or cette extension, explique M. Toumi, va se faire aux dépens d'autres cultures plus rentables. Le coût restera donc, toujours élevé et l'aliment acheté nous reviendra moins cher. Ainsi dans les deux cas de figure, c'est toujours l'agriculteur qui est appelé à faire des sacrifices. » D'autant que les prix de vente du lait aux centrales laitières étant plafonnés, l'éleveur ne peut pas récupérer la différence du prix de fourrage qui est un facteur de production. Pourtant tout le monde sait qu'un prix encourageant est le stimulateur par excellence à plus de production. « Donc au lieu de plafonner le prix du lait à la production, il serait plus judicieux de le libérer tout en faisant profiter ce prix au public », propose M. Toumi. Notre interlocuteur fait état également de la peine que trouve l'éleveur pour conserver son cheptel surtout en l'absence de structures professionnelles fortes et organisées capables de le soutenir pour faire face à la hausse des coûts de production et surtout pour empêcher la détérioration des prix des génisses pleines. « En fait, alors que le prix d'une génisse en Europe était aux environs de 5 mille dinars elle se vendait chez nous, par les éleveurs incapables matériellement de la garder à 2 mille dinars. » Ces bêtes cédées à bas prix étaient transférées en contrebande vers des pays voisins. Il est donc plus facile de dilapider un cheptel que de le reconstituer. Le vol des bestiaux est un fléau qui ne cesse de se répandre et qui pousse les agriculteurs à renoncer à l'activité de l'élevage. Que faire pour sauvegarder ce métier ? M. Toumi voit que la solution réside dans l'application immédiate de l'intégrité du Code de l'élevage. Il faudrait surtout précipiter l'imposition et la généralisation du marquage des bestiaux ; seule mesure efficace pour contrôler le mouvement des animaux et endiguer le vol. Faut-il encore, inciter les centrales laitières à payer le lait selon la qualité pour encourager les éleveurs à améliorer la qualité du lait. Cependant le plus urgent serait de réajuster le prix de vente aux centrales afin de garantir aux producteurs une marge bénéficiaire convenable. Enfin M. Toumi a émis le souhait de voir augmenter le taux de la subvention accordée sur l'achat d'une génisse pleine afin d'aider les agriculteurs à reconstituer leur cheptel. • Flash sur les viandes rouges La production annuelle des viandes rouges est aux alentours de 110 000 tonnes par an. 95% de cette viande provient des espèces bovines, ovines et caprines et 5% des camélidés et des équidés ; la consommation moyenne de viandes rouges bovines par habitant est de 7 kg. La viande ovine est fournie par un cheptel de 4,2 millions d'unités femelles. La race Barbarine, à large queue, adaptée aux conditions tunisiennes représente 65% du cheptel national, les races à queue fine issues des pays limitrophes 32%, et la Noire de Thibar 1,8%. La consommation moyenne par habitant est de 8 kg de viande ovine. La production de viande rouge couvre 95% de la demande nationale. • La fabrication de la nutrition animale La Tunisie produit en moyenne 1 120 000 tonnes d'aliments de bétail à partir de matières premières quasiment importées. Théoriquement, cette production est assurée par 800 usines de différentes tailles ayant une capacité annuelle de 3 millions de tonnes. Mais en réalité environs 360 unités sont actives et elles sont en majorité intégrées dans des élevages. Un peu plus d'une dizaine d'usines ont une capacité de production de 20 tonnes par heure et accaparent 50 % de la production nationale.