La France écrase le hand mondial depuis trois ans. Il y a plus d'une décennie, c'était la Suède... Pour comprendre ce que représentait la Suède entre 1990 et 2002, les mots de Nikola Karabatic suffisent: «Petit, ils me faisaient rêver. Les Lovgren, Wislander, les deux Olsson...» A l'époque, les Suédois écrasaient le monde comme les Français, champions olympiques, du monde et d'Europe le font maintenant. «Ils semblaient avoir toujours un coup d'avance, constate Daniel Costantini, ex-entraîneur des Bleus et vainqueur du titre mondial en 2001 contre les... Suédois. Lovgren était capable d'inverser un match comme Karabatic aujourd'hui. Magnus Andersson, lui, pouvait sauter en position d'arrière gauche et faire une passe à l'ailier droit.» Grégory Anquetil, un des bourreaux des Suédois à Bercy, précise : «Le jeu de passes, ils l'ont inventé. Personne ne pouvait rivaliser.» «La Suède avait des failles» L'équipe de France actuelle a «une défense qui perturbe tous ses adversaires, selon Patrice Canayer, l'entraîneur de Montpellier. Personne n'a encore trouvé la clé. Et, parmi les individus, il y a beaucoup de grands joueurs. Et il y a aussi leur dynamique. Ils ont plaisir à se retrouver.» Pour rebondir sur les premiers propos de Canayer, Daniel Costantini note que «la Suède avait des failles, puisqu'elle n'a jamais été championne olympique». Pour lui, une autre force des Experts, «c'est le métissage, la diversité qui les entoure. Des joueurs, comme Luc Abalo, Nikola Karabatic ou encore Didier Dinart apportent une plus-value. Quand Wislander est passé d'arrière à pivot, il est certes devenu le meilleur du monde. Mais un Suédois, ça reste un Suédois.» Enfin, pour Greg Anquetil, «la France est plus forte physiquement et individuellement. Mais on n'est pas meilleurs que les autres sur le fond de jeu, au niveau des combinaisons. Les Suédois, c'était l'inverse». Si aujourd'hui, la Suède d'il y a quinze ans rencontrait l'équipe de France de Claude Onesta, qu'est-ce que cela donnerait ? «Je pense que les Experts auraient la capacité à la faire exploser grâce à leur densité physique, répond Costantini. Déjà en 2001, Bertrand Gille commençait à les casser en morceaux.» «C'est difficile de comparer», poursuit Patrice Canayer Le Qatar supplante la France... Déception pour le camp français. Le Mondial masculin dans quatre ans s'exportera au Moyen-Orient. Le Qatar a été désigné pour organiser le Championnat du monde masculin 2015, jeudi à Malmö. Il l'a emporté devant la France, la Pologne et la Norvège. La décision s'est faite dès le premier tour. «Je suis très amer, très triste, a confié Philippe Bana, le directeur technique national. Mais il faut l'accepter, le vivre et aller de l'avant. Tout ce qu'on a pu imaginer a été fait. Cela a été une bataille de deux ans. Des fois, tu joues bien et tu gagnes. Des fois, tu joues bien, mais tu perds.» Pour Bana, cette défaite s'explique «sans doute par une redondance de l'organisation du Mondial en Europe (Allemagne, Croatie, Suède, Espagne, de 2007 à 2013). Il y avait peut-être aussi une puissance financière que nous n'avions pas.» Mais le DTN d'affirmer : «Ce choix va remplir nos joueurs d'énergie avant la demi-finale de vendredi (contre la Suède). Et, nous, on ne va pas s'arrêter là. Il y a l'Euro 2016, le Mondial 2017...» Delplanque : «Décision invraisemblable» Joël Delplanque, le président de la Fédération française, avait les larmes aux yeux et a dû s'y reprendre à deux fois avant de s'exprimer : «C'est insupportable. La Fédération française voulait servir le handball, ce qui n'a pas été compris par la Fédération internationale. Nous avons une équipe de France exceptionnelle. Et tous nos dirigeants, professionnels comme amateurs, se sont mis au niveau de cette équipe. La décision est invraisemblable. Je vais d'abord récupérer puis supporter mon équipe. Sur le terrain, on méritait largement cette organisation». Michel-Jacques Filliau, membre du Comité olympique du Qatar, a expliqué qu'il fallait ouvrir le handball au monde. Sur vingt-trois Mondiaux, vingt se sont déroulés en Europe. Le hand au Qatar n'est pas fictif. C'est l'équivalent du hand en France dans les années soixante-dix. Mais il existe vraiment.