SEOUL (Reuters) — Le développement par la Corée du Nord d'un programme d'enrichissement d'uranium n'est que la dernière provocation en date du régime nord-coréen mais cela ne constitue pas une crise, a déclaré hier l'émissaire spécial des Etats-Unis pour les questions relatives à la Corée du Nord. Un scientifique américain, Siegfried Hecker, a déclaré au cours du week-end que des responsables nord-coréens lui avaient montré un site d'enrichissement d'uranium, équipé de centaines de centrifugeuses. Un tel programme fournirait à la Corée du Nord une seconde voie d'acquisition éventuelle de l'arme atomique en plus de ses recherches à base de plutonium. «Il s'agit de la dernière provocation en date de la part de la RPDC», a dit Stephen Bosworth, en allusion au nom officiel du pays, la République Populaire Démocratique de Corée. «C'est un problème très délicat que nous nous efforçons de résoudre depuis 20 ans», a-t-il ajouté. «Il ne s'agit pas d'une crise, nous ne sommes pas surpris», a-t-il dit à Séoul après des entretiens avec des responsables sud-coréens. L'émissaire américain qui effectue une tournée régionale est arrivé à Tokyo hier avant une visite à Pékin. Un responsable gouvernemental sud-coréen a estimé que ces révélations, si elles sont avérées, posent «un très grave problème». Devant les parlementaires, le ministre de la Défense, Kim Tae-young, a évoqué la possibilité d'un redéploiement d'armes nucléaires tactiques américaines, une option qui sera discutée le mois prochain par la commission militaire conjointe nouvellement créée. Les Etats-Unis soupçonnent depuis 2002 la Corée du Nord d'avoir développé un programme d'enrichissement d'uranium. Le degré de complexité apparemment atteint par Pyongyang pourrait toutefois peser sur les conditions d'une reprise du dialogue avec l'imprévisible régime nord-coréen pour le convaincre de renoncer à ses ambitions nucléaires. Ces révélations prouvent que la Corée du Nord est un «pays dangereux» qui cherche à se doter de l'arme atomique, a déclaré l'amiral Mike Mullen, chef d'état-major de l'armée américaine. La Chine invitée à intervenir Les grandes puissances doivent œuvrer de concert pour exercer des pressions sur le dirigeant nord-coréen Kim Jong-il, a-t-il ajouté. La Chine, principal allié de la Corée du Nord, a en particulier un rôle important à jouer pour tenter d'amener Pyongyang à renoncer à son programme nucléaire, a souligné Mike Mullen. «Nous sommes en contacts avec la Chine depuis un certain temps au sujet de la Corée du Nord (...) une grande partie de tout cela devra être fait via Pékin, je pense», a-t-il dit à la télévision américaine. Les Nord-Coréens ont dit à Siegfried Hecker que leur installation ne produisait que de l'uranium enrichi à 3,5%, soit le niveau requis pour une centrale électrique. L'uranium doit être enrichi à plus de 90% pour entrer dans la fabrication d'une bombe. Même si elle a déjà fait exploser des engins nucléaires, la Corée du Nord n'a pas apporté la preuve qu'elle disposait d'une bombe en état de fonctionner. Son programme nucléaire est tout de même considéré par les Etats-Unis comme une menace directe pour deux de leurs alliés dans la région, la Corée du Sud et le Japon, et comme une source potentielle de prolifération étant donné que Pyongyang a déjà vendu par le passé des technologies de missile. Des négociations entre la Corée du Nord, d'une part, et les Etats-Unis, la Corée du Sud, la Chine, le Japon et la Russie, d'autre part, sont dans l'impasse. Ces discussions visent à parvenir à un arrêt du programme nucléaire nord-coréen en échange d'une aide apportée à la Corée du Nord. D'après certains observateurs, la Corée du Nord tente avec la confirmation de l'existence d'un programme d'enrichissement d'uranium de faire monter les enchères pour parvenir à un éventuel accord. Kim Jong-il vient en outre de propulser son fils Kim Jong-un parmi les dirigeants du régime pour en faire probablement son successeur. Le dirigeant nord-coréen userait ainsi de la carte nucléaire pour renforcer la position de son fils au sein de l'armée.