Le samedi 26 janvier, le spectacle de Zied Gharsa à la Cité de la culture inaugurait l'ouverture de «Beït El malouf». Une idée du chanteur tunisien qui se concrétise et derrière laquelle tout un rêve qui est en train de devenir une réalité : regrouper et enregistrer tout le malouf ! Un travail colossal, mais fondateur sur le plan du patrimoine musical. Zied Gharsa nous en parle. Pourquoi «Beït El malouf» aujourd'hui ? «Beït El malouf» constitue pour moi l'aboutissement d'un rêve qui n'est pas seulement le mien mais aussi celui de mon père et de Khmaïes Tarnane, même si la Rachidia existait à cette époque. Mais mon objectif personnel avant même l'existence de la Maison de l'opéra à la Cité de la Culture était de regrouper tout le malouf, d'enregistrer Malouf El «Atech», c'est-à-dire des morceaux rares et inédits et il se trouve qu'ils sont nombreux. La «Nouba» tunisienne est très riche. Par exemple, on peut trouver une nouba qui contient entre 17 et 20 «Btaïhi» (rythme spécifique), dont trois ou quatre sont enregistrés, les autres sont en ma possession mais, faute de moyens, je n'ai jamais pu faire des enregistrements de tout ce patrimoine qu'il faut absolument transmettre. C'est un travail énorme puisqu'il s'agit de 13 nouba, sans compter le «Zajal», le «Foundou», les «Mouachahat» et les «Achkhal». Lorsque la Cité de la culture a ouvert les portes de son opéra, j'ai rencontré le ministre des Affaires culturelles, M. Mohamed Zine El Abidine, et cela fait plus d'un an qu'on étudie ce projet et je tiens sincèrement à le remercier pour son soutien parce que, auparavant, avec d'autres ministres on a eu beaucoup de promesses qui sont parties en l'air. Il a défendu ce projet des enregistrements ainsi que mon idée de créer «Beït El malouf» qui a toujours été un rêve pour moi. Lors du spectacle inaugural, nous avons annoncé la création de «Beït El malouf» qui aura plusieurs fonctions : il y a la formation pour le chant et la maîtrise des instruments traditionnels ainsi que des ateliers et des groupes parmi lesquels on sélectionnera un noyau dur et cela créera une dynamique. C'est un espace ouvert à tous les Tunisiens quelles que soient leur ville ou leur région. En même temps nous allons enregistrer tous les spectacles qui auront lieu à la Cité de la culture, mais on enregistrera également le malouf inédit, notre patrimoine, et auquel je tiens beaucoup. «Beït El malouf» ne risque-t-il pas de faire un doublon avec la Rachidia ? La Rachidia est une association qui a sa place et sa valeur, mais on ne peut pas avoir un lieu comme la Cité de la culture dépourvu de malouf ! «Beït El malouf» est mon projet personnel. Je ne représente pas la Rachidia. De toute façon, le fonds du patrimoine à enregistrer c'est moi qui le détiens. J'aurais pu le faire à titre privé mais j'ai choisi de le travailler à la Cité de la culture sous l'égide du ministère de la Culture. Aujourd'hui vous êtes seul à porter tout le poids du malouf sur vos épaules, et si le malouf est encore apprécié, c'est parce qu'il est lié à votre nom et à votre personne mais avez-vous préparé quelque chose pour le futur ? Je suis surtout conscient que j'ai acquis un savoir et je ferai ce qu'il faut pour le transmettre! Je me suis investi dans cette mission artistique qui est celle de communiquer ce savoir spécifique issu de notre patrimoine. C'est quelque chose qui aurait dû avoir lieu il y a longtemps, depuis l'époque de mon père et des autres maîtres… Personne n'y a pensé à l'époque. Aujourd'hui nous sommes appelés à former une nouvelle génération. Et le fait que «Beït El malouf» existe au sein de la Maison de l'opéra est très symbolique dans ce sens. Faire partie d'une troupe de malouf, est-ce quelque chose qui attire encore les gens ? Mais bien sûr ! Pour le casting de ce spectacle à la maison de la culture nous avons eu une affluence énorme ! et sans avoir encore parlé de formation ! Vous pensez que le malouf porte encore son époque devant toutes les musiques qui s'offrent à nous aujourd'hui ? Le malouf est une musique classique qui transcende toutes les autres musiques. Il était là depuis l'époque des Andalous et il est encore là aujourd'hui. Le malouf est le pilier de la musique en Tunisie, c'est une grande école qui défie tous les temps. A une époque, votre père Tahar Gharsa a allégé le malouf et l'a rendu plus alerte. Est-ce que vous comptez moderniser cette musique ? Effectivement, je suis en train de moderniser le malouf sur le côté technique. J'essaie de lui donner une écriture moderne qui sort de la monotonie avec une évolution sur le plan de la troupe. Je suis en train de composer du malouf en le rendant plus souple et plus accessible à tout le monde mais de manière très élégante. Le malouf a acquis un public de plus en plus nombreux et avec «Beït El malouf» au sein de la Cité de la culture, le public sera encore plus acquis !