La relance du secteur textile et habillement est une question qui préoccupe aussi bien les industriels que les institutionnels, étant son importance et son poids sur l'économie nationale en termes d'exportations et d'emplois. Bien qu'il ait connu de grandes difficultés durant les dernières années, induisant la disparition de centaines d'entreprises, la perte de milliers d'emplois et la baisse des exportations, le textile et habillement tunisien occupe une place prépondérante dans le tissu industriel, représentant 1600 entreprises et générant 160 mille postes d'emploi et 2,16 milliards d'euros à l'export, en 2018. Le plan de relance a été présenté tout récemment lors du congrès annuel de la Fédération tunisienne du textile et habillement (Ftth) à Sousse. Cette jeune fédération qui a été créée à la fin de 2017, a saisi l'occasion pour réunir les industriels du secteur et les structures institutionnelles concernées pour une mobilisation au profit d'un nouveau souffle pour le secteur. Ainsi, le plan présenté par Hosni Boufaden, président de la Ftth, vise à atteindre 4 milliards d'euro d'exportations et de créer 50 mille emplois supplémentaires d'ici 2023. Des objectifs qui seront officialisés par la signature prochaine du pacte de la compétitivité pour le secteur entre le gouvernement et la profession, tel que l'a annoncé le Chef du gouvernement Youssef Chahed, qui a inauguré le congrès, dimanche dernier. Six leviers stratégiques ont été identifiés pour la mise en œuvre du plan de relance. Un premier levier qui repose sur un modèle de gouvernance public-privé adapté, ayant trois composantes essentielles. On indique la création d'un Conseil national stratégique pour le secteur et d'un fonds dédié au développement du secteur englobant le privé, des fonds partenaires privés et l'Etat tunisien pour la réalisation de projets industriels, de l'infrastructure et de la formation. Il s'agit aussi de la promotion et le pilotage de la mise en œuvre à travers une agence public-privé, à but non lucratif, qui sera le chef de file pour la promotion du textile tunisien et le pilotage de la réalisation de la stratégie. Ainsi, le côté public s'engage à appuyer les nouvelles structures, les doter d'autorités fonctionnelles et de désigner un interlocuteur unique au niveau des structures publiques ainsi que de mettre à la disposition de la profession les études stratégiques nationales. Du côté privé, les industriels s'engagent à être une force de proposition et à conduire des plans d'action à court et moyen terme sur différents volets, de produire le reporting d'avancement du plan stratégique auprès du conseil national stratégique du textile et d'assurer le pilotage de l'étude stratégique à horizon 2030 et la mener avant le premier semestre 2019. Go to Market Le deuxième volet concerne le lancement d'une dizaine de projets stratégiques d'intégration, à travers l'identification et l'attraction de partenaires stratégiques de premier plan, la conception et le montage de projets avec la profession et les partenaires potentiels et la conception et le développement d'une offre territoriale adaptée. Le secteur public aura à développer une offre attractive et des mesures incitatives spécifiques construites sur mesure pour les projets stratégiques d'intégration et à faciliter la réalisation des projets. Pour le secteur privé, il s'agit d'identifier les partenaires potentiels des projets, d'engager les démarches de prospection et auprès des donneurs d'ordre et des partenaires stratégiques et de concevoir et étudier les projets selon les besoins des industriels et des partenaires potentiels. Ajoutons à cela la mobilisation des fonds privés auprès des industriels et autres bailleurs de fonds pour la réalisation des investissements liés aux projets et la réalisation des projets stratégiques identifiés. Le troisième volet vise la promotion accentuée sur les marchés traditionnels et nouveaux. Les objectifs assignés consiste en la construction et le développement d‘une proposition de valeur par filière sur la base des facteurs clés d'attractivité et des cibles, l'établissement d'un Plan « Go to Market » par filière et le développement de la diplomatie économique pour favoriser le développement et l'accès aux marchés traditionnels, soit l'Union européenne, et nouveaux tels que les Etats-Unis d'Amérique et l'Afrique. L'engagement des structures publiques concernera l'appui de la démarche de promotion sectorielle par la promotion nationale du pays et l'appui du plan promotionnel des filières par les démarches de diplomatie économique et de lobbying à haut niveau à travers des accords avec l'UE et les Etats-Unis ainsi que la prospection et l'attraction des grands donneurs d'ordre. Il s'agit également d'appuyer l'effort promotionnel par les dispositifs en place à l'exemple du Fonds « Tasdir+ ». La Ftth aura à concevoir le plan « Go to Market » et la proposition de valeur par filière et par cible, à élaborer le plan de marketing et de communication aux échelles nationale et internationale et à piloter sa réalisation à travers des Roadshows, des Events, des Spots, des campagnes de relations publiques et marketing digital, etc. Elle engagera les démarches de prospection et de promotion sectorielle auprès des donneurs d'ordre et des partenaires stratégiques et aura à animer l'environnement du secteur via des plateformes dédiées et de nouveaux canaux de communication. Formation co-construite Le quatrième levier vise l'adaptation de la formation aux besoins des filières avec pour objectifs de mettre en œuvre une démarche de co-construction des parcours de formation entre la profession et le dispositif de formation, de promouvoir l'image du secteur et l'attractivité des filières auprès des jeunes et de lancer des programmes de reconversion des diplômés au profit des filières textiles. Le côté public s'engage à orienter les programmes d'emploi et de formation professionnelle et universitaire suivant cette démarche, à adapter la législation en vigueur suivant les directives et recommandations des filières et permettre à la profession de siéger dans la gouvernance des universités et des centres de formation. Du côté privé, on s'engage à construire et à préconiser les parcours de formation adaptés et à contribuer à la conduite des formations au sein des entreprises (formateurs et stagiaires, formations en alternance, cursus universitaires). Le cinquième levier du plan de relance repose sur le développement d'une offre territoriale et d'une logistique performante. Il s'agit des zones industrielles, des infrastructures eau et environnement (stations d'épuration), des parcs de production d'énergie, des infrastructures portuaires, des plateformes logistiques et de services (Essais, Prototypage, entre autres), des laboratoires et des showrooms et parcs d'expositions. Les structures publiques auront à faciliter la mise en œuvre des projets en matière d'infrastructures et à favoriser un parcours prioritaire des exportations textiles au Port de Radès. Y ajoutons l'aménagement de nouvelles zones industrielles aux meilleurs standards internationaux et la réalisation des stations d'épuration nécessaires aux projets d'intégration Tissage et Finissage. Les professionnels seront une force de proposition pour les projets d'infrastructures selon les standards et les besoins des projets. Le sixième levier est a mise en place de mesures incitatives adaptées aux attentes du secteur, à l'exemple de la Tarification préférentielle de l'énergie, de l'eau et de l'environnement, l'établissement de contrats-programmes avec les entreprises leaders, la facilitation des procédures administratives (export, implantation IDE, autres). Il s'agit, aussi, de lancer des mesures de rationalisation des importations (contrôle technique, prix tendance, etc.), d'instaurer une concurrence loyale entre les importateurs et les fabricants pour le marché local et de faciliter la commercialisation de 30% des produits des entreprises totalement exportatrices sur le marché local. Des objectifs qui nécessitent l'adaptation de la législation de la part des autorités publiques en prenant en compte les propositions des professionnels.