"Tout a commencé par des maquettes de titres pop-rock. Et par l'envie de remercier le public français qui me soutient depuis presque dix ans et qui ne parle pas arabe. J'avais envie qu'il sache ce que je dis sans que j'explique mes chansons pendant les concerts." Mais, après la première écoute d'Ô Houria on ne sait pas par quoi commencer. Par le fait que Souad Massi chante en français, par sa rencontre avec Francis Cabrel, par un titre écrit en anglais ? Tout au long de l'album, les voix s'entendent de tout près, sur un tapis guitares folk qui ont trouvé une dynamique nouvelle dans une production qui sonne assez familière à une oreille française. C'est le résultat de la rencontre avec Michel Françoise, auteur et compositeur qui, outre ses propres albums, est un fidèle compagnon de route de Cabrel. Dès leur premier rendez-vous, elle décide aussitôt d'enregistrer deux de ses compositions. L'étape suivante est une surprise absolue : Francis Cabrel appelle lui-même la maison de disques de Souad Massi pour demander à coréaliser l'album avec son vieux copain. Souad et Francis se connaissent à peine, la chanteuse ayant été invitée il y a quelques années à travailler avec les jeunes stagiaires des Rencontres d'Astaffort créées par son aîné français. L'offre lui convient parfaitement. "J'avais envie de retourner vers le folk. J'aime faire des expériences, j'aime le rock, l'électro, la musique classique, le rap. Mais je reviens toujours à Leonard Cohen, Neil Young ou l'album live en solo de Bruce Springsteen, qui m'a beaucoup inspirée pour aller vers la simplicité et pour épurer." Dépouillement musical Et c'est une semblable évidence que de l'écouter chanter en français. Et pourtant, elle confie : "J'ai eu du mal à accepter ma voix en français, peut-être à cause de mon accent. J'ai bien été orientée par Francis et Michel, qui m'ont redonné confiance. Ils peuvent faire rechanter vingt fois un mot pour la prononciation et la justesse. Ils ont aussi gardé des voix enregistrées dès les démos, parce qu'elles racontaient simplement des histoires simples." Simplicité aussi avec Tout reste à faire, surprenant duo de Souad Massi et Francis Cabrel. Le Français a écrit en français, l'Algérienne a écrit en arabe ; elle a chanté en français, il a aussi chanté en arabe – "Il m'a dégoûtée ! Je lui ai écrit les paroles en phonétique et, en une prise, c'était bon. Ça impressionne…" Bien entourée Souad ne refuse pas d'admirer, se refuse aux attitudes blasées si faciles à venir chez une professionnelle de la musique. Elle s'avoue époustouflée par les musiciens avec lesquels elle a travaillé, routiers des studios français (Denis Benarrosh, Bernard Paganotti, Eric Sauviat…) ou le prodige du oud Mehdi Habbad, moitié de DuOud et leader de Speed Caravan. "Ce qui est étonnant, c'est qu'il habite tout près de chez moi à Alger, mais nous nous sommes rencontrés la première fois en Egypte." Autant héritier de la meilleure tradition d'encyclopédiste de toutes les virtuosités actuelles, il signe des solos éblouissants qui jamais ne sonnent comme des numéros d'épate – la marque du meilleur folk, des deux côtés de l'Atlantique. Alors, avec son chant d'amour adressé à la liberté, Ô Houria, avec les douceurs d'Un sourire, avec la rage très féminine de Stop Pissing Me Off, elle fait le compte de toutes les humeurs d'une jeune femme d'aujourd'hui qui essaie de réapprivoiser la vie ordinaire. Depuis la sortie de son troisième album studio, Mesk Elil, paru en 2005, elle a enchaîné tournée sur tournée tout en menant la vie d'une nouvelle mère. "Je m'étais rendu compte que mon meilleur point de repère dans ma vie en France était de prendre un café à la gare en attendant le train pour partir à un concert. Je rêvais de saluer chaque jour la boulangère." Mais, alors que sort son nouvel album, elle vient de reprendre la route des tournées…