Il n'y a pas que les richesses des pays qui ont été pillées. Certains mots et certaines valeurs aussi. «Solidarité». Voici un mot vidé de son sens par l'ancien régime et qui rappelle à beaucoup de Tunisiens les mauvaises pages de l'avant-révolution. Mais voici que les événements de ces derniers jours semblent lui redonner vie par des actions que nous voulons citer parce qu'elles resteront dans l'histoire de ce grand peuple en ces jours de troubles. Comme ce boulanger qui a distribué le pain gratuitement à tout son quartier. Sur une route, dans les environs de Tunis, nous avons pu lire cette pancarte : «Servez-vous… si vous n'avez pas d'argent!». La pancarte était placée sur le camion d'un agriculteur qui proposait ses légumes aux passants en ces temps de crise. Du côté du Bardo, un autre agriculteur possèdant un nombre important de vaches a décidé de faire la tournée du village en distribuant gratuitement des bouteilles d'un litre et demi de lait à chaque maison. Le double si la famille avait des enfants en bas âge. Sur une autre route du côté de La Manouba, un camion plein de cartons de lait s'est arrêté. Le chauffeur criait : «Le lait à 500 millimes et non à Ben Ali». Voici ce que veut dire solidarité aujourd'hui : une solidarité spontanée et non une solidarité imposée versée dans des caisses obscures. Autre exemple de cette solidarité, ce sont les comités de quartier qui se sont organisés pour protéger leurs biens contre les dangereuses milices lâchées dans le pays après la fuite de Ben Ali. Solidarité, entraide et fraternité, ces mots semblent avoir retrouvé leur sens. Ils ne sont pas écrits sur des affiches et montés sur des images. Aujourd'hui, c'est sur les visages des Tunisiens, qui n'ont plus peur, que ces valeurs s'affichent et l'histoire s'en souviendra.