Notre invité est un connaisseur du basket avec une longue carrière de joueur et d'entraîneur. Il évoque ce qu'il a fait, et son arrivée à la tête d'une JSK qui a défrayé la chronique cette saison. Il parle aussi du basket tunisien, de son projet souhaité à Kairouan, du championnat et d'autres sujets. Sa passion pour le basket n'a pas de limites. C'est ce qui compte le plus. Commençons par l'actualité. Que dites-vous après la défaite d'avant-hier contre l'USM ? « C'est une défaite amère, mais c'est encore jouable pour nous. C'était très stressant ce match, avec des détails qui nous ont fui vers la fin. On ne pouvait pas rester sobre avec 7 joueurs contre une USM qui tournait avec 11 joueurs. Ce n'est pas encore fini». Après une si longue et une si riche carrière de joueur et d'entraîneur de garçons et de filles, en clubs et en sélections, avez-vous encore l'envie de découvrir le monde du basket ? « Depuis que j'ai commencé à évoluer à l'ASM, mon club de toujours, et à l'EST, puis comme entraîneur de jeunes et de seniors dans ces deux clubs, ainsi qu'en sélections, je peux vous dire que j'ai encore envie d'entraîner et d'apprendre et de faire apprendre aux joueurs. C'est la passion pour le basket qui me guide toujours, et c'est encore l'envie de passer à un palier supérieur qui m'anime. Je crois que l'entraîneur qui pense un jour qu'il a tout réalisé et tout vu est un entraîneur fini et blasé ». Quels souvenirs gardez-vous de vos parcours de joueur et d'entraîneur ? « Il y en a plusieurs. Le titre de coupe remporté en 1989 avec l'EST avec un panier mémorable de très loin, mes deux titres avec les jeunes de l'ASM, le championnat maghrébin avec le CSPC , la médaille d'argent en 99 avec l'équipe U18 et une expérience fructueuse comme adjoint de Mustapha Bouchenak et de Francis Jordane en équipe A , sans oublier la fonction de sélectionneur des Dames en 2005, puis en 2015. Les derniers souvenirs ont eu lieu à la DS Grombalia, un club avec lequel j'ai un attachement spécial. C'était une grande et forte expérience sportive et humaine. Maintenant, je suis à la JSK et c'est une nouvelle page qui s'ouvre et que je sens faste et marquante». Justement, parlons de votre passage surprise de la Dalia à la JSK… « Il faut dire que j'ai passé deux saisons fantastiques à Grombalia. La qualification pour la première fois en play-off a été une grande réalisation pour la Dalia. On a fait un bon travail et malgré l'indisponibilité des deux joueurs étrangers, nous avons pu passer au play-off et sincèrement on ne pouvait pas faire plus. J'ai été contacté par les aghlabides qui s'apprêtaient à jouer «l'Afro league» et les responsables de la Dalia, contactés eux aussi, m'ont libéré. C'est pour moi un nouveau challenge et il fallait que je passe à une autre expérience. Le début de cette aventure, avec déjà un tournoi qualificatif au Maroc, a été fort réussi. Nous avons réussi alors à nous qualifier en quarts avec un basket respectable et un jeu d'égal à égal avec Salé, le club organisateur. Je ne pouvais pas espérer un meilleur départ». Cette réussite en Afro league et cette qualification en super play-off après avoir battu l'ESR montrent bien que c'est une saison impeccable pour la JSK. Comment expliquez-vous cela, vous qui avez pris le train en marche ? « Je pense que cette JSK, malgré le peu de moyens financiers, a réussi à mettre en marche une équipe où il y a un bon mélange jeunesse et expérience. Il y a de l'envie chez ces jeunes talents qui montent, et il y a aussi des cadres comme les Kechrid, Laghnej et Kochat qui sont encore capables de donner le plus. Samir Boudden et Hatem Meftah, mes prédécesseurs, ont fait du bon travail. Et il y a aussi quelqu'un qui a contribué à ce retour en forme de la JSK, à savoir Slim Mejbri, président de section qui a cru dans ce nouveau projet. Quand j'ai débarqué, j'ai essayé de faire passer rapidement le message et d'améliorer l'organisation du jeu tout en gardant cette terrible vivacité. Ce qui est bien, c'est que les joueurs de la JSK sont réceptifs et ont accepté ma façon de diriger. C'est une recette efficace». Parlez-nous du jeune trio Dhif - Jaouadi - Addami ? « Ce sont trois révélations talentueuses. Ahmed Dhif est un fin organisateur qui me