« L'Atfd au cœur des luttes pour l'égalité et la démocratie » est un livre qui apporte sa pierre à l'édifice, qui s'ajoute à la mémoire nationale en témoignant de l'évolution et de la contribution du mouvement féministe conduit par l'Association tunisienne des femmes démocrates (Atfd), durant le processus révolutionnaire déclenché en 2008 dans le bassin minier de Gafsa C'est un livre qui retrace le militantisme d'une élite féminine pour défendre l'égalité, la démocratie et les droits humains, sociaux, économiques et individuels, durant la période qui s'est étalée de 2008 à 2015. Ayant tardé à voir le jour pour des « raisons indépendantes », comme l'a précisé Mme Hédia Jrad, fondatrice et première présidente de l'Aftd (l'ouvrage était prêt pour impression depuis 2015), le livre a été présenté vendredi dernier 11 janvier, lors d'une rencontre tenue à Tunis. Un événement qui a été marqué par une présence importante de femmes militantes, toutes générations confondues, venues pour débattre de l'ouvrage. Avec l'avènement du mouvement islamiste, le mouvement s'est encore cristallisé Dans une déclaration à La Presse, Mme Hafidha Chekir, militante et universitaire, parle, en substance de l'action, notamment politique, des femmes démocrates lors des événements phares qui ont jalonné le processus révolutionnaire : « Nous avons soutenu les femmes militantes du bassin minier, nous nous sommes rendues sur les lieux, autrefois, pour exprimer notre solidarité et pour les défendre. Durant la révolution, nous étions massivement présentes dans les marches protestataires. Nous avons également participé à la rédaction des textes qui ont permis la transition démocratique. Nous avons mené un combat acharné pour défendre la parité, la levée des réserves et la constitutionnalisation des droits de la femme. En 2012, nous nous sommes soulevées contre la notion de complémentarité quand elle a été inscrite dans la première version de la Constitution. Notre association militante ne cesse de développer des idées. Elle essaye également de faire du lobbying auprès des autorités pour promouvoir davantage les droits des femmes. Avec l'avènement du mouvement islamiste accompagné d'une régression manifeste en termes de droits des femmes, notre mouvement s'est encore cristallisé ». Clivage entre deux projets de société Durant la rencontre-débat, Hayet Hamdi, universitaire et militante, a donné sa lecture du livre où il était question d'une synthèse du rôle politique des femmes démocrates, durant les évènements qui ont ponctué le processus révolutionnaire. Se référant au contenu de l'ouvrage, Hayet Hamdi a mis l'accent sur l'importance de cette association féministe sur la scène politique après la chute du régime de Ben Ali, où le clivage entre deux projets de société a prévalu. Un premier projet porté par le mouvement islamiste se base essentiellement sur la soumission de la femme, s'oppose à un deuxième projet de société qui prône la modernité et la démocratie où fleurissent les droits des femmes, en l'occurrence l'égalité entre les deux sexes. Elle a également rappelé, suivant les témoignages et les actions cités dans l'ouvrage, que le militantisme des femmes démocrates s'étend pour défendre les droits sociaux et économiques des citoyens vulnérables, marginalisés, des jeunes chômeurs et des régions défavorisées. Une association qui s'est hissée au rang de partie protagoniste sur la scène politique durant le processus révolutionnaire. Le pacte républicain avorté Hayet Hamdi a précisé que le livre présente, dans sa première partie consacrée aux mouvements du bassin minier de 2008, une lecture féminine de l'insurrection d'alors, où la participation de la femme était déterminante. Elle a indiqué que la deuxième partie, consacrée à la participation effective des femmes au processus électoral et à la transition démocratique, a mis en exergue la bataille menée par les femmes démocrates au sein de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique pour défendre, d'une part, la représentativité des femmes et des jeunes au sein de l'instance, et d'autre part, la nécessité d'instaurer un pacte républicain qui entérine la séparation entre l'Etat et la religion. « Si les femmes démocrates ont gagné le premier combat en remportant la vice-présidence de l'instance, elles n'ont pas réussi l'instauration du pacte républicain en raison du clivage, des magouilles et des campagnes de diabolisation qui ont été menées contre les femmes démocrates, durant cette période. Le débat sur l'identité a été porté du giron de l'instance vers la sphère publique. Les femmes démocrates ont été la cible de virulentes critiques, voire de criminalisation. Le pacte républicain a été avorté par des partis politiques, en l'occurrence le parti islamiste Ennahdha», souligne Hayet Hamdi. La troisième partie du livre est consacrée au combat mené pour la constitutionnalisation des droits des femmes, mais également pour la sensibilisation des femmes, notamment dans les quartiers populaires et dans les régions pour participer aux élections. Un appel à la vigilance continue contre les menaces inhérentes à la montée des forces obscurantistes a fait office de conclusion de l'ouvrage. Hayet Hamdi a terminé sa lecture par une critique reprochant à ses auteures l'absence d'une indication de l'échec de la politique consensuelle et de l'incapacité des gouvernements, qui se sont succédé après 2011, à instaurer un modèle de développement inclusif et durable. Elle a, également, noté qu'il était judicieux de mentionner que la parité successorale serait déterminante pour les orientations ultérieures des politiques. Vers la fin de la rencontre, un hommage a été rendu à des personnalités militantes qui ont accompagné l'Aftd dans son parcours durant le processus révolutionnaire, à savoir Leila Khaled, Omar Safraoui, Jalila Baccar, Mokhtar Trifi, Salma Mabrouk.