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Le devoir de transparence
Appareil statistique du régime Ben Ali- Les comptes sont loin d'être bons : Statistiques publiques et démocratie
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 02 - 2011


Par Nidhal BEN CHEIKH(*)
Selon des câbles diffusés dernièrement par Wikileaks, Paris considérait dans des échanges avec l'ambassade américaine à Paris en janvier 2010 «la Tunisie comme le pays le plus stable du Maghreb. La Tunisie a le taux de chômage le plus faible de la région et une bureaucratie qui fonctionne raisonnablement bien...». Ce câble m'interpelle, au même titre que les dernières publications du FMI ou de la Banque mondiale portant sur la Tunisie, quant aux raisons présidant à la cécité préoccupante des diplomates français et surtout des experts de Bretton Woods qui n'ont pas réussi à voir cette révolution venir. Encore une preuve de la faillite des modèles tout prêts du FMI et de la BM et de l'incapacité de l'orthodoxie néo-classique à appréhender la réalité économique et sociale dans toute sa complexité. Ils ont continué jusqu'aux temps additionnels à faire l'éloge d'un régime autoritaire kleptocratique et d'un modèle économique agonisant. Etaient-ils victimes des statistiques trompeuses que le gouvernement faisait miroiter ? Affirmatif, en partie. Mais heureusement, ce fut un chant du cygne. N'eût été cette cécité bénie de tous ces partenaires, le régime de Ben Ali aurait profité d'une manne de capitaux additionnels qui lui aurait permis, d'étouffer les agitations populaires dans l'œuf et de calmer les esprits les plus récalcitrants. Ce qui aurait permis de surcroît, au clan mafieux de se sucrer davantage au grand dam d'un peuple meurtri par des décennies de répression policière sans relâche et une paupérisation économique et culturelle institutionnalisée.
Toutefois, il est de toute urgence de pointer du doigt le rôle qu'a joué le système statistique dans la dérive propagandiste du régime déchu. En effet, les statistiques publiques sur lesquelles je reviendrai en détail, ont permis au régime de Ben Ali de reluire son image auprès des institutions internationales et des bailleurs de fonds. Une image qui a été partiellement écornée par ses manquements aux droits de l'homme les plus élémentaires. Pis encore, les ministres de Ben Ali, qui se sont succédé à la tête des ministères de la Planification, des Finances et des Affaires sociales ont fait main basse sur les statistiques publiques en institutionnalisant des pratiques douteuses de manipulation des indicateurs économiques et sociaux les plus fondamentaux. Il y a lieu de s'indigner de ces pratiques, notamment qu'elles ont induit bailleurs de fonds, pays partenaires et amis dans des erreurs d'appréciation qui se sont avérées très coûteuses. L'échec cuisant et retentissant de la diplomatie française en est la parfaite illustration.
Du coup, la crédibilité de nos statistiques publiques a été sérieusement ternie et érodée. Face à cette situation, politiciens, producteurs d'informations statistiques, planificateurs, usagers de données statistiques en tant que bien public, gagneraient à se mettre autour d'une table pour discuter des moyens à mettre en œuvre pour la création de garde-fous institutionnels pour l'indépendance des statistiques publiques au cours de cette phase cruciale de transition démocratique.
Mon devoir de citoyen et de patriote m'appelle à relater certaines pratiques douteuses dont j'étais témoin, lors de mon passage au ministère du Développement et de la Coopération internationale (actuel ministère de la Planification et de la Coopération internationale) de 2001 à 2009. Le rétablissement de la vérité de l'histoire économique et sociale du pays mènerait incontestablement à l'ancrage réel d'une citoyenneté responsable et assumée.
Ce témoignage et cet appel pour l'indépendance des statistiques publiques, ambitionnent de créer des mécanismes institutionnels qui protégeront politiciens et techniciens contre les risques malencontreux de glisser de nouveau vers les pratiques douteuses qui se sont avérées par le passé très coûteuses.
A l'époque du régime déchu, le pouvoir politique a réussi, non sans coup férir, certes, d'apprivoiser et de dompter la majorité des planificateurs et des statisticiens. Sous quelque forme qu'ils se fassent, la résistance de ces fonctionnaires publics aux pressions et leur attachement à la qualité des statistiques publiques, leur impartialité, leur intégrité et leur accessibilité aux multiples usagers, ont rarement abouti. C'est dire à quel point les espaces de liberté étaient hermétiquement verrouillés au sein de la fonction publique.
Aux sources de la révolution de la dignité : essoufflement d'un modèle de développement et des inégalités économiques profondes
Lorsque les soulèvements populaires dans le bassin minier de Gafsa éclatèrent en 2008, le gouvernement est intervenu en pompier en proposant un plan d'action en faveur de l'emploi et l'amélioration des conditions de vie au profit des délégations sinistrées. La majorité des actions proposées dénotaient déjà un gouvernement très mal en point, à court de créativité et d'idées. Et pour cause, l'incapacité triste de ce gouvernement d'anticiper les mouvements sociaux, de saisir la gravité des inégalités économiques, du chômage des jeunes diplômés du supérieur, et surtout d'en tirer les enseignements qui s'imposent pour l'avenir. A mesure que la situation s'embrasait et les contradictions s'accumulaient, le gouvernement faisait le rat mort. La révolution, dont l'étincelle jaillit à Sidi Bouzid deux ans après, en fit la preuve.