rappelle Kenioua. Il a un jeu intelligent et peut exceller dans l'avenir. Jaouadi est un joueur explosif et qui a une forte personnalité, mais il doit s'améliorer en défense. Quant à Ahmed Addami, c'est un pivot sobre qui une bonne matière première et qui a une bonne adresse de loin. C'est de la bonne graine, mais le chemin est encore long pour eux». Finalement et au-delà du résultat des demi-finales du super - play-off, quel est votre projet sportif à la JSK ? « Le projet consiste à bâtir une équipe capable de remporter les titres et de faire revivre l'aura de la JSK de 2000 à 2005. Il faudra travailler plus pour hausser le palier de l'équipe et pour mettre les joueurs dans une dynamique de titres. Ça doit se faire soigneusement, mais ces joueurs sont déjà capables de jouer leurs chances cette saison jusqu'au bout. On a le temps et les qualités pour avancer. Le saut de qualité, on est en train de le faire petit à petit. Cette équipe mérite qu'on l'encourage. En Afrique, on a réussi à rejoindre les 8 meilleures équipes du continent. Et c'est déjà quelque chose de concret et de motivant pour l'avenir. Je pense que le super-play-off est une bonne occasion pour apprendre». Que pensez-vous du niveau du championnat ? Y a-t-il des révélations et de la relève pour la sélection ? « Je crois que l'édition actuelle n'est pas mal, c'est même un niveau appréciable. On a eu quelques matches de haut niveau, et une équipe comme l'ESR, ayant plus de moyens humains, a été battue deux fois en ce play-off. Il y a du dynamisme et une concurrence de plus en plus acharnée. On n'est pas dans un championnat de haute qualité, mais cette saison, les forces sont plus équilibrées. Quant à la relève, ce n'est pas encore une tendance. On a encore des joueurs brillants qui excellent, comme Selimene, Kenioua et H'didane et qui ont dépassé la trentaine. On a besoin dans l'immédiat de plus de joueurs jeunes et talentueux qu'on doit intégrer dans les premières équipes et qui vont apprendre et progresser. Avec la qualité moyenne des joueurs étrangers, je pense que cette petite relève a des chances d'arracher des places. Mais on a besoin de donner plus de chance à cette relève». Compte tenu des qualités et des défauts du basketteur tunisien, peut-on dire qu'il est facilement « exportable » ? « On a bien sûr le modèle de Salah Mejri qui cartonne en NBA, mais on a aussi Abada et Ben Romdhane qui jouent en France et qui ont laissé de bonnes impressions. Nos jeunes et nos moins jeunes joueurs ont amélioré leur morphologie, sont de plus en plus réceptifs et intelligents sur le plan tactique, et s'entraînant plus et mieux, mais il reste à forger un état d'esprit professionnel. Sur des championnats de qualité et où la concurrence est rude, il faut résister mentalement à la charge du travail et cela manque encore à plusieurs joueurs qui veulent réussir vite. Mais je persiste à dire que nous avons des joueurs exportables». Vous avez émergé depuis la fin des années 90, mais la chance vous a tourné le dos par rapport à d'autres entraîneurs moins compétents, mais qui ont réussi … la chance vous sourit-elle maintenant ? « Je sais que je n'étais pas très chanceux dans ma carrière d'entraîneur. Je fais partie de ces entraîneurs–enseignants d'éducation physique contraints, par une absurde décision, à choisir entre l'enseignement et l'entraînement. Ça m'a coûté des saisons perdues où je me suis contenté d'entraîner les seniors filles pour préserver ma fonction d'enseignant. Heureusement que Tarek Dhiab a mis fin à cette injustice, et revalorisé le métier d'enseignant qui a tous les moyens de réussir comme entraîneur. J'ai fait le tour des clubs, et maintenant, je sens que les choses vont nettement mieux. On doit toujours patienter et y croire. J'espère que l'avenir sera meilleur, mais je reste fier de ce que j'ai fait avec tous les clubs que j'ai entraînés». Vos modèles comme joueur et comme entraineur … « J'étais un grand fan de Badredinne Kaddour qui jouait à l'ASM. Il m'a fait aimer ce jeu. Par la suite, je pense que Lamjed Njah et Sami Husseini étaient de grands joueurs. J'aimais leur complémentarité. Côté entraîneurs, il y a trois noms que j'admire : Mustapha Bouchenak, Mohamed Zaouali et Abouda Ben Brahim».