Par Anouar MOALLA* «Je suis scandalisé ce soir par le spectacle d'un grand professionnel de la diplomatie, Sid Ahmed Ounaïes, se faire descendre par le plateau habituel de Nessma. Les responsables de la chaîne n'ont même pas eu l'honnêteté de passer mon message de soutien par SMS (ils n'ont passé que les SMS hostiles ou l'appel très discutable de Maître Belhaj Hamida, ma néanmoins amie Bochra). Honte à certains médias tunisiens qui, sous prétexte de démocratie et de liberté d'expression, se sont érigés en tribunaux populaires dont les jurés sont des journalistes méconnaissant leur rôle. Ignoraient-ils que, contrairement à eux, Sid Ahmed n'est pas libre de dire n'importe quoi. Les journalistes de Nessma n'avaient même pas l'intelligence de comprendre que le monsieur en face d'eux avait deux responsabilités : d'une part, il est membre d'un gouvernement d'unité nationale dans un moment de transition critique et, d'autre part, il est la voix de la diplomatie tunisienne. Chaque mot qu'il prononce a une portée considérable sur le présent et l'avenir des relations de la Tunisie avec ses partenaires stratégiques. Ils s'attendaient à quoi ces journalistes : qu'il leur dise par exemple qu'il a usé de l'hypocrisie d'usage pour parler de Michèle Alliot-Marie (MAM)? Et puis, quand est-ce que MAM a proposé d'envoyer des bombes et des matraques pour mater la révolte de la rue ? Elle a juste dit (et elle avait certes tort) face à la grande violence qui marquait la répression des manifestations en Tunisie, que son gouvernement, ayant un savoir-faire pour canaliser les manifestations de rue sans recourir à autant de violence, était prêt à faire profiter les autorités tunisiennes de cette expertise. L'amalgame volontaire fait par les journalistes présents était de mixer cette déclaration avec la nouvelle disant qu'un marché prévoyant l'envoi de divers outils de répression de manifestations (bombes lacrymogènes, matraques...) avait été suspendu au vu de la situation sociale en Tunisie. En disant cela, je ne cherche pas à défendre MAM. J'essaye de défendre l'éthique du journalisme qui nous interdit de nous comporter comme des malpropres (ricanements, clins d'œil, rires entendus...). Je concède que les explications de Sid Ahmed Ounaïes étaient parfois lourdes, répétitives et maladroites. Je concède aussi qu'un certain ton de donneur de leçons pouvait passer assez mal à la télévision. Mais tout cela n'excuse en aucune manière le comportement indigne de ceux qui lui faisaient face. Messieurs les journalistes: en vous parlant de responsabilité, le ministre vous rappelait la sienne (qui est double, comme je l'ai expliqué plus haut) et la vôtre. En vous parlant de déontologie (usant pour ce faire de toutes les circonvolutions propres à la diplomatie), il vous signalait l'urgence pour vous (et pour le pays) de vous souvenir de la règle première qui doit guider votre travail‑: l'honnêteté intellectuelle. Laissez-moi vous le dire crûment‑: elle était cruellement absente ce soir. Rappelez-vous que vous représentez sans doute le 4e pouvoir, cependant, vous n'avez aucune légitimité à vous prétendre la voix du peuple ou les "porte-parole de la révolution.» * Consultant, gouvernance & communication publique