• Appel à l'ouverture d'une enquête pour pénaliser les criminels, les responsables et les tortionnaires Après des années de militantisme contre la torture et la violation de la loi interdisant le châtiment corporel des prisonniers, voilà que l'Association tunisienne de lutte contre la torture — convertie en organisation — est parvenue, enfin, à tenir une conférence de presse, au siège du Syndicat des journalistes tunisiens à Tunis pour traiter d'un problème considéré jadis comme tabou et pour attirer l'attention du gouvernement quant à l'impératif de stopper ces pratiques intolérables. Ont répondu présents à cette rencontre des responsables internationaux servant la même cause, à savoir M. Eric Sottas, secrétaire général de l'Organisation mondiale contre la torture (Omct), et Mme Violette Daguerre, présidente de la Commission arabe des droits de l'Homme, ainsi que d'ex-détenus ayant souffert sous l'emprise du système déchu. Prenant la parole, Me Radhia Nasraoui, présidente de l'organisation tunisienne de lutte contre la torture, a indiqué que les membres de l'organisation venaient tout juste de déposer leur dossier en tant qu'organisation tunisienne; une action qui, dans le temps, n'a pas été sans de violentes et inhumaines réactions de la part des autorité sen place. Présentant ladite organisation, la présidente a souligné les divers angles d'intervention et qui consistent dans la lutte contre la torture, l'assistance des victimes et en en leur apportant, conseils juridiques, en les soutenant devant les tribunaux mais aussi en leur permettant d'accéder aux soins nécessaires en cas de torture à séquelles. «D'autant plus que, souligne l'oratrice, nous tenons à chaque fois à élaborer des rapports détaillés pour informer la société et les organisations sur la situation en Tunisie, notamment dans les prisons». Et d'ajouter que malgré le statut non admis jusque-là par l'état de l'organisation et le déficit logistique et financier qu'elle endure, l'organisation n'a jamais baissé les bras. «On nous a proposé des fonds mais on a préféré compter sur les dons des Tunisiens. Nous allons, désormais, batailler pour bénéficier de fonds tunisiens qui nous reviennent de droit», renchérit-elle. Par ailleurs, Me Nasraoui a donné un aperçu sur la torture sous le pouvoir de Ben Ali. Elle a indiqué que les atteintes aux personnes par le biais des sévices corporels sont innombrables. «Hafedh Barhoumi, par exemple, a perdu l'usage d'un œil suite à des actes de torture», note la présidente de l'organisation. Me Nasraoui montre du doigt la responsabilité de Ben Ali quant à la permission et à la recommandation de pareilles pratiques. «En 1995, la situation s'était quelque peu décrispée afin de freiner les reproches et les indignations internationaux. Mais, peu de temps après, les choses ont repris de plus belle», précise l'oratrice. Actuellement, et malgré l'abolition du régime et la quasi-éradication de ses figures emblématiques, la torture persiste contre toute attente. Me Nasraoui affirme que l'organisation a reçu des plaintes de la part de certaines personnes qui ont été récemment victimes de sévices. C'est le cas de Khaled Laâouini, ou encore de ce jeune qui a été violenté par un agent de police. «Pis encore: les policiers à qui on a ordonné de pratiquer la torture et la violence contre le peuple ont été récompensés. Ce qui est évident, c'est que la situation s'avère grave», fait remarquer Me Nasraoui. Et d'ajouter que les membres de l'Organisation tunisienne de lutte contre la torture, les victimes ainsi que les familles des martyrs recommandent vivement la pénalisation des criminels, responsables et tortionnaires confondus. «Il y a des personnes qui sont décédées sous l'effet de la torture. D'autres ont eu des handicaps. Sans oublier ceux qui ont été arrêtés et qui n'ont plus donné signe de vie. Il est grand temps d'enquêter là-dessus», note la présidente. Prenant à son tour la parole, M. Eric Sottas, secrétaire général de l'Organisation mondiale contre la torture, se souvient de l'attitude de l'Etat tunisien qui recourait, à chaque demande d'explication de la part des organisations internationales, au déni. L'Omct a, tout de même, réussi à faire parler les victimes qui avaient pris le risque de révéler la vérité. «Ces dossiers doivent absolument être examinés. Il faut dire qu'il y a un grand chantier à engager sur ce plan. Juridiquement, le système international doit être pris en considération pour pénaliser ces actes», souligne M. Sottas.