Par Ridha Salhi* L'histoire a montré que le régime présidentiel n'était pas l'adéquat. Et pour preuve, la confusion dans laquelle brillent nos institutions depuis la chute du président déchu, et ses conséquences néfastes. Le bilan est négatif sur tous les plans. Rappelons que dans un laps de temps de quarante-huit heures, on ne savait pas sur quel texte constitutionnel le pays allait fonctionner. Depuis, la contestation sur les choix effectués n'a pas faibli, même si le pays est en train de se dresser au niveau sécuritaire et social. Le climat d'instabilité institutionnelle reste un souci constant. En fait, c'est uniquement grâce à notre administration et ses potentialités que les choses avancent. Pour ce qui est des institutions, chacun a son propre avis sur le système en place, en attendant les élections présidentielles et parlementaires annoncées. Pourtant, la controverse sur ces élections s'accentue. Comment élire un président et les représentants du peuple si le contenu même de la Constitution, à la base de ces deux élections, est contesté. A l'heure actuelle, l'impression qui domine est que l'ancien système va être sauvegardé, même si on instille l'idée de porter quelques changements constitutionnels. A priori, on retrouvera l'ancien système avec de nouveaux visages. Cependant, il n'y a pas de doute que nos institutions et le choix d'un système dit « présidentiel » sont à l'origine du mal connu par notre pays. En somme, la question qui se pose est de savoir si ce système est le plus apte pour notre pays. A mon sens, il est loin de l'être. N'oublions pas que les dérives autoritaires qui ont conduit à une dictature étaient engendrées par ce régime politique. Il faut savoir que, dans le monde, ce système n'est appliqué réellement qu'aux Etats-Unis d'Amérique où le rôle du président est axé essentiellement sur les droits régaliens, les affaires étrangères et la défense nationale. C'est à lui seul que revient la décision d'engager le pays dans une guerre, de recourir à la force militaire et d'être son représentant sur le plan international. D'ailleurs, vu la taille du pays (cinquante Etats plus deux Etats disposant d'un statut spécial), il est le seul habilité à prendre de telles décisions qui, de par leur nature, peuvent ou doivent être prises dans l'urgence, sans attendre la réunion des représentants du peuple. Dans le cas de la Tunisie, si on est objectif, et on doit l'être, on n'a pas besoin d'un président si fort. Nous avons besoin d'un système parlementaire où les fonctions du président soient limitées. Ce sont les représentants du peuple qui doivent régir la vie des citoyens. Bien sûr, notre expérience et notre histoire ne constituent pas les meilleurs griefs pour défendre un système parlementaire fort, mais en tout cas, celui-ci ne peut être que le système qui offre le plus de garanties démocratiques. Avec la démarche de dissolution du RCD engagée par le gouvernement provisoire, on peut imaginer que la scène politique va être assainie et puis, vu que les élus seront les représentants des régions, c'est aux électeurs de décider d'élire ceux qui auront leur confiance. L'héritage historique du RCD et son influence sur la vie institutionnelle seront anéantis par sa dissolution juridique. Le peuple sera libre de choisir ses représentants qui auront pour mission de défendre ses intérêts et ses aspirations naturelles. Quant à leur contrôle, il sera assuré par la périodicité des élections. Le mandat accordé à ces représentants est limité dans le temps. Le représentant du peuple qui ne répond pas à la volonté de celui-ci et au contrat social sera sanctionné par les urnes, s'il se représentait de nouveau. D'autre part, il ne faut pas oublier qu'au passé, les parlementaires ne représentaient ni de loin ni de près la volonté populaire. Ils ne défendaient que les intérêts de l'homme à la tête du pouvoir, le président. D'ailleurs, pour s'en convaincre, il faut voir l'état de nos régions aujourd'hui. Les deux chambres ne servaient qu'à enregistrer la volonté du despote. Evidemment, il y avait l'opposition qui siégeait, mais… quelle opposition ! Quel poids avait-elle ? Tout le monde se souvient des places privilégiées de ces chefs au palais présidentiel qui faisaient parti du décor. Une nouvelle expérience d'un système présidentiel est à bannir. Cependant, pour évoluer vers le système parlementaire, l'urgence consiste à élire les membres d'une Assemblée constituante et c'est à elle seule que reviendra la mission de choisir le système juridique à mettre en place en Tunisie. Et à cet effet, et pour que la démocratie soit exercée, le choix du système institutionnel que prendra cette Assemblée ne sera approuvé que s'il est soumis à un référendum. Puis viendra dans le temps le choix des parlementaires et du président. Un choix autre que celui-ci serait porteur des gènes de l'ancien système. Rien n'empêche le gouvernement provisoire de mettre en place ce mécanisme. Il est sûr que ceci peut prendre du temps. Mais après tout, le peuple tunisien a su attendre plus de vingt-trois ans pour découvrir la démocratie. Le moment est historique et décisif, soyons patients… C'est le prix d'une nouvelle République construite pour les générations à venir. * Docteur en sciences juridiques et politiques