Tic tac tic tac. A la Médina de Tunis, le temps semble avoir suspendu son vol et chaque parcelle de la cité historique retient son souffle. Demain c'est jour de fête et pour cause ! Une « Grande Dame » soufflera sa quatre-vingtième bougie et les festivités dureront non pas un mais onze jours successifs! La Rachidia, première institution musicale du pays et l'une des plus anciennes du Monde Arabe, a en effet été fondée fin 1934, soit aujourd'hui 80 ans d'histoire, de musique et de passion. Un anniversaire qui sera fêté en grandes pompes, du 21 au 31 mai, dans plusieurs hauts lieux de la Médina mais aussi au Théâtre Municipal de Tunis et à Sidi Bousaïd. A l'occasion des 80 ans de la Rachidia, un programme varié et surtout inédit a été concocté pour le plus grand plaisir des mélomanes et des nostalgiques de l'époque dorée de la Rachidia et de la musique raffinée d'antan. C'est demain, vers 17h, que les festivités débuteront au Palais Kheïreddine avec l'inauguration de l'exposition documentaire retraçant l'histoire de la Rachidia au fil des ans. Plusieurs rendez-vous musicaux ont bien évidemment été programmés, dont le premier, un gala de l'orchestre de la Rachidia, se déroulera au Théâtre Municipal de Tunis dès le lendemain. D'autres se tiendront au Centre culturel Tahar Haddad, à Bir Lahjar ou encore à la Madrsa Slimaneya. Tout au long de ces onze jours de célébration, des spectacles de rue seront également donnés et animeront les artères de la Médina aussi bien à la place de la Berka que dans les cafés d'extérieur, notamment celui d'« El Kachechin », Mrabet ou encore celui de la Driba. A Dar Lasram 2, le musicien Abdelkrim Shabou et le conteur Taher EL Fazaâ feront voyager très loin les participants, samedi 23 mai, dans un univers où la parole épouse la musique et où l'art se conjugue à la perfection. La troupe de la Rachidia de Kélibia se produira quant à elle, le 29 mai, au palais d'Ennejma Ezzahra. Située rue Driba, à la Kasbah de Tunis, la Maison de la Rachidia (Dar Errachidia), accueillera le reste des festivités. Au programme: un orchestre de Malouf turc, une conférence scientifique « La Rachidia, au présent et au futur », un spectacle de Malouf constantinois, de la calligraphie par Mokhtar Ali, le spectacle MANGA par Mohamed Ali Ben Cheikh, le spectacle de partitions de la A'ala marocaine « Jaouk » ou encore « Nouba de Sikah ». C'est la troupe de la Rachidia de Sousse qui animera la soirée de clôture, toujours à la Maison de la Rachidia à Tunis. Un souffle de jeunesse Et parce que la Rachidia ne sera jamais « has been » et que de plus en plus de jeunes se prennent de passion pour le Malouf, la nouvelle génération n'a pas été écartée des festivités. Les jeunes ont en effet collaboré avec passion à l'élaboration du programme de cet anniversaire-hommage et nombreuses sont les associations qui lui ont insufflé une brise de fraîcheur, à l'instar de « Carthagina», « Aswar Al Medina », « Social Media Group » et le collectif « Wikipedia Tn User Group ». Lors de l'évènement « Wiki Loves Rachidia », deux ateliers seront consacrés à la rédaction d'articles sur Wikipedia, avec pour thème « Traduction » qui se tiendra à la Bibliothèque Diocésène et « Rédaction et modification » qui se déroulera à Dar Lasram. Un karaoké sera également organisé dimanche 24 mai, à partir de 16h au Café Mrabet à la Médina. L'occasion pour les jeunes talents et même les non avertis de fredonner des airs mythiques du Malouf et de ressusciter les trésors de cette belle musique arabo-andalouse. D'art et de passion La Rachidia, c'est avant tout un patrimoine culturel unique pour la Tunisie et un lieu mythique qui regorge de souvenirs musicaux exceptionnels. La Rachidia c'est aussi des noms gravés à jamais dans la mémoire de tous tels que Mustapha Sfar, Othman Kâak, Khemaïs Tarnane, Saliha, Mohamed Triki, Salah Mehdi, Mohamed Sâada, Kaddour Srarfi, Taher Gharsa, Abdelhamid Ben Aljia sans oublier le Cheikh du Malouf Zied Gharsa. Fondée le 3 novembre 1934 par un groupe d'intellectuels tunisiens présidé par Mustapha Sfar, Cheikh El Médina de Tunis à l'époque, son nom fait référence à Mohamed Rachid Bey, troisième roi de la dynastie husseinite. Initié à la musique dès son plus jeune âge par sa mère Italienne de naissance, il était également passionné de poésie et jouait du luth et du violon. Passionné de chanson andalouse, il a tenté d'enrichir la musique tunisienne par des notes et des rythmes issus de la musique turque. Il fondera, au Bardo, une école de musique dans l'enceinte du palais beylical qui fut conservée sous le règne de ses successeurs. Depuis sa création, la Rachidia oeuvre pour la sauvegarde du patrimoine musical tunisien et encourage la créativité et l'innovation chez les jeunes musiciens de tous horizons.