Après les chocs successifs qui ont dévasté la réputation du secteur de la santé en Tunisie et qui ont culminé avec l'affaire douloureuse des nouveau-nés, le gouvernement semble serrer les rangs et fourbir ses armes pour une large opération de sauvetage. Des jours de mobilisation qui pèseront lourd dans l'avenir du secteur Les braises étaient depuis longtemps sous la cendre. Car, pour le Tunisien moyen, il n'était plus possible de chanter les louanges d'un secteur dont on disait que les praticiens (médecins, infirmiers, techniciens...) étaient la fine fleur de tout un continent et que le tourisme de la santé a émergé pour en apporter la preuve, alors que même les Britanniques et les Français venaient se faire soigner chez nous. Pour nos concitoyens, le spectacle de la quasi-décadence de la santé chère à Bourguiba était insoutenable avec la multiplication des scandales ponctués par la fuite des compétences, la révolte des jeunes, le délabrement, le laisser-aller… jusqu'à ce que l'affaire des nouveau-nés mette le feu aux poudres. Effet d'annonce Le choc accusé après quelques jours de flottement, deux acteurs de premier plan se sont illustrés pour donner le change : Iyad Dahmani, porte-parole du gouvernement; Sonia Ben Cheikh, ministre de la Santé par intérim. En duo pour signifier clairement que le gouvernement considère désormais que le dossier de la santé n'est plus du ressort du seul ministre de tutelle, mais du corps de la présidence du gouvernement, Iyad Dahmani et Sonia Ben Cheikh ont tenu un point de presse conjoint pour annoncer plusieurs mesures au profit du secteur de la santé publique et des hôpitaux. Le gouvernement n'a pas lésiné sur les moyens en prenant ainsi la résolution d'injecter 100 millions de dinars dans le fonds d'appui au secteur de la santé, de régler 50% des dettes des hôpitaux publics auprès de la Pharmacie centrale (200 MD), de consacrer 107 MD à l'achat de plusieurs équipements au profit de toutes les institutions sanitaires publiques, d'allouer 80 MD à la modernisation de l'infrastructure informatique des hôpitaux et la digitalisation des données, de lancer 2.000 recrutements d'ici fin 2019, de lancer immédiatement le programme de prise de rendez-vous à distance dans 12 CHU et d'appliquer l'expérience de l'hôpital Habib-Thameur concernant la distribution automatique des médicaments dans tous les hôpitaux. Enfin, un effort franc de com Après ce duo et le message qui va avec, le gouvernement a poussé un peu plus loin, manifestement pour répondre aux accusations de défaillance en com. Il dépêche Sonia Ben Cheikh le jour d'après pour garder la pression avec un discours également basé sur les chiffres. Elle est ainsi intervenue à l'issue de la réunion du Conseil des ministres du 28 mars pour annoncer la mise en place d'un plan de travail sur 18 mois qui lancera les solutions urgentes et les réformes à moyen terme à même de consacrer la gouvernance dans la gestion des ressources humaines garantissant la maîtrise de 28% du budget général des hôpitaux. La ministre a insisté sur la modernisation du système informatique hospitalier, la bonne gestion financière, et l'infrastructure sanitaire en promettant que l'effort se poursuivra dans le but de pérenniser le financement du secteur de la santé et du matériel médical, la numérisation du secteur, la lutte contre la corruption… Dans la foulée, le palais de La Kasbah a participé à la mobilisation générale en annonçant que Youssef Chahed vient d'approuver un programme spécifique au profit du secteur de la santé publique fondé sur quatre volets : - Durabilité du financement du secteur des équipements et maintenance, des médicaments et fournitures - Gouvernance - Numérisation du secteur et résistance à la corruption - Renforcement des ressources humaines et des soins de santé hospitaliers. Chahed assure également qu'une étude d'évaluation du système d'assurance maladie sera lancée, une demande que d'innombrables parties ne cessent d'exiger depuis des années. L'Etat tunisien prendra également en charge le remboursement des dettes des hôpitaux publics, doublera la capacité de stockage de médicaments de la pharmacie centrale, garantira un approvisionnement périodique du secteur de la santé publique, modernisera le système d'information hospitalière, véhiculera de suite le projet de télémédecine dans cinq hôpitaux avant d'être généralisé aux 24 gouvernorats… Autant de mouvements dans plusieurs directions qui assureront au chef du gouvernement, le 4 avril prochain, une oreille attentive à l'ARP.