A quelques jours du mois de Ramadan, une offre abondante et variée en tous produits de consommation, tels les légumes et fruits, caractérise le marché tunisien qui possède, désormais, sa propre logique et ses propres règles de fonctionnement, comme dans les pays évolués. La remarque nous a été faite par des commerçants et est propre à interpeller les responsables. Selon nos interlocuteurs, c'est l'interventionnisme administratif sous toutes ses formes, sous prétexte de régulation du marché, qui provoque les pénuries et les augmentations des prix qu'elles induisent. Faut-il, alors, que les responsables repensent leurs discours présentant la régulation, à travers la constitution de stocks de produits et l'importation, comme étant une des principales armes administratives et gouvernementales de lutte contre les dérives du marché, notamment à l'occasion du mois de Ramadan marqué par une surconsommation. En d'autres termes, faut-il renoncer à ce genre d'interventions administratives? La législation va dans ce sens. Les producteurs, industriels et agriculteurs, ainsi que les commerçants et les distributeurs le soutiennent pourvu que leurs intérêts soient sauvegardés. En effet, au cours des périodes de surproduction et de l'effondrement consécutif du marché, ils ne manquent pas de solliciter l'interventionnisme administratif en leur faveur, en Tunisie et ailleurs. Dernièrement, des interventions administratives présentées à but régulateur ont concerné les viandes rouges. Cependant, à part quelques points de vente ciblés, les prix des viandes rouges sont restés très élevés, aux autres points de vente, aux alentours de 24 dinars le kilogramme. D'aucuns diraient que c'est mieux que rien. Cependant, les spécialistes contactés ont insisté sur la nécessité pour les responsables d'ajuster leurs discours et de cesser de ressasser des thèmes devenus désuets, comme l'approvisionnement du marché, les interventions régulatrices, le gaspillage, la surconsommation, estimant que le principal problème du marché tunisien réside, actuellement, dans la hausse continuelle et vertigineuse des prix, induite notamment par les majorations salariales et les augmentations successives des taxes et des impôts. Interrogés, les citoyens sont de cet avis. Ils ont enregistré l'offre abondante et variée, quoique l'année soit sur le plan des précipitations et de la pluie, médiocres, mais, preuves à l'appui, ils nous ont signalé que la hausse des prix consécutive aux deux facteurs précités a atteint des niveaux alarmants et érodant pour le pouvoir d'achat. A cet égard, en effet, les augmentations ont dépassé de très loin le taux de 1% avancé par les responsables concernant les effets attendus sur ce plan, suite à l'augmentation des impôts et taxes en 2018. Dans la plupart des cas et sans distinction, les taux d'augmentation ont atteint 25% et 30%, pour la majorité des produits, y compris les produits locaux de consommation courante. Salah BEN HAMADI Coûts des produits agricoles Des hausses atteignant 140% depuis 2011 Depuis 2011, les hausses des coûts des produits agricoles ont atteint entre 20 et 140%, a affirmé Karim Daoud, président du syndicat des agriculteurs de Tunisie (SYNAGRI). Intervenant, lors d'une conférence de presse tenue, jeudi à Tunis, le responsable syndical a évoqué les difficultés auxquelles est confronté le secteur agricole à la lumière de la stabilité des prix du produit et la hausse vertigineuse des coûts. Evoquant l'exemple de la filière laitière, Daoud a rappelé que le cout de production d'un litre de lait est estimé à 950 millimes, alors que l'agriculteur le vend à 766 millimes, soit une perte de 200 millimes. Il a, par ailleurs, rappelé que l'agriculteur n'est plus en mesure d'élever des vaches, vendues aujourd'hui à travers des circuits illégaux et en absence totale de marges bénéficiaires. L'absence de révision du prix de référence à la production ne manquera pas d'augmenter davantage le cout, a indiqué le responsable, ajoutant que cette situation causera une pénurie de plusieurs produits alimentaires, notamment les produits laitiers, les céréales, les tomates, les viandes rouges et blanches. Il a, par ailleurs, évoqué les impacts du manque de précipitations sur la saison des grandes cultures, affirmant que les pertes oscillent entre 20% dans le gouvernorat de Béja et 90% à Zaghouan. Les céréaliers ont enregistré des pertes estimées à 500 millions de dinars à cause notamment de la hausse de 12% du coût de production expliquée par l'augmentation des prix des semences, des pesticides des hydrocarbures et la mécanisation. Daoud a, dans ce cadre, appelé le gouvernement à mettre en place des politiques agricoles basées sur le cout réel de production.