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Divorce à l'amiable : la manipulation grotesque des députés et du lobby des huissiers
Publié dans Business News le 09 - 05 - 2025

Une proposition de loi déposée en 2023, relancée cette semaine par l'ARP, entend moderniser la profession de notaire. Mais au détour d'un article, elle confie aux huissiers le pouvoir de prononcer les divorces à l'amiable. Une ligne dans un texte de 118 articles et 67 pages qui soulève une tempête politique, judiciaire et sociétale.

Cette semaine, la commission de législation générale de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) s'est enfin saisie du projet de loi n°41/2023, déposé depuis près de deux ans. Le texte, signé par 111 députés (dont 105 maintiennent leur soutien), vise officiellement à moderniser les attributions des huissiers notaires en Tunisie.
Derrière l'intention législative, se cache une mesure explosive : permettre aux couples tunisiens de divorcer par consentement mutuel devant un notaire, sans passer par un juge. Une proposition qui touche un symbole fondateur de l'Etat tunisien moderne : le Code du Statut Personnel (CSP), promulgué le 13 août 1956.
S'il ne s'agit que d'une phrase perdue dans l'article 26 d'un texte de 67 pages et 118 articles, elle n'en provoque pas moins une onde de choc. Car modifier le divorce, c'est toucher à la structure même de la société tunisienne.

Ce que dit le projet de loi
Le député Youssef Toumi, élu de Sousse et signataire du texte, s'en défend. Sur les ondes de Jawhara FM, il a justifié cette réforme par un souci d'efficacité : « Le divorce à l'amiable peut durer plusieurs mois devant les tribunaux. Pourquoi ne pas permettre aux couples d'en finir rapidement, devant un notaire, quand il n'y a ni conflit, ni enfant mineur ? »
Il rappelle que dans certains pays comme la France, le divorce devant notaire est reconnu. « Pourquoi refuser à nos citoyens ce que nous acceptons lorsque cela est fait à l'étranger ? », interroge-t-il. Il assure que dans les cas impliquant des enfants, l'accord d'un juge restera nécessaire.
Selon lui, cette réforme ne touche qu'un pan bien précis et limité du droit du divorce : celui où tout est déjà acté entre les deux parties.

Une ligne, un séisme, une manipulation
Mais derrière l'apparente modération du discours de Youssef Toumi se cache une manipulation manifeste. Le député affirme que la réforme ne concernerait pas les couples ayant des enfants. Pourtant, l'article 26 du projet de loi est explicite : il autorise le divorce à l'amiable sans émettre la moindre restriction ni mention particulière quant à la présence ou non d'enfants mineurs. Il s'agit donc d'une tentative de minimisation de l'impact réel du texte.
Plus encore, cette disposition explosive ne fait l'objet que d'une seule ligne noyée dans un article sur les compétences notariales, lui-même fondu dans un projet de 118 articles. Une dissimulation habile : les parlementaires laissent croire à une simple réforme de métier, alors qu'ils amorcent un changement fondamental touchant au droit de la famille.
C'est là que le scandale prend forme. Ce n'est pas dans une loi corporatiste réformant la profession d'huissier notaire que l'on modifie la procédure de divorce, mais bien dans le Code du Statut Personnel, texte fondateur, porteur de l'identité juridique tunisienne. Tenter de faire passer une telle révolution par une porte dérobée revient à tromper la société toute entière.

