Le gouverneur de la Banque centrale a donné mercredi des chiffres sur le montant faramineux des crédits bancaires accordés aux familles Ben Ali et Trabelsi, à leurs alliés et partenaires. Ce montant se monte à 2.500 milliards, répartis entre 23 groupes comprenant 128 entreprises. Plus de la moitié de ce montant (1.300 millairds) a été accordée pour financer les projets Carthage Cement, Tunisie Sucre, l'achat des 25% de Tunisiana et le financement de la participation de M. Mabrouk dans Orange Tunisie. Ces montants auraient pu rester des «secrets d'Etat» si la révolution n'avait pas eu raison du système Trabelsi-Ben Ali. Les pertes sont énormes et le mal est fait mais on est surtout frappé par un chiffre avancé par le gouverneur de la Banque centrale: sur ces 2.500 milliards, 430 milliards de crédits ont été accordés sans garantie. Chose contraire à l'éthique et à la procédure légale. Sur ce point précis, le gouverneur de la BCT n'a pas été explicite: comment expliquer ce gros montant de 430 milliards accordé en dépit des risques? Quelle est la part des crédits fournis sous forme de découverts, donc sans l'autorisation des comités de crédit? Et comble de l'ambiguïté, pourquoi plusieurs responsables ayant signé ces crédits restent-ils encore en poste alors que tout le monde a découvert le pot aux roses ? On n'a pas tout dit Ne l'oublions pas, toutes les banques commerciales, publiques ou privées —comme l'a signalé une liste de la BCT—se sont associées à des personnes sans scrupules et le citoyen a besoin de connaître la vérité parce qu'il a l'impression que des manipulations ont été facilitées au sein des banques. On aura préféré que M. Nabli précise les noms de ces banques et le degré de leur implication (en montant de crédit détaillé par organisme financier et par projet). Quand le gouverneur de la Banque centrale dit que les entreprises des clans Trabelsi–Ben Ali et associés présentent désormais un risque réel après le 14 janvier, cela impliquerait l'insolvabilité de ces entreprises. Pourtant, avant le 14 janvier, ces sociétés étaient classées sans risque. On vantait dans les médias leur solidité et leur rôle déterminant dans le développement. M. Nabli n'a pas tout dit : est-ce parce qu'il lui manque encore des informations ou parce que l'information arrive de façon parcimonieuse? Le risque qu'elle n'arrive jamais est encore réel. Impératif éthique Tout le monde attend des réponses. Qui va payer à la place des banquiers complices? Le pauvre citoyen qui souffre de surendettement et de chômage ! Le petit fonctionnaire qui doit payer un taux d'intérêt sans cesse en hausse! Ou alors faudra-t-il recourir, comme on l'a très souvent fait, à des ajustements des prix pour combler un tant soit peu le trou financier ? Et puis pourquoi les fauteurs au sein des banques ne sont pas poursuivis pour avoir manipulé l'argent public? L'évaluation des pertes subies à cause de ces engagements «forcés» est plus urgente que l'évaluation des risques encourus par les banques. Celui qui assume la perte — non pas le risque — c'est le pays. Il faut dénoncer les personnes au sein des banques qui ont facilité autant de manipulations. Pourquoi profitent-ils encore de l'impunité ? Il faut obliger tous ceux qui sont incriminés à rendre compte de leur complicité. Un pas en avant sur cette voie rétablira la confiance entre le gouvernement et le peuple. La révolution est arrivée pour instaurer équité, justice, égalité et transparence. La construction d'une démocratie et d'un Etat de droit est d'abord un impératif éthique et politique avant d'être une urgence économique.