Décidément, certaines personnalités tunisiennes du monde de la politique et de la diplomatie ne cessent de nous étonner lors de leurs interventions sur les plateaux de télévision. Ce qui est le plus décevant, c'est que ces hommes, normalement rompus aux usages et langage diplomatiques, supposés capables de maîtriser leurs impulsions en toutes circonstances, même quand ils sont confrontés à des questions qui fâchent, ne manquent pas d'exceller dans l'art de commettre des bévues tant linguistiques que comportementales. La dernière prouesse est à l'actif d'un diplomate qui s'est distingué par des propos choquants et «malpropres» (allusion faite à l'expression qu'il a employée et que, par décence, il conviendrait de ne pas reprendre dans son intégralité). Il s'agit, vous l'avez deviné, de M. Mezri Haddad, ex-ambassadeur de Tunisie à l'Unesco, qui nous a donné une leçon magistrale de non-savoir-parler sur fond de colère, au cours d'une émission spéciale télévisée consacrée à la Tunisie après Ben Ali. Franchement, la manière dont celui-ci a réagi à une réflexion formulée par une invitée présente sur le plateau de France 24 n'est pas à l'honneur d'une personne qui prône aujourd'hui, beaucoup plus qu'hier, la liberté d'expression jusqu'à vouloir même fonder un parti politique, sans doute sous la bannière de la démocratie. La jeune invitée de l'émission a-t-elle eu tort de demander à M. Haddad pourquoi il s'acharne sur les «jusqu'au-boutistes» de la révolution, alors qu'il a appartenu lui-même en tant que responsable de haut niveau à un régime qui a fait du «jusqu'au-boutisme» dans l'injustice et l'oppression une devise d'Etat ? Il est vrai que notre ex-diplomate a démissionné de son poste quelques jours seulement avant la chute de Ben Ali, prétextant qu'il ne pouvait cautionner la manière dont les manifestations pacifiques ont été réprimées, mais même si on n'irait pas jusqu'à dire qu'il a choisi le bon moment pour se démarquer du régime sachant que ses jours étaient désormais comptés, vu l'ampleur de la contestation populaire, on pourrait être enclins à le penser. M. Haddad, en sa qualité de «fin diplomate», aurait pu se justifier et faire les mises au point qu'il juge utiles avec moins d'agressivité verbale envers la jeune dame et plus de respect à l'égard des téléspectateurs, d'autant que la langue de Molière, qu'il semble maîtriser, lui offre la possibilité de tenir des propos plus «propres» que ceux dont il a fait usage et qui ont fait tressaillir son interlocutrice, éberlué les téléspectateurs et contraint l'animatrice à boucler précipitamment l'émission. Difficile d'empêcher les vieux réflexes de ressurgir, surtout quand on est à court d'arguments pour se justifier ! M. Mezri Haddad devrait-il présenter ses excuses à celle qu'il a outragée et à tous ceux qui ont été témoins de son écart de langage et de son agressivité ? S'il le faisait, ceux-ci lui pardonneraient peut-être la non-maîtrise de soi, défaut majeur de tout diplomate qui se respecte.