Une menace sur les acquis fondamentaux ?
Mais la réponse des opposants est frontale. Pour le juge Omar Weslati, conseiller à la cour d'appel, il s'agit d'un véritable démantèlement du CSP. « Confier le divorce à un notaire, c'est priver les couples – surtout les femmes – de la protection qu'offre le juge. Cela ouvre la porte aux pressions familiales et sociales. Une femme qui dit 'oui' devant un notaire ne consent pas toujours librement. Le juge, lui, a le pouvoir d'enquêter, de retarder ou d'empêcher un divorce inéquitable. Le notaire n'a pas ce pouvoir. »
Le magistrat rappelle aussi que le projet ignore un point fondamental : l'article 40 de la loi sur l'état civil stipule que seuls les jugements judiciaires de divorce peuvent être inscrits dans les registres. En clair, même si le texte est adopté, les divorces devant notaire ne seraient pas transposables à l'état civil sans une réforme parallèle.
Hichem Snoussi, figure de la société civile et ancien membre de la Haica et de l'ONG Article 19, va plus loin. Il dénonce un Parlement déconnecté des priorités du pays : « Avons-nous tout réglé en matière économique, sociale, éducative ou sécuritaire pour qu'on s'attaque au CSP ? »
Il soupçonne une manœuvre idéologique ou une diversion politique. « Soit il s'agit d'un manque de lucidité législative grave. Soit d'un écran de fumée pour détourner l'attention. Dans les deux cas, c'est inquiétant. »

Ce que font les autres pays : entre simplification encadrée et contrôle judiciaire
Les défenseurs du projet tunisien invoquent souvent l'exemple de pays européens ayant autorisé le divorce par consentement mutuel en dehors du cadre judiciaire. Mais une lecture attentive des législations étrangères montre que la Tunisie irait bien plus loin que tous ces pays développés, et surtout, sans les garanties qu'eux imposent.
En France, le divorce amiable peut effectivement se faire sans juge, mais uniquement en l'absence d'enfant mineur demandant à être entendu. Les époux doivent être assistés chacun par un avocat, et le divorce est formalisé par un acte notarié encadré par le Code civil.
En Italie, une réforme similaire permet le divorce devant notaire ou officier d'état civil, mais à condition qu'aucun enfant mineur ou dépendant ne soit concerné. De plus, le procureur de la République peut refuser le divorce si les conditions de protection ne sont pas réunies.
En Espagne, la procédure extra-judiciaire est autorisée seulement pour les couples sans enfants à charge, et elle doit obligatoirement passer par un notaire et être encadrée par un avocat, garantissant l'équilibre de la convention.
En Belgique, même le divorce par consentement mutuel reste une procédure exclusivement judiciaire. Les conjoints déposent une convention devant le tribunal, qui vérifie la validité du consentement et l'équité des accords, notamment en matière de garde et de partage des biens.
À ces exemples s'ajoutent ceux de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède et de la Finlande, où le passage devant le juge reste obligatoire, même en cas d'accord total entre les époux.
En Allemagne, un juge doit valider toute demande de divorce et peut refuser si la séparation n'a pas duré au moins un an.
Aux Pays-Bas, la convention de divorce doit être soumise à un juge, qui peut la modifier s'il estime que les droits des enfants ou de l'un des époux ne sont pas respectés.
En Suède et en Finlande, un délai de réflexion de six mois est imposé dans de nombreux cas, et la justice conserve un rôle central dans la protection des personnes vulnérables.
Autrement dit, même les pays qui ont assoupli la procédure de divorce l'ont fait avec rigueur et précaution. Aucun d'entre eux n'a adopté une approche aussi large et floue que celle proposée à l'article 26 du projet de loi tunisien. En l'état, la Tunisie prendrait une avance risquée sur tous ces Etats… sans en adopter les garde-fous.

