Ça se passe du côté de La Soukra depuis le 13 novembre. Un collectif d'artistes, appelé Preuve par 9, a investi les cimaises de la galerie Kalyste pour parler art et vieux adages! L'exposition, intitulée 9alou ness bikri (les anciens ont dit), se poursuit jusqu'au 4 décembre. Preuve par 9, un groupe constitué en 2008, nous dit-on, C'est la rencontre de neuf artistes de différentes disciplines, chacun avec son petit bout de chemin, mais tous regroupés autour d'une manifestation artistique sous un thème qui change à chaque année. Le principe étant de faire dans la diversité, les artistes ne sont pas forcément les mêmes pour chaque session, ce qui renvoie au choix du chiffre 9 symbole de changement par excellence («par le fait qu'il est à la fin de la série des chiffres une fin qui, inéluctablement, s'ouvre sur un commencement»). Toute exposition serait donc «l'éclosion nouvelle d'une perception artistique et une perpétuelle quête de la notion d'originalité», explique les exposants. Le thème choisi cette fois-ci est le proverbe populaire et les vieux adages. Un proverbe est par définition une expression figée par le temps, une pensée gelée dans une formulation brève .Il s'agirait donc, à travers cette exposition, de transposer picturalement la sémantique, les allégories et autres métaphores qui découlent de ces dictons que l'on transmet, habituellement, oralement. Ce collectif a choisi de donner un devenir autre à ces propos, de les faire revivre peut-être à travers la pierre, la toile ou le papier sensible... Justement, ce dernier support a été exploité par un jeune photographe, Haifel Ben Youssef, qui, à travers des clichés de photographies numériques figurant des postures et des situations quotidiennes, fige dans le temps et dans l'espace des fragments de vie. Et c'est le proverbe, ici, qui vient illustrer l'image qui semble exister par elle-même, c'est dire peut-être l'intemporalité des vieux adages? Les clichés choisis pour figurer les proverbes (ou le contraire!) se contentent par moments (malheureusement), de faire dans l'illustration pure et simple. Etait-ce cela le but? S'attaquer à ce réseau de métaphores par le premier degré...?! Saber Sahraoui, jeune sculpteur et enseignant à l'école des Beaux-Arts, a choisi de figurer en volumes ces maximes. Il nous parle, à travers ses figures faites d'assemblages d'objets épars de récupération, de cette mariée trop grande pour passer le seuil de la porte, exploitant le dicton qui dit: «Laaroussa touila ou bab eddar ksir». Encore de la sculpture avec les tailles de Fayçal Mejri, enseignant, lui aussi, à l'école des Beaux-Arts de Tunis. Il s'est pris comme défi de rompre la froideur du marbre et de dégager de sa rigidité une volupté et une certaine subtilité. Les figures de la «mariée qui se fait belle en vain pour un mari aveugle» (Lechkoun tzayin ya mart laâma), celle de «cet homme qui, à force de lécher le miel, s'est tordu les doigts» (men kother lahsanou laassal aawajou swabaou) sont rigoureusement souples... Une acuité et une délicatesse des lignes et des courbes que l'on retrouve également dans ses six dessins au crayon. D'autres sculptures, celles de Abdessalem Ayed, également enseignant à l'école des Beaux-Arts de Tunis. Son matériau de prédilection est le cuivre qui, sous ses mains, accouche de personnages filiformes aux figures quasi caricaturales des «gens d'antan» (ness bikri). Mariem Sabbagh, une autre jeune enseignante à la même école, nous livre, pour l'occasion, cinq peintures. A partir de photographies qu'elle traite avec l'outil numérique, elle transpose le tout sur la toile à travers des aplats de tons grisâtres et froids. Encore de la simple illustration de cette «sagesse populaire»... On va également le long des cimaises au-devant des toiles de Mouna Negra, de Ali Bouden et de Rym Ayari, tous enseignants aux Beaux-Arts. Mais l'on s'ennuie vite et on leur reproche ce manque d'humour, de jeu (chez certains), cette absence de recul et ce traitement quasi épidermique du sujet qui semble s'être greffé à certains travaux...