Par Khaled TEBOURBI Nos amis du journal ont écrit de belles choses en hommage à «si» Taoufik Baccar. Souad Ben slimane, à travers un portrait d'une émouvante fraîcheur, simple, narguant presque «le deuil». Comme il les affectionnait ! Puis Youssef Seddik (qui nous a tous précédés, ici). Dans une évocation admirable de sensibilité et de justesse, et dont on aura retenu l'essentiel : une œuvre et une vie vouées à la passion des lettres arabes et au génie littéraire tunisien. Au maître est rendu son dû. Mais on y ajoutera ceci : que les grands disparus laissent immanquablement un grand vide derrière eux. Souvent impossible à combler. Taoufik Baccar exerça deux vocations : l'enseignement et la critique. L'enseignement est patience. La critique est sans concession. Youssef Seddik décrit admirablement comme «si» Taoufik y pourvoyait sans jamais d'«accroc». Avec les justes enthousiasmes, mais aussi les justes«excès». Combien d'universitaires de rang sont passés par lui ; combien d'auteurs nous lui devons. Et la «re-culminance» de Messaâdi. Et la révélation de Douagi. Et les coups de cœur du dialectal. Et la défense des jeunes écrivains. Quand on a connu tout ça, quand on a «pesé et soupesé», on a idée de la «béance» : qui donc ferait un tel boulot après lui ? La même semaine, on s'est rappelé au souvenir de Néjib El Khattab. Autre irremplaçable. Le 25 avril était le XIXe anniversaire de sa mort. Il y a loin, bien sûr, de la littérature à la variété. De l' animation à l'érudition. Là, toutefois, la mémoire est le seul référent. L'histoire crue. Avec de la distance, deux décennies bientôt, les «calibres» s'égalisent, les parcours font un peu «fusion». Ce que l'on en garde aujourd'hui ? Le sentiment d'avoir jugé «tout faux». Dans les années 80, Néjib El Khattab, était au cœur d'une extraordinaire dynamique de la chanson. Il avait ses émissions,il avait ses liens avec l'édition. Il avait son carnet d'adresses pour le monde arabe. Chose dont on se serait émerveillé ces jours-ci :il faisait et défaisait les stars ,et il impactait les festivals à travers tout le continent. Pendant ce temps, nous, journalistes culturels, on le désignait constamment du doigt. A nos yeux, c'était un «traître à l'art», «un propagateur de mauvais goût». Voire «Un agent marketting déguisé», «un intermédiaire corrompu». C'était l'époque du «classicisme finissant» et de l'émergence des satellitaires. Nous nous accrochions à nos «traditions musicales moribondes». Alors que lui avait déjà tout compris. Mi-90, il nous a quittés. Tôt. Très tôt. En pleine mutation audiovisuelle. A l'orée de la mondialisation. Il serait allé jusqu'au bout. Entre-temps, on a tout dilapidé en son absence: la chanson, le marché de la chanson, l'audiovisuel même,notre belle présence sur le continent...