La rétrospective Monet à Paris a eu un tel succès qu'elle est restée ouverte au public 24 heures sur 24 durant les quatre derniers jours, du 21 au 24 janvier 2011. Avec 900. 000 visiteurs prévus, la fréquentation de cette exposition va battre le record de l'expo Picasso et les maîtres, en 2009. On disait que ces expos monumentales allaient disparaître en raison de leur coût, elles sont plutôt en train de devenir un vrai business. Comme pour aller au théâtre, il est maintenant d'usage de réserver ses places, un jour donné, pour voir une grande exposition comme la rétrospective Monet. Avec ce système de billets vendus à l'avance, les organisateurs savaient, depuis novembre 2010, que l'exposition allait faire le plein jusqu'à la fin, le 24 janvier 2011. Pour satisfaire la demande, le Grand Palais a décidé d'ouvrir sans interruption l'exposition durant les quatre derniers jours et leurs trois nuits. C'est la seconde fois que les horaires d'ouverture sont élargis au maximum. La première, ce fut en 2009 pour l'exposition Picasso et les maîtres. Cette solution avait été trouvée, afin d'éviter de refuser du monde et de mécontenter les visiteurs étrangers. L'exposition Monet se terminera par 4 jours-3 nuits non-stop du vendredi 21 janvier à 9h00 au lundi 24 janvier 2011 à 21h00. Didier Plowy/RMN Pour des raisons de sécurité et pour que le parcours d'une exposition reste acceptable, le nombre d'entrées est limité, même si c'est difficile à croire, lorsque l'on est soi-même en train de slalomer entre les visiteurs pour essayer de voir un tableau sans personne devant… Le temps mort de la nuit, ces heures durant lesquelles le lieu est habituellement fermé, est donc mis à contribution pour recevoir d'autres amateurs de Monet. L'ouverture non-stop de l'expo Picasso avait permis à 30.000 visiteurs de plus de déambuler devant ses œuvres et des maîtres qui l'ont inspiré. Ces horaires inhabituels avaient amené un public nouveau au musée. «Picasso a montré que la nuit attire un public qui va peu au musée, qui est plus jeune, plus festif», explique la direction de la Réunion des musées nationaux. Même si la rétrospective Monet attire les foules, les organisateurs ne peuvent pas prolonger l'exposition. Les tableaux en provenance de 16 pays différents, doivent rentrer à la date prévue pour ne pas priver plus de quatre mois le public qui fréquente les musées prêteurs. En plus, étant donné la valeur des tableaux, il n'est pas question de prolonger un contrat d'assurance déjà difficile à mettre au point pour garantir le transport et l'exposition des tableaux. Sur les 170 toiles de Monet exposées à Paris du 22 septembre 2010 au 24 janvier 2011, une cinquantaine vient du musée d'Orsay, spécialisé dans les peintres de la période impressionniste. Quelques œuvres sont venues d'Australie, mais surtout des Etats-Unis, où Monet a été découvert par des marchands d'art et acheté par les collectionneurs, bien avant que les Français acceptent sa façon si nouvelle de peindre. Ces prêts ont été obtenus avec des contreparties, des échanges. Le musée Pouchkine de Moscou par exemple, a prêté la grande esquisse du Déjeuner sur l'herbe de Monet. Mais cet établissement russe a demandé en échange une douzaine d'œuvres de Soutine. Elles sont à Paris, au musée de l'Orangerie. Elles feront partie d'une exposition sur Dior à Moscou.Il y a quelques années, on annonçait la fin des expositions d'une telle ampleur à Paris : trop chères à organiser, trop risquées au niveau des assurances pour les prêts. Pourtant, depuis quinze ans, les grands noms de la peinture ont entraîné une augmentation constante du nombre de visiteurs : Renoir (1985) : 824.000 visiteurs, Picasso et les maîtres (2009) : 783.000, Manet (1983)‑: 735.000, Toulouse Lautrec (1992) : 696.000 et Gauguin (1989) : 662.000. Le record devrait donc revenir à Monet, le peintre du bonheur, facile d'accès, que tout le monde connaît. «Monet a toujours été populaire, explique un marchand d'art. Il est le peintre préféré des Français, des Japonais et des Américains». «Sa peinture correspond à une sensibilité qui ne demande pas trop de bagage culturel», remarque un historien d'art. Pour le directeur des éditions Hazan : «Il y a une adhésion naturelle à sa peinture, car ce qu'il restitue fait du bien». Domaine public Le plus de la grande rétrospective Monet à Paris est d'avoir fait venir des quatre coins du monde des toiles qui permettent de montrer le travail du peintre sur des séries. Au Grand Palais, on peut voir côte à côte la même meule de foin peinte trois fois avec un éclairage différent ; même exercice avec la gare Saint-Lazare plus ou moins sombre, ou encore la façade de la Cathédrale de Rouen, peinte en toutes saisons. Monet l'a reproduite une trentaine de fois, dans des ambiances toujours différentes. D'ailleurs, Clémenceau, qui rendait souvent visite à Monet à Giverny à partir de 1890, lui écrit : «Je vous aime parce que vous êtes vous, et vous m'avez appris à comprendre la lumière».En suivant cette démonstration du travail de Monet tout au long de la rétrospective, on se rend compte que l'artiste a obligé l'histoire de l'art à tourner la page de la peinture académique, la référence avant lui. Le maître des impressionnistes a imposé, et pour longtemps, son parti pris de peindre en plein air, de ne pas donner la priorité aux formes.