L'écroulement spectaculaire du régime de Ben Ali, considéré quelques mois auparavant par la France comme étant l'un des régimes les plus stables de la région, nous mène à ramener notre réflexion du côté de l'existence d'une crise économique structurelle latente. Cette crise, qui s'exprimait dans un malaise social profond et prenait ses sources dans l'essoufflement du modèle de développement, couvait déjà depuis une décennie. Elle joua le rôle de catalyseur à l'éclatement de la révolution et à sa propagation. Seulement, l'ancien gouvernement s'est contenté de vanter des pseudo-performances macroéconomiques limitées aux seuls fondamentaux (niveau de la croissance économique annuelle, déficit courant, endettement extérieur) et s'est mis à occulter et à dissimuler les tensions s'accentuant au niveau de la sphère de répartition. Comme s'il s'agissait d'une dichotomie entre la sphère de production et la sphère de répartition. L'erreur s'est avérée fatale. Il va sans dire que les inégalités économiques et le déséquilibre régional jouèrent un rôle de premier plan dans le déclenchement de la révolution au même titre que la corruption et le verrouillage des espaces de liberté.
Restauration de l'histoire économique et sociale du pays et indépendance des statistiques publiques: les préalables au fonctionnement d'une démocratie
C'est dans ce sens d'ailleurs que les statistiques publiques portant sur l'emploi, la pauvreté, la couverture sociale, les revenus des ménages, le pouvoir d'achat… étaient assez souvent manipulées et ne reflétaient que partiellement la dynamique de ces différentes variables dans leur dimension aussi bien nationale que régionale.
A un certain moment, les taux de chômage et de la pauvreté étaient quasiment décrétés. A mesure que ces pratiques se transformaient en traditions institutionnalisées, le gouvernement finissait par prendre des vessies pour des lanternes.
A mon humble avis, et je ne regrette aucunement la déchéance du régime honni de Ben Ali, les politiciens à la tête de certains ministères techniques ont induit l'ancien président en erreur, en muselant l'appareil statistique et en sous-estimant certaines données économiques fondamentales en rapport avec le mode de répartition des richesses.
Il est pressant aujourd'hui de restaurer l'histoire économique du pays, et de tenter d'éclairer l'avenir pour que ce gouvernement de transition puisse se rendre compte de la gravité des erreurs commises jusqu'au 13 janvier 2011 et d'amener cette démocratie naissante à bon port. Il n'est point de démocratie, corollaire de l'obligation de rendre compte aux citoyens, sans jeter les bases de l'indépendance des statistiques publiques.
A cet effet, j'essayerai dans ce qui suit de démontrer à quel point la dépendance outre mesure de l'Institut National de la Statistique (INS) de la tutelle du ministère du Développement et de la Coopération Internationale a contribué à amener l'ancien régime à sa perte, associée en cela à une planification économique amoindrie et visiblement en quête de légitimité (Un article sera consacré prochainement à ce sujet) de par les chevauchements avec les programmes présidentiels.
Un gouvernement qui jouait avec le feu en sous-estimant la portée indicative des enquêtes emploi produites par l'INS
Et pourtant le gouvernement disposait de toute l'information qui lui aurait permis de disposer d'un tableau de bord désagrégée par gouvernorats et même par délégations pour certaines données statistiques. L'INS a commencé depuis 2005 à réaliser des enquêtes annuelles sur l'emploi dont les publications sont restées dans les tiroirs. Seules deux enquêtes (2007 et 2008) échappèrent à ce destin tragique. Les techniciens de l'INS ont subi des pressions énormes pour ramener le taux de chômage de 14,5% calculé initialement sur la base d'un traitement statistique des données brutes de l'enquête à 14,1% en 2007. La version initiale qui a été abandonnée faisait état d'une aggravation du taux de chômage qui est passé de 14,2% en 2005, à 14,3% en 2006 pour se situer au niveau de 14,5% en 2007. Il en ressort qu'une manipulation des statistiques du chômage, aussi minime soit-elle, pourrait renverser intégralement les enseignements et fausser les prises de décision.
L'insouciance de l'ancien gouvernement quant à l'importance décisive des statistiques du marché du travail, de la cartographie du chômage et sa dynamique, explique en majeure partie son incapacité marquante à alléger la pression sur le marché du travail et particulièrement dans les gouvernorats du Centre-Ouest et du Sud-Ouest.
D'après les résultats de cette enquête, la situation au niveau du marché du travail est encore plus grave et préoccupante pour les gouvernorats de Gabès, de Gafsa, de Tozeur, de Mahdia, de Siliana et de Jendouba.
Malgré tout le potentiel des données disponibles annuellement à l'INS et qu'importent les insuffisances méthodologiques, s'il en est, aucune entreprise de veille stratégique n'a été menée par les ministères techniques concernés. Le gouvernement a eu simplement l'habile idée en 2010 de baisser artificiellement le taux national de chômage, moyennant le changement de la définition de la population active occupée, afin de pouvoir ramener le taux de 14,7% à 13,3%. Sans se soucier aucunement des rétropolations des séries statistiques qui auraient permis aux planificateurs, statisticiens et divers usagers de pouvoir analyser et apprécier les changements qui s'opéraient au niveau du marché du travail. En ce temps-là, le feu couvait sous les cendres et les inégalités économiques s'étaient tellement aggravées que le point de non retour a été d'ores et déjà atteint.
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(A suivre : Analyse des indicateurs de répartition, la pauvreté et sa géographie et l'effritement de la classe moyenne)


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