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Les forgerons sont partis...Mais les bricoleurs de génie sont toujours là !
Reportage : A Sfax, Bab Jebli
Publié dans Le Temps le 14 - 04 - 2008

Qui ne connaît pas Bab Jebli ?? Un des centres de l'activité économique de Sfax dans le temps. Autour de cette porte, aussi bien à l'intérieur des remparts qu'à l'extérieur, se concentraient pratiquement tous les artisans, les forgerons, les rétameurs, les ébénistes, les fabricants de tous les ustensiles traditionnels,vendeurs de céréales, des teinturiers, des selliers, des marchands de laine En face,
de l'autre côté de la route, s'étaient installés, beaucoup plus tard, les vendeurs de bicyclettes, de pièces détachées, les quincailleries, les dépôts de matériaux de construction Aujourd'hui, il ne reste de tous les artisans que quelques uns, disséminés entre la porte Bab Jebli et Bab Jallouli. A l'extérieur, toutes les constructions, tous les dépôts ont été démolis, tout le quartier a été complètement rénové. Maintenant, autour d'un vaste rond point, avec jets d'eau, verdure et balustrade en fer forgé, s'élève le nouveau Sfax.
A l'intérieur des remparts, la rue des Forgerons est toujours là. Elle longe la muraille de l'intérieur et va de l'angle de la rue du Bey, l'axe nord sud de la ville intra muros, jusqu'à la rue des Teinturiers. Mais ceux qui lui donnaient cette dénomination sont partis il n' y a pas si longtemps : leur fondouk, « Fondouk El Haddadine », le dernier spécimen de tous les caravansérails de la ville, rendu célèbre par les scènes cinématographiques et les reportages tournés, où régnaient les hommes du feu, fabricants d'ustensiles et objets usuels en cuivre martelé, les rétameurs, change de visage. Il n'y a plus ces forges où naissaient des socs, des râteaux, des faux, des faucilles, des bêches, des pioches, des serrures énormes, des étriers, des cisailles pour tondre les moutons, des cerclages de roues de charrettes, des grilles en fer forgé.
.Fini ce roulement de coups de marteaux permanent. On ne sent plus l'odeur âcre des braises de houille attisées par de monstrueux soufflets préhistoriques, actionnés à mains d'homme. On ne voit plus la suie accrochée aux murs, s'échappant des trouées pour faciliter la circulation de l'air. Absent, l'orchestre de percussions, qui rythme les coups sur les massives enclumes, selon qu'on batte du fer rougi au feu, du cuivre, ou du zinc. Ils entraînaient des tas d'emplois secondaires : les ébénistes qui transformaient des branches d'oliviers en bras de charrues, en manches pour outils agricoles, s'étaient installés à proximité.

Faire place nette
Il y a quelques temps encore, à l'entrée de ce fondouk dit « des forgerons », dans un minuscule café, tenu par un vieillard, se trouvait un incroyable trésor, digne d'une caverne d'Ali Baba, envahissant toutes les étagères, des objets en verre soufflé, en bois, en poterie, des photos, des amoncellements de clés : un capharnaüm relatant l'histoire du coin. Envolé, tout cela. Place au neuf. Le fondouk est actuellement restauré : un enduit de chaux lisse comme un miroir, sans aucune imperfection, des arcades tracées au compas, les pierres si bien taillées et si polies qu'on croirait du polystyrène découpé au laser, sans âme... Nulle trace de vraie « restauration », de « remise dans son état premier », c'est comme si le fondouk fut totalement rasé et reconstruit. Ne subsiste en l'état, reconnaissable, que l'entrée, avec ses hautes voûtes croisées.
Du propre, du trop bien retapé dans le but d'en faire un lieu de détente et de loisir. Les forges deviendront halls d'expositions, les entrepôts du premier étage des lieux de lecture. C'est du moins les intentions affichées actuellement par les initiateurs du projet. Des cafés, des buvettes, des restaurants, des pizzerias, des étalages de cartes postales, trouveront place ici. D'autres musiques remplaceront les stridences assourdissantes du fer torturé, à qui on donnait forme pour l'éternité. Et puis viendront certainement les revendeurs de souvenirs pour touristes occuper l'endroit fait sur mesure. Ces derniers auraient préféré de loin, retrouver les vrais propriétaires des lieux, dans leurs activités d'origine. C'est comme cela qu'on fait revivre un espace, en le « restaurant vraiment », en le rendant aux siens et non en le vidant de son contenu historique, originel, ou en y installant de vrais-faux artisans, pour faire des « démonstrations » servant à amadouer l'acheteur. En 1892, déjà, Charles Lallemand, de passage a Sfax, était « stupéfait par les façades et les balcons de cette rue », et trouvait déjà « les boutiques des forgerons pittoresques ».

Les derniers des Mohicans
Les artisans forgerons, les rétameurs, les chaudronniers?? Disséminés au hasard. Les uns installés du côté de Saltnia, quartier à la périphérie de la ville où se mélangent menuisiers, usines de confection, habitations populaires, soudeurs, ferronniers, dépôts de matériaux de constructions. Les autres, du côté du « marché du vendredi », derrière l'usine de la SIAPE, là-bas, route de Gabès, à l'ombre de cet Himalaya de phosphogypse, dont on ne sait quoi en faire. Du coup, avec eux, sont partis la plupart des clients des artisans du bois, qui achètent chinois maintenant, moins cher et jetable.
Dans cette rue des forgerons, d'autres artisans s'accrochent au lieu. Les armuriers : les mêmes, ils sont toujours là, juste pris de l'âge, et peut-être moins de fusils à réparer. Un travail minutieux. Ici on répare tout, absolument tout. On sait bien que rien ne se jette à Sfax, on peut toujours trouver quelqu'un capable de vous « adapter » n'importe quelle pièce, l'anse d'un couscoussier en aluminium, le manche d'une casserole, le gicleur d'un primus à pétrole, une lampe tempête ou à carbure, une monture de lunettes, peu importe la matière Aucune soudure n'est impossible à réaliser. L'aiguiseur tient toujours boutique : toutes sortes de ciseaux, de coutelas, de haches et de hachoirs, attendent de passer sur ces meules de différents calibres, mues par des courroies actionnées par des moteurs : un mouvement circulaire incessant. A terre, un homme, imperturbable, assis en tailleur aiguise à la lime, de forme triangulaire, chaque dent d'une scie pour élaguer les branches : un aller-retour régulier, des coups de métronomes, pour chaque interstice.
Des serruriers géniaux, capables de débloquer n'importe quel blocus condamné au rebut dans une autre ville. Les coffres-forts n'ont pas de secrets pour ces artisans, ils en connaissent les mécanismes, les ressorts, leurs faiblesses aussi. Coincés entres les boutiques dépôts, les étalages débordant de produits asiatiques, les revendeurs de viande de volaille nouvellement installés ici, quatre ou cinq « messieurs trouve tout », leurs échoppes reconnaissables aux dizaines d'ustensiles de cuisines, usagés et retapés, accrochés à la devanture avec des moulins à viande, des clés, des couvercles de toutes sortes, des lampes à pétrole en cuivre, comme des enseignes, refusent toujours toutes les faramineuses propositions financières pour céder leurs fonds de commerce et « partir »......Quelques uns de ces derniers des Mohicans. L'odeur des casse-croûtes et des salamis fraîchement découpés commence à envahir les lieux. L'étau se resserre.
Juste au début de la Rue du Bey résistent encore trois ou quatre ouvriers du bois, qui continuent malgré tout, malgré la déferlante asiatique, à fabriquer pour le consommateur local : des kabkab, remplacé de plus en plus par les tongs en plastique, les minuscules tabourets bas qui servaient de siège quand il fallait laver le linge, les pilons en bois, les makhbez pour l'assida, les moules striés pour donner une forme aux makroudh maison, les fins rouleaux à pâtisserie pour amincir les immenses feuilles de pâte pour baklawass, les louches, etc.
Plus loin, en descendant cette même rue vers Bab Diwan, sur la droite, dans des impasses latérales, un monde vivant de minuscules ateliers où on fabrique de tout. Un mouvement permanent, dans les deux sens. Parfois il faut s'aplatir contre le mur en vitesse ou s'engouffrer dans la première boutique venue : ici, le transport se fait à force d'hommes. Les marchandises ne peuvent arriver à destination, ou sortir de la Médina, que sur de petites charrettes posées sur de minuscules roues. Ceux qui sont pressés se mettent dans le sillage du porte-faix. Ils sont sûrs de traverser la ville en un temps record.

L'odeur du vieux bois
Il suffit de demander, on vous indique deux menuisiers qui continuent encore de fabriquer leur propre colle, qu'ils font fondre au bain-marie sur un canoun antédiluvien. Les derniers peut-être à utiliser une cire alcoolisée pour lustrer les meubles pendant des heures. Certainement les rares qui possèdent tout l'outillage du parfait professionnel, hérité de leurs parents ou de leurs maîtres, qui connaissent toutes les variétés du bois. Ils vous expliquent les différences entre tous les dérivés, les particules agglomérées, les contre plaqués, les usages qu'on fait du chêne, du châtaigner, de l'acajou et de l'ébène, et pour quels meubles. Que les luthiers utilisaient de préférence du buis ou de l'érable. L'eucalyptus rouge et l'éternel olivier, matière première locale inusable sont eux pour les usages plus courants. On vous apprend que le frêne sert à faire des manches d'outils et est extrêmement pratique pour confectionner les roues des calèches, des charrettes.... Des maîtres rares qui ne font pas de la rétention du savoir, qui transmettent leurs connaissances, comme leurs maîtres l'ont fait. Peut-être parmi les derniers de ceux qui continuent à acheter du bois et qui ne l'utilisent que quelques années plus tard, « le faire dormir » disent-ils. C'est du bois qui ne « bougera » plus.
La rue des Teinturiers, qui commence juste à l'angle de la Mosquée Bouchoucha, face à la Porte Bab Jebli, toujours là avec ses deux lourdes portes et ses ferrures, est devenue un marché de légumes. De la bonne humeur et les algarades habituelles, les bousculades, les essaims de consommateurs agglutinés autour de monstrueuses fraises fraîchement arrivées, bien en avance et aussi grosses que des pommes !!
Impossible de quitter les lieux sans un passage par le marché aux poissons. Totalement rénové, lui aussi, il y a quelque temps. Le passager se laisse aller à un mouvement circulaire, sans se lasser de voir la quantité et la variété de poissons exposés à la vente. Les charnus bigorneaux sont là, des oursins aussi. Des délices. Il faut suivre les vieux sfaxiens, ceux qui ne sont pas pressés d'acheter, ni tentés par les gros spécimens, ceux qui prennent le temps de voir. Ils n'en ressortent qu'avec une « mraïqa », pour l'indispensable soupe : un vrai élixir de Jouvence pour chaque sfaxien. Bab Jebli, c'est tout ça, en même temps. Des moments précieux. .


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