Par Abdelhamid GMATI On commence à être fatigué de ces gens qui racontent n'importe quoi et son contraire. Aucun n'est informé. Chacun raconte ses avis, ses intentions, ses perceptions, ses approximations, ses imaginations. O.K., chacun fait sa catharsis, chacun se défoule. On parle, on parle, on parle pour ne rien dire de consistant. On dénonce, on fait son innocence, son intelligence, et des demandes d'emploi. Y compris les journalistes qui, parce qu'ils osent traiter de termes prohibés, évoquer des sujets tabous, inviter des personnages jusque-là interdits, croient qu'ils on atteint la liberté. Ah‑! Ah‑! Ah‑! Rigolons. Tout cela c'est de la poudre aux yeux. La liberté de presse, la liberté d'expression, la liberté de parole et une foule d'autres libertés, qui sont toutes garanties par la Constitution, ne sont pas respectées. Et on croit qu'en les revendiquant, on va atteindre la démocratie. Allons, donc, soyons sérieux ! Quand on parle de liberté de presse, on sous-entend que le journaliste va nous dire des choses que le pouvoir interdit. Quand on parle de liberté d'opinion, on sous-entend qu'il y a des choses à dire qu'on interdit. Et on dénonce la censure qui s'impose sous plusieurs formes. Certes. Nous sommes tous contre la censure. Et elle s'exerce quand on a quelque chose à dire. Hélas, le problème n'est pas seulement là, car généralement, on n'a rien à dire. Parce qu'on ne sait rien ; on n'a que des suppositions, des avis, des soupçons, des informations invérifiables. Les journalistes, et toutes les composantes de la société, ne savaient que ce qu'on voulait leur dire et ils ne pouvaient agir qu'en fonction de ces informations non vérifiables. La rumeur, bien organisée et bien distillée, occupait le peuple et le manipulait en lui donnant l'impression d'être bien informé. La révolution que nous vivons a réussi à détruire l'ordre établi. Et chaque jour nous découvrons tous les méfaits et les effets de cette dictature. Pourquoi l'avons-nous supportée pendant des décennies ? Simplement parce qu'elle nous a dupés et a maîtrisé l'information. Notre journal La Presse a révélé les chiffres mensongers qu'on nous distillait à propos du chômage. Et on nous a menti sur beaucoup d'autres choses. Mais personne ne le savait et on n'avait pas la possibilité d'accéder à l'information. Aujourd'hui, la révolution du peuple a changé les choses. Et on voit un tas de gens défiler partout en proclamant qu'on ne "veut pas qu'on vole la révolution". Le problème c'est que tous ces personnages, apparus d'on ne sait où, nous cachent des choses. Ils exigent un tas de dispositions légales, constitutionnelles et autres. C'est bien de tout revoir dans nos législations, y compris dans notre Constitution. Mais rappelons une vérité‑souvent méconnue. Si l'on veut une démocratie, on a droit à la vérité, toute la vérité. Une démocratie est une sorte de contrat entre le peuple et ses représentants. "Le peuple cède à ses mandataires, les politiciens, le soin d'administrer la chose publique". Mais on a droit de savoir, de tout savoir. Il ne s'agit pas de nous dire "c'est pas le moment". Le mensonge qui caractérise beaucoup de gouvernants dictatoriaux est un abus de confiance et un bris de contrat. Contrairement à ce que disait Bernanos, le scandale, c'est de cacher la vérité, et de ne pas la dire tout entière. On nous a habitués à ne dire que ce qui encensait le pouvoir. On ne pouvait que quémander une information pas toujours disponible et jamais vérifiée. Ce qui a permis toutes les attitudes et pratiques les plus véreuses. Alors ? Dans toute cette cacophonie de demandes de droits et autres législations, il y a un droit fondamental dans toute démocratie : celui du droit à l'information. Pour ce faire, il faut légiférer et adopter une loi reconnaissant, imposant le droit d'accès à l'information. Cela ne suffit pas : il y a tellement de lois tunisiennes qui sont foulées au pied et non respectées. Il faudrait créer un organisme doté de pouvoir exécutoire, auquel tout citoyen pourrait avoir recours pour obtenir l'information, le dossier auprès de n'importe qui, de n'importe quelle administration. Exemple : si je veux obtenir la liste des personnes graciées, j'ai le droit de l'avoir en dépit des réticences du ministère. Ce droit d'accès à l'information qu'on semble oublier est une des garanties de la transparence et donc de la démocratie. Un garde-fou contre la dictature si friande de mensonges, de contre-vérités…