Une justice humaine, pas administrative
Ce projet de loi n'est pas anodin. Il ne s'agit pas simplement de réformer une profession. Il s'agit de redessiner la manière dont la société tunisienne encadre la rupture la plus intime et la plus lourde de conséquences : le divorce. En tentant de faire passer cette réforme dans le silence d'un article corporatiste, les députés signataires ont tenté une manœuvre grave : faire glisser subrepticement une révolution sociétale sous le masque d'un toilettage technique.
Mais le divorce n'est pas un contrat ordinaire. Il n'est pas une simple signature au bas d'un acte notarié. Il est un moment de vulnérabilité extrême, de déséquilibre émotionnel, de tension sociale. Et c'est là que le rôle du juge est irremplaçable.
Le juge ne juge pas uniquement avec les textes. Il écoute, interroge, ressent. Il devine ce qui ne se dit pas, il lit entre les silences, il perçoit ce que le papier ne montre pas. Lorsqu'un couple se présente devant lui, il mesure les rapports de force, les non-dits, les éventuelles pressions familiales ou communautaires. Il peut suspendre une audience, exiger un délai, refuser un accord injuste. C'est cette humanité du droit que l'on veut aujourd'hui reléguer… à un huissier notaire.
Mais un huissier, aussi compétent soit-il, n'est pas un juge. Il n'a ni le pouvoir d'appréciation, ni la mission de protection. Il ne fera qu'enregistrer un « oui » et valider un divorce, comme s'il s'agissait d'un transfert de véhicule ou d'une cession de parts sociales. Ce serait une régression. Un déni de droit.
Et ce déni touchera d'abord les femmes les plus fragiles, celles des zones rurales, celles qui ne savent ni lire ni écrire, celles que l'on peut contraindre, intimider, manipuler. Celles à qui l'on dira : « signe ici, c'est mieux pour tout le monde ». Celles qui ne sauront même pas qu'elles pouvaient dire non. Celles que seul un juge pouvait protéger.
Derrière une ligne noyée dans un article, derrière une réforme présentée comme anodine, ce sont ces femmes que l'on abandonne. Ce n'est pas une modernisation, c'est une trahison. Le Code du Statut Personnel n'est pas un dogme, mais il est un rempart. Et si réforme il doit y avoir, elle doit être assumée, débattue, publique, frontale — et non dissimulée dans une loi technique sur les huissiers.
La Tunisie mérite mieux que ce camouflage. Elle mérite un débat digne de son histoire. Et ses femmes, toutes ses femmes, méritent la protection d'une vraie justice.

Maya Bouallégui

Encadré
Les nouvelles prérogatives que les notaires entendent obtenir
Selon l'article 26 de la proposition de loi 41/2023, le notaire public est habilité, sans exception, à établir :
- Les contrats de vente contre paiement ou par procuration, et les procurations relatives aux véhicules à moteur destinés au transport ou aux travaux, dont la durée d'immobilisation dépasse une année.
- Les contrats de location dépassant un an.
- Les reconnaissances de dette, leurs modalités, délais de remboursement, déclarations de renonciation ou de compensation.
- La réception de déclarations sur des documents étrangers.
- Les réponses officielles aux mises en demeure.
- Les reconnaissances de dettes commerciales.
- L'établissement de prêts sur la base de certificats de décès.
- Les actes de refus d'héritage.
- Les procès-verbaux des sociétés, associations et syndicats de copropriété.
- Les actes de cession d'actions ou parts sociales de sociétés.
- Les contrats de prêt, de bail ou de gage portant sur des biens non enregistrés.
- Les contrats de transfert de propriété immobilière non enregistrée.
- Les contrats de transfert de propriété intellectuelle et industrielle.
- Les procurations générales autorisant tous types d'actes juridiques sur les biens immobiliers.
- Les contrats de location à usage d'habitation.
- Les contrats de location à usage commercial.
- Les contrats de vente à terme.
- Les contrats de crédit-bail.
- Les actes d'investissement et de financement.
- Les contrats d'échange ou de cession de biens.
- Les actes de constatation de décès.
- Les testaments et codicilles.
- Les actes de tutelle et de curatelle.
- Les procès-verbaux d'augmentation de capital des sociétés.
- Rédaction des contrats de donation.
- Intervention, à la demande des ayants droit, pour établir qu'une succession a été ouverte légalement suite à un décès, incluant des biens immobiliers ou droits immobiliers enregistrés, avec déclaration de son contenu devant l'autorité judiciaire. Ceci comprend également la demande d'établissement de tous les certificats de décès nécessaires, afin de finaliser l'enregistrement de ces biens et droits immobiliers auprès du registre foncier.
- Tout ce qui est requis par la législation pour établir la force probante officielle.
- Tout acte réalisé en dehors des compétences énumérées ci-dessus est considéré comme nul et non avenu.


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