Par Neila GHARBI A Hammam-Sousse, il existe une rue portant le nom de Salah Jegham. C'est rare qu'une rue porte le nom d'un journaliste. Hammam-Sousse est la ville natale de Salah Jegham, où il est né en 1945 et mort accidentellement à Tunis en 1991, il y a 28 ans. Durant sa vie, il a trôné aux côtés d'un autre grand journaliste, Néjib Khattab, sur la scène médiatique dominée par les chaînes nationales. Les deux ont vécu à l'époque où il n'y avait pas encore d'internet, de réseaux sociaux ni de téléphones portables. Une époque où la radio était reine. Figure emblématique et charismatique de la radio et de la télévision, Salah Jegham se détourne de la voie toute tracée que lui a choisie son père : celle d'ingénieur, et en autodidacte, il s'est formé en côtoyant les personnalités culturelles, empruntant un chemin de traverse, celui de la radio. Enfant, il écoute beaucoup la radio. Les années 50, il commence à découvrir les ondes, les animateurs et producteurs d'émissions, à reconnaître leur voix dont les plus distinctives sont celles de Abdelaziz Laroui, Abdelaziz Riahi, Abdelaziz Kacem. Petit à petit, la passion se transforme en rêve : devenir une de ces voix qui traversent cette boîte magique qui le fascine tant. Lorsqu'il grandit, il se met à écouter d'autres radios qui lui font découvrir d'autres horizons, d'autres styles de présentation d'émission. Ses préférées sont, entre autres, «Saout America», radio Londres, radio Misr. C'est alors qu'il décide d'embrasser la carrière de producteur-animateur à la radio. Il rejoint l'antenne de la radio nationale en 1964. La culture orientale l'attire plus que tout. Il préfère Taha Hussein à André Malraux ou Ernest Hemingway. Il se nourrit de la voix des chanteurs compositeurs comme Mohamed Abdelwaheb, Férid Latrache, Abdelhalim Hafedh, ses idoles. «La radio est mon école et ma maison. En sa compagnie, je commence ma journée et la quitte en fin de soirée», confie-t-il. Très vite, il devient une star de la radio. Il se bat pour imposer des valeurs culturelles intrinsèques, se mettant, parfois, en colère lorsque l'auditeur, qu'il essaie toujours de tirer vers le haut, ne le suit pas. A la radio, Salah Jegham présente «Haqibet el Moufajaat» (La valise des surprises), «Yaoum Said», «El Bath el Moubacher», «Fajr Hata Matlaâ el Fajr», «Maân fi Dhiyafet Ramadan» «Saâ Maâljawaiz», ces deux dernières émissions qu'il co-anime avec Néjib Khattab. A la télévision, il anime des émissions ayant fait date dont des variétés, des interviews avec des personnalités artistiques et politiques arabes parmi lesquelles le grand journaliste égyptien Mohamed Hassanine Haykel, la star Adel Imam, le poète Bichara Khoury, Mohamed Fitouri, Fayrouz, Faten Hamama, Moussa Sadr, Taieb Salah, Ouled Ahmed, Jaâfer Majed… et d'autres. Il est plus à l'aise derrière le micro que face à la caméra. Il représente une génération d'animateurs qui exercent, en quelque sorte, leur dictature sur l'auditeur et exigent qu'il soit cultivé à leur image. Parmi ses pairs Néjib Khattab considéré, lui aussi, comme une icône du petit écran notamment. Salah Jegham laisse une empreinte gravée dans la mémoire de ceux qui l'ont côtoyé considérant sa mort prématurée. Son frère Habib Jegham qu'il a initié au micro a pris la relève. De radio Monastir, il prend la place à l'avenue de la Liberté après la mort de son frère. Habib continue à honorer la mémoire de son aîné. En effet, il s'attelle présentement à la publication d'un livre réunissant une série d'interviews réalisées par Salah parues dans la Revue de la Télé. C'est le moindre des hommages à rendre à un journaliste qui a marqué son époque et une certaine façon de faire du journalisme qui devient de nos jours une activité dépourvue de ce qui faisait son essence : la passion.