J'irai volontiers me recueillir sur ta tombe, cher héros, éveilleur des consciences, qui, en t'immolant par le feu, dans un geste d'ultime désespoir, as insufflé à ton peuple le courage de se dresser comme un seul homme contre le tyran, oubliant sa couardise et sa lâcheté, pour recouvrer sa liberté et sa dignité. En t'immolant par le feu cher Sidi Bou Azizi , c'est bien toi qui a réussi l'exploit de faire jaillir la lumière de l'espoir pour tout un peuple résigné, en faisant éclater tel un ouragan, la colère qui grondait en lui, en particulier au sein de sa jeunesse, opprimée depuis plus de deux décennies. En t'immolant par le feu cher Sidi Bou Azizi, tu as non seulement embrasé toute une nation, mais tu l'as également purifiée de ses fautes, car a-t-on besoin de rappeler que plusieurs parmi ses membres avaient pactisé avec le diable, oubliant en chemin les vraies valeurs, telles que la justice, l'égalité et le partage, pour se plier servilement au modèle qui leur était imposé par le tyran et ses vils courtisans. En t'immolant par le feu, cher Sidi Bou Azizi, tu as réussi à sortir, dans les rues de toute la Tunisie, un peuple libéré de ses chaînes, tels les prisonniers de la caverne, des ténèbres des mensonges, des mauvais compromis et de l'hypocrisie vers la lumière des vraies valeurs de la dignité, de la justice et de la liberté. En t'immolant par le feu cher Sidi Bou Azizi, tu as dit à la jeunesse de ton pays, aie confiance en toi, relève la tête et affronte le tyran, car la honte et la peur ne doivent plus jamais être dans ton camp, mais dans le sien et celui de son clan. Ce clan sans scrupules, qui n'a pas hésité à exploiter d'une façon scandaleuse le pays à son seul profit, oubliant complètement que son devoir était de servir son peuple, et non pas de se servir. Cette jeunesse t'a suivi et s'est révélée aussi formidable que toi, car d'autres jeunes sont tombés après toi, sur le champ de la bataille pour la dignité, longtemps confisquée, et enfin récupérée. Avec le sacrifice de leurs vies à peine commencée, ces jeunes ont fait à leur peuple un cadeau inestimable, dont eux seuls étaient capables, à savoir celui de la liberté et de la dignité retrouvée. Nous autres adultes, qui appartenons à une autre génération, nous vous regardions faire l'histoire, avec des yeux ébahis et admiratifs devant tant de courage et de bravoure, qui nous ont tout de même manqués. Quelle belle leçon de courage nous avons reçu de vous, car nous devons humblement avouer que nous n'osions pas détruire le mur de la terreur, édifié par le monstre et son clan. Cela, nous devons le souligner pour être honnête avec nous-mêmes et devant l'histoire. Notre jeunesse s'est révélée déterminée à payer au prix de sa vie, sa liberté et à crier au monde entier : «Plus jamais cela». Quant à nous, adultes, nous sommes à nouveau fiers d'être tunisiens, grâce aux jeunes et à leur invincible courage. Pour faire honneur à notre belle jeunesse et à son héros, Sidi Bou Azizi, soyons optimistes et construisons enfin, ensemble, une Tunisie nouvelle, fondée sur le patriotisme, la tolérance, le partage et le respect de l'autre. Après avoir tellement souffert sous le joug de la tyrannie, la Tunisie doit maintenant se relever de ses cendres, panser ses blessures, et donner l'exemple aux peuples opprimés, qui se soulèveront un jour pour éjecter leurs dictateurs et se libérer. Ainsi, il y aura partout dans le monde des tsunamis, qui balaieront les régimes totalitaires et leurs dirigeants mégalomanes, ennemis de leurs peuples, afin qu'apparaisse, à l'aube d'une ère nouvelle, dans un ciel serein et clair, le nom de Sidi Bou Azizi, inscrit en lettres d'or. Ce petit marchand ambulant de Sidi Bou Zid, dont le destin grandiose lui a permis de rentrer par la grande porte dans l'histoire de la Tunisie et du nouveau siècle.