Le jardin de Dar El Founoun est investi d'étranges personnages, au milieu des arbres, marchands de jasmins, musiciens et cheval mécanique mènent une étonnante sarabande. Ils viennent de loin, des feux d'un atelier des confins de l'Atlas. Là, à Casablanca où il a posé ses bagages après une longue errance initiatique, Sahbi Chtioui, le Tunisien, affronte la matière qu'il s'est choisie comme mode d'expression. Le bronze n'est pas un alter ego de tout repos. Sahbi Chtioui a mis du temps à en maîtriser les différentes techniques. Sculpteur, chaudronnier, fondeur, forgeron, il alterne les techniques et les maîtrise toutes‑: coulage au sable, assemblage à la cire perdue… Son univers est fait de questions et de réponses. Evoluant avec aisance de petits en grands formats, de l'abstrait au figuratif, il raconte son univers : celui d'un enfant de la Médina dont on retrouve certains des personnages familiers. Celui d'un amoureux de la musique qui recrée un orchestre imaginaire — celui d'un homme curieux qui s'intéresse aux grands mouvements de l'art et que sa découverte des ateliers de Montparnasse a fortement influencé. Celui d'un homme fidèle, ancré dans ses racines et implanté dans son Maghreb originel. Celui d'un homme inquiet, en éternel questionnement, en éternelle remise en question. Celui d'un vrai artiste habité d'un univers où la matière et l'esprit s'affrontent, la forme ou le fond l'emportant tour à tour. Chez l'homme aux oiseaux, seuls les oiseaux sont réalistes. Et du marchand de jasmins au corps en partie occulté, seuls les jasmins sont figuratifs. Sahbi Chtioui vit loin de Tunis. Il était légitime de lui faire place dans le panorama de notre création artistique, et de rappeler que les artistes tunisiens franchissent les frontières.