A voir le nombreux public au musée de Carthage avant-hier, il aurait été superflu de présenter Souad Massi. L'on va quand même passer par là. Algérienne de naissance, elle a grandi dans une famille de mélomanes et a vécu les terribles années 90 qu'a connues ce pays frère, tout en essayant de s'accrocher à sa passion. Le tournant, c'est quand elle est invitée à se produire à Paris en 1999. Elle y rencontre le succès et s'y installe. Souad Massi est donc une artiste du nouveau millénaire, avec des racines bien ancrées dans la terre et la culture de ses origines. Cette culture, elle ne sait que trop bien l'offrir en partage, tout en y ajoutant des touches d'ici et d'ailleurs. Un mélange de sonorités Pour avoir une idée sur le genre musical de Souad Massi, il suffit de voir son orchestre composé de guitare, de basse et de batterie, avec une présence centrale de percussions orientales et nord-africaines, surtout le daf et la darbouka, maniés avec brio par Rabah, le percussionniste du groupe qui l'accompagne, parfois, au chant. Bref, un mélange que l'on classe aisément dans la catégorie musique du monde. Un genre que l'artiste s'approprie sans en faire un fourre-tout. Ses nombreux duos, principalement avec des artistes français (Cabrel, Lavoine, Pagny...), en témoignent. Essayons maintenant de percer le secret du succès de Souad Massi. Elle est tout de même l'une des rares chanteuses nord-africaines à s'internationaliser. Dans le sens où elle se produit et est acclamée autant en Europe que dans le monde arabe. C'est le talent bien sûr — elle a une belle voix, joue d'instruments et chante en plusieurs langues — mais aussi la sincérité du propos, qui se sent au niveau des paroles et de la musique. Comme elle le dit elle-même: "Je m'inspire toujours de ce que j'ai gardé en moi, de mon vécu. Mais avec le phénomène de l'exil, j'ai beaucoup écrit sur la nostalgie. Comme j'ai un peu de recul par rapport à ce qui se passe en Algérie, j'ai écrit des chansons sur la liberté et l'espoir". Voilà de quoi résumer les thèmes abordés dans ses chansons. Le concert de mardi n'en était qu'une délectable démonstration, parti en douceur avec des ballades dont Deb, chanson éponyme de son deuxième album, sorti en 2003. S'ensuivirent des titres plus amers, Samira, celle qui n'a pas de z'har (chance) — thème récurrent dans ses chansons — et Si Hmed, le fonctionnaire corrompu. Tout reste à faire est une chanson sur le mal du pays, avant de laisser place à des titres plus empreints de rythmes africains et kabyles, pour lesquels Souad Massi a invité le public à occuper l'espace entre la scène et les chaises. Plus de proximité et plus de sel dans l'ambiance. Quand elle disparaît de la scène avec ses musiciens, pour marquer la fin de la première partie de la soirée, c'est Rabah qui reste pour un solo darbouka qui a ravi le public. De retour, notre artiste entame une deuxième série de ses chansons, que les présents fredonnent, Dar eli bnaha jedi, le titre romantique Ghir enta, Hayati, Ya kabli, Khalouni, Rani rayha, ou encore l'amusant Ya wlidi. Avec sa guitare, Souad Massi a ce pouvoir de distiller les sentiments humains et de les transformer en des mots et mélodies qui coulent de source, où la simplicité fait vraiment la beauté. Cette guitare a dans ses cordes de quoi vous transporter de la joie à la tristesse et vice-versa. Et le meilleur, Souad Massi l'a laissé pour la fin avec Raoui, son plus grand succès, celui de ses débuts et de son premier album qui porte le même titre, chanson utilisée pour la bande originale du film Le cerf-volant (2003), de Randa Chahal. En quittant la scène, Souad Massi salue le public en disant : "Jusque-là je ne croyais pas aux miracles, mais vous avez créé le miracle", en faisant allusion à la révolution tunisienne. Un miracle, elle est loin de le savoir, qui a du mal à se cristaliser!