Pour la soirée d'echos electik 4 qui a eu lieu samedi dernier, à l'Acropolium de Carthage, l'association «Echos Electriques» a mis le paquet. La programmation du concert de clôture de l'E-Fest était pour le moins alléchante, animée par High Tone (haute fréquence), un groupe-référence sur la scène dub instrumental française. La première partie a été quant à elle assurée par deux duos d'artistes electro tunisiens, formés spécialement pour l'occasion : Hayej et gaziH, suivis de Skndr et Shinigami San. Il faut rappeler ici que le Fest (festival des échos sonores), qui se tient en juin, est depuis sa création en 2007 l'unique manifestation, en Tunisie et dans le monde arabe, qui soit dédiée à la musique et à la culture électroniques. Le E-Fest est un projet dérivé du Fest, consistant en un ensemble d'événements autour de cette discipline. Dès son lancement en novembre 2009 et jusqu'à samedi dernier encore, le E-Fest a proposé des concerts, des ciné-concerts, des installations interactives, des ateliers et des projections d'arts visuels que la soirée des High Tone a clôturés en toute beauté. Les organisateurs ont misé sur une formule qui ne cesse de prouver son efficacité : chaque concert est une plateforme où les artistes tunisiens peuvent évoluer, elle est en même temps une scène pour les noms les plus connus de la musique électronique mondiale. L'Acropolium de Carthage était particulièrement paré, grâce aux peintures géantes de l'espagnol Dario Basso, accrochées tout autour du balcon donnant sur l'enceinte de l'église, où le concert a eu lieu. L'exposition intitulée Algoritmi-dixit était sur place depuis le 29 octobre. C'est une expérimentation de couleurs et de formes débordante de créativité, inspirée par les voyages de l'artiste en Orient, qu'il a ressortie dans ses toiles sous forme de symboles et de figures géométriques, dans un langage qu'il qualifie d'universel et d'une incarnation de paix et de compréhension de l'autre. Ces œuvres ont apporté un plus réel à l'atmosphère dans laquelle s'est déroulé le gala. Pour le public, il nous semble bien qu'aucune soirée du Fest ou de l'E-Fest n'ait attiré autant de monde, de quoi supposer une plus grande réussite pour la prochaine édition du festival. A condition, bien entendu, que les organisateurs poursuivent dans le même esprit de variation et de créativité. Le démarrage du concert, annoncé à 20h30, a quelque peu tardé, les artistes tunisiens s'étant quand même fait attendre. Hayej et gaziH, montés en premier, proposaient «une chakchouka» (ratatouille), comme ils aiment appeler le produit qu'ils nous ont proposé, fait d'images et de sons. Grâce à une installation vidéo expérimentale, avec un montage intéressant et un contenu expressif, adapté et complémentaire à leur musique à base de sons acides et de grosses basses, ils ont offert les ingrédients d'une recette que l'on qualifierait volontiers de tuniso-tunisienne. On y retrouvait des dialogues en dialecte local comme des passages de chant bédouin, intégrés à leurs compos. Hayej vient d'ailleurs d'initier un rendez-vous musical mensuel intitulé «Hiss» (bruit), qui «squatte» le club Tahar Haddad et qui se veut une plateforme pour les musiciens tunisiens du genre. Près d'une heure plus tard, Hayej et gaziH ont cédé la place à deux des anciens de la scène electro underground tunisienne, Skndr (de son vrai nom Skander Besbes) et Zied Meddeb Hamrouni, alias Shinigami San. Le point fort de la prestation de ce duo, constitué le temps d'un soir, fut l'association heureuse de leurs musiques respectives, pour le grand plaisir d'un public qui ne cessait d'en redemander de ce mélange des genres. Le cerise du gâteau était, bien évidemment, proposée par les High Tone. Cinq Français spécialistes du dub expérimental, qui, entre les jeux de lumières, les vidéos et le son de leurs instruments ajouté aux mix électroniques, en ont fait voir de toutes les couleurs à l'assistance déchaînée. Il y avait tout dans leur concert qui a pris les dimensions d'un vrai show. La fusion musicale est un terrain où les High Tone jouent à leur aise en mélangeant reggae, musique orientale et airs asiatiques au son électronique. Fort d'une longue expérience et de cinq albums dont le dernier, «Out Back», composé de deux disques, «Dud Axiom» et «No Border», ce groupe se permet les plus audacieuses des expérimentations et semble bien réussir par une formation faite de didjeridoo, bass dub, scratch, basse, guitare, batterie, claviers et platines. Ils ont terminé leur programme par un mini ciné-concert sur des séquences du film de Louis Gasnier, «Reefer Madness», datant de 1936, avant de céder aux rappels du public et reprendre quelques airs. Un moment marquant de cette dernière soirée de l'E-Fest. De quoi tenir les fidèles en haleine jusqu'en juin prochain.