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Tunisie : une révolution prometteuse
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 02 - 2011


Par Joseph-E-Stiglitz*
Le monde entier célèbre la révolution démocratique de la Tunisie qui a déclenché une cascade de soulèvements dans la région, notamment en Egypte, avec des conséquences inouïes.
DAVOS — Le monde a maintenant les yeux fixés sur ce petit pays de 10 millions d'habitants pour tirer les leçons des événements récents, tout en se demandant quelle va être la suite : ce jeune peuple qui a renversé un autocrate corrompu parviendra-t-il a créer une démocratie stable et fonctionnelle ?
D'abord les leçons :
En premier lieu, il ne suffit pas que l'Etat assure la croissance économique. Le PIB de la Tunisie a augmenté en moyenne de 5% par an au cours des 20 dernières années, au point d'être souvent citée comme l'une des économies les plus performantes de la région.
De même, il ne suffit pas de se conformer aux exigences des marchés financiers — cela permet sans doute d'avoir des obligations bien cotées et de répondre à l'attente des investisseurs étrangers, mais cela ne s'accompagne pas nécessairement de créations d'emplois et d'une augmentation du niveau de vie de la population.
La crise de 2008 a mis en évidence la faillibilité du marché obligataire et celle des agences de notation. Elles ont baissé la note de la Tunisie au moment où elle tentait de passer d'un régime autoritaire à la démocratie, ce qui n'est pas à mettre à leur crédit. Cela doit rester dans les annales.
Même permettre à la population d'accéder à une éducation de qualité ne suffit peut-être pas. Un peu partout dans le monde, on s'efforce de créer des emplois pour les nouveaux entrants sur le marché du travail. Chômage élevé et corruption endémique constituent un mélange explosif. Des études économiques montrent que la réussite d'un pays dépend avant tout du sentiment de justice et d'équité.
Lorsqu'il faut avoir des relations pour trouver du travail alors que les emplois sont rares et lorsque les dirigeants et les hauts fonctionnaires accumulent des fortunes, alors que les ressources sont limitées, naît un sentiment d'injustice puis de révolte. L'indignation de l'opinion publique à l'encontre des banquiers en Occident est une version édulcorée de l'exigence de justice économique qui est apparue d'abord en Tunisie, et ensuite à travers la région.
Aussi vertueuse soit la démocratie (ainsi que le montre l'exemple tunisien, elle est de loin préférable à la dictature), souvenons-nous des échecs de ceux qui en font un mantra et n'oublions pas qu'elle ne se limite pas à des élections, même équitables. Ainsi aux USA, elle s'accompagne d'inégalités croissantes, au point que les 1% d'Américains les plus riches bénéficient du quart du revenu national et que la répartition du patrimoine est encore plus inéquitable.
La plupart des Américains vivent moins bien aujourd'hui qu'il y a 10 ans, presque tous les bénéfices de la croissance économique bénéficiant exclusivement à la petite minorité des plus riches. La corruption de style américain se traduit par des milliers de milliards de dollars de cadeaux aux entreprises pharmaceutiques, l'achat des hommes politiques au moyen de contributions financières massives aux campagnes électorales et des baisses d'impôt pour les millionnaires, tandis que les pauvres voient leur assurance santé se réduire comme peau de chagrin.
Souvent la démocratie s'accompagne de conflits, de factionalisme et de dysfonctionnements étatiques. De ce point de vue, la révolution tunisienne débute sur une note positive: un sentiment de cohésion nationale généré par le renversement d'un dictateur haï par la grande majorité de la population. La Tunisie doit préserver ce sentiment, ce qui exige un effort de transparence, de tolérance et d'ouverture à l'égard de toutes les couches de la société — tant sur le plan politique qu'économique.
Le sentiment d'équité exige un dialogue public. Car si tout le monde parle d'Etat de droit, on ne peut mettre de côté la nature même de ce droit. La loi peut servir à garantir l'égalité des chances et la tolérance ou bien à maintenir les inégalités et la mainmise des élites sur le pouvoir.
La Tunisie ne parviendra peut-être pas à empêcher que les représentants d'intérêts particuliers fassent main basse sur l'Etat. Pour éviter cette situation, il est indispensable de procéder au financement public des campagnes électorales, de limiter l'action des lobbies et d'interdire les passages trop faciles entre le secteur public et le secteur privé. Privatiser en toute transparence et procéder à de véritables appels d'offres pour les achats publics permettrait de freiner la recherche de rente de situation.
Il y a un équilibre délicat à trouver dans beaucoup de domaines : un Etat trop puissant risque de ne pas respecter les droits des citoyens, tandis qu'un Etat trop faible risque de ne pouvoir conduire l'action collective nécessaire pour parvenir à une société prospère et solidaire à l'égard des plus démunis — ou de ne pouvoir empêcher les puissants acteurs du secteur privé d'exploiter les individus les plus faibles et sans défense. L'Amérique latine montre qu'il y a des problèmes relatifs à la durée des mandats des hommes politiques, mais l'absence de limite est la pire solution.
Les Constitutions doivent donc être flexibles. Inscrire comme loi d'airain le dernier principe économique à la mode, ainsi que l'a fait l'UE avec sa Banque centrale qui se préoccupe exclusivement de la lutte contre l'inflation, est une erreur.
Mais il est indispensable de garantir certains droits politiques (la liberté de religion, la liberté d'expression et la liberté de la presse) et économique. Ainsi la Tunisie pourrait entamer son débat public par la question de savoir quels droits supplémentaires introduire dans sa nouvelle Constitution, en plus de ceux figurant dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme.
Le début de la révolution tunisienne est étonnamment prometteur. Le peuple tunisien a fait preuve de maturité et de sagesse en établissant un gouvernement intérimaire, tandis que des Tunisiens qui ont réussi par leur talent ont accouru pour servir leur pays dans ce moment critique. C'est aux Tunisiens eux-mêmes de créer un nouveau système qui pourrait symboliser la démocratie du 21e siècle.
Quant à la communauté internationale, après avoir soutenu si souvent des régimes autoritaires au nom de la stabilité (ou du principe qui veut que «les ennemis de mes ennemis sont mes amis»), elle a de toute évidence la responsabilité de fournir à la Tunisie toute l'aide dont elle aura besoin dans les mois et les années qui viennent.
*Nobel d'économie 2001


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