• Une projection spéciale et le film en salle la semaine prochaine Le tout dernier opus de Abdellatif Kéchiche qui est à l'affiche cette semaine en France sera sur nos écrans à partir de la semaine prochaine. A cette occasion, une projection spéciale a été donnée avant-hier au cinémAfricArt, où le public féru de nouveautés et qui aime bien découvrir en primeur des œuvres cinématographiques, s'est bousculé devant la salle. Il faut dire que le nom de Kéchiche est devenu très vendeur depuis Le grain et le mulet, son film largement récompensé dans plus d'un festival prestigieux. De même, on est vraiment curieux de voir comment ce cinéaste connu pour son image peu conventionnelle et qui nous a charmés avec des œuvres qui transgressent beaucoup de normes classiques, prête sa caméra pour une fresque historique. L'histoire commence à Paris en 1817, dans l'enceinte de l'Académie royale de médecine : "Je n'ai jamais vu de tête humaine plus semblable à celle des singes ". Face au moulage du corps de Saartjie Baartman, l'anatomiste Georges Cuvier est catégorique. Un parterre de distingués collègues applaudit la démonstration. Sept ans plus tôt, Saartjie quittait l'Afrique du Sud avec son maître, Caezar, et livrait son corps en pâture au public londonien des foires aux monstres. Femme libre et entravée, elle était l'icône des bas-fonds, la "Vénus Hottentote ", promise au mirage d'une ascension dorée... A travers cette histoire vraie, Kechiche réfléchit sur la pornographie esthétique et politique, sur les dérives du colonialisme et la dialectique maître-esclave. Le regard du réalisateur est tout autant celui d'un artiste que celui d'un être humain. Jamais il ne se permet de juger ni Saartjie, pour qui il éprouve une fascination depuis plus de 10 ans, ni aucun autre des personnages. Cette conviction s'est traduite par un respect absolu de l'acteur. La vertu de Vénus noire est de ne pas dénoncer , même si l'histoire est terrible, même si les thèmes approchés sont de ceux qui provoquent l'effroi. Vénus noire est un film cru et dérangeant, une fable sur le cœur noir des hommes et la blancheur dépravée des femmes, avec une mise en scène qui ne ménage pas le spectateur et fait de ce dernier un voyeur parmi les autres. Avec ce film, Kéchiche prend des risques et se met en danger en abordant des thèmes aussi poignants mais, surtout, qui évoquent des thématiques aussi actuelles que le spectacle, le regard, le langage et la communication. Plus d'une bonne raison pour aller voir ce film: rien que pour découvrir la dernière révélation de Kéchiche: après Sara Forestier ou Hafsia Herzi, il nous présente Yahima Torres, émouvante de crédibilité.