Le rapport au pouvoir est maladif dans tout régime dictatorial et rares sont ceux qui échappent à cette maladie. Et la maladie se propage du haut du sommet de l'Etat jusqu'aux institutions mineures. En d'autres termes, du président jusqu'au chef d'établissement scolaire, par exemple, le culte du pouvoir est le même. Il reste intact même quand on n'a plus aucun pouvoir, même quand on n'a plus personne à gouverner ou plutôt aucune légitimité de le faire. Grand ou petit dictateur, dictateur original ou copie, il n'est pas question de renoncer à son pouvoir. Et même quand on en est dépossédé , on s' invente toujours des situations où l'on s'imagine encore dans le rôle du décideur. Voulez-vous une anecdote en guise d'illustration de cette évidence tragi-comique ? La voici, elle est toute fraîche : Aujourd'hui même, c'est-à-dire le samedi 26 février, des élèves du lycée pilote de Nabeul ont organisé une manifestation culturelle ayant pour slogan: «Fier d'arracher ma liberté». La manifestation a pour but de collecter des fonds pour toutes les victimes de la Révolution. L'idée de cette noble manifestation avait en réalité émané d'une enseignante qui a très vite su mobiliser autour d'elle les élèves de l'établissement , des élèves mûrs et pleins de bonne volonté . Enseignante donc et élèves ont tout conçu et tout programmé sans le recours à aucun parti administratif ( complètement passif depuis un certain temps) .Mais, surprise du chef: voilà qu'aujourd'hui les élèves sont surpris de lire un papier publié dans La Presse où il est écrit avec une très longue citation à l'appui que c'était la directrice de l'établissement qui avait eu cette idée géniale de tout organiser avec la collaboration de trois enseignantes et des élèves naturellement ! Il faut voir leurs têtes, ces pauvres élèves, quand ils sont tombés sur cette non pas information, mais déformation ! Colère, indignation et dégoût jusqu'à l'envie de dégueuler ! Comment est-ce possible qu'un chef d'établissement qui n'a plus aucune légitimité à leurs yeux et qui est sur un siège éjectable ose-t-il faire une telle déclaration aux médias ? Comment peut-il s'arroger le droit de prétendre qu'il est derrière une manifestation si noble alors qu'il est suspect et que les élèves revendiquent son départ ? Bêtise ? Insolence ? Provocation ? Il y a tout cela. Et il y a surtout derrière un tel geste toute la pathologie du dictateur malade de son propre pouvoir et prêt à s'y accrocher comme un naufragé s'accrocherait à la moindre brindille. Croire qu'on a toujours le pouvoir (et l'illusion fait sa ronde d'un apprenti-dictateur l'autre) même quand on n'a plus aucun pouvoir, voilà le propre même de tout dictateur . Une obsession permanente du pouvoir qui se transforme en une folie qui confond désir et réalité et qui donne au désir la primauté sur la réalité. C'est en tout cas ce qu'a fait la directrice du L.P.N. Elle a pris ses désirs de pouvoir rester à la tête du lycée (désirs activés sans doute par le sentiment profond d'avoir été coupable de quelque chose) pour une réalité. Et en agissant comme telle, c'est-à-dire avec le désir coupable de pouvoir prolonger son règne, elle n'a fait que compromettre radicalement ce désir .Désormais, il ne lui reste plus qu' à l'enterrer. J'entends déjà gronder comme un tonnerre une furieuse colère qu'un comportement basé sur le bon sens aurait tout fait pour l'étouffer dans l'œuf. Pour la