Grâce à leur nouvelle stratégie mise en œuvre depuis ces dernières années et appliquée à plusieurs reprises, les professionnels de la filière laitière (industriels, syndicats, agriculteurs et autres intervenants et intermédiaires) ont réussi l'exploit de mener à la baguette tout un peuple. Croyant avoir surmonté la dernière épreuve liée à la longue crise du lait, le consommateur ne peut que déchanter. Avant même que le mois de Ramadan n'arrive, les pénuries de lait reprennent de plus belle. En effet, les nombreuses déclarations publiques faites par des responsables du secteur ont créé un climat de crainte quant à la disparition de ce liquide du marché. Alors tout le monde s'est mis à en acheter et à en entasser des quantités en prévision du mois de Ramadan. C'est ainsi que des pénuries artificielles sont constatées un peu partout obligeant les gens à se rabattre sur tout ce qui leur tombe sous la main. Toutes les marques sont raflées. Cette technique visant à provoquer une ruée vers le lait permet aux professionnels d'écouler les autres variétés de lait que le consommateur n'achète pas. Un grand préjudice D'abord parce que le prix est élevé, ensuite parce qu'il n'y a qu'une ou deux marques qui sont les plus prisées. De ce fait, tout berlingot ou brique de lait devient un objet rare qu'il faut acquérir. La fièvre des achats risque de causer un grand préjudice aux Tunisiens (si ce n'est, déjà fait) et de créer un déséquilibre significatif dans le budget des ménages. Avec l'arrivée de Ramadan dans moins d'un mois, il n'est pas à exclure que nos concitoyens auront à passer de durs moments. D'ailleurs, on ne se fait guère d'illusions à propos d'un éventuel apaisement des marchés à la veille et au cours de ce mois du jeûne. Tous les indices sont là et montrent que l'on se dirige vers une dure épreuve, non seulement pour ce mois saint mais également pour tout l'été. Car en plus des menaces à peine voilées des professionnels, d'autres facteurs seront pris en compte pour déterminer le cours des prix de toutes les matières, notamment après l'augmentation des prix des carburants décidée il y a une semaine. Il est très probable que de nombreux producteurs les répercutent sur leurs marchandises. En outre, des responsables syndicaux de l'agriculture n'y vont pas avec le dos de la cuillère. Ils annoncent, carrément, qu'il n'y aura plus de produits agricoles dans les prochains jours. Ils sont décidés à arrêter la production parce que cela ne les arrange plus au regard des augmentations incessantes du coût de la production. Selon eux, l'agriculteur est perdant sur toute la ligne et que cela ne devrait pas continuer. Les autorités politiques ne feraient rien pour répondre aux attentes des agriculteurs. Ces derniers se disent abandonnés à leur sort, c'est pourquoi ils n'ont d'autre issue que de décrocher. Aussi, il ne serait pas étonnant d'assister, pour la première fois, à la disparition de plusieurs produits agricoles. Les responsables de l'Utap nous promettent, justement, une absence totale d'articles de première nécessité comme les pommes de terre, les tomates, les piments, le lait, etc. Certains de ces produits sont de plus en plus rares tandis que d'autres sont, déjà, introuvables. Qu'en sera-t-il au cours du mois de Ramadan ? Les responsables syndicaux prétendent qu'ils sont devenus incapables de faire face aux augmentations du coût de la production. Ils se plaignent des tarifs appliqués sur les eaux d'irrigation et l'absence de près de 60 % des semences. À titre d'exemple, ils mettent en première ligne le prix du lait. Alors qu'un litre reviendrait à 1 dinar, il est cédé par le producteur à 900 millimes. C'est une situation qui serait, pour eux, intenable. D'où le boycott des marchés qu'ils projettent pour les jours à venir. Et là, ce serait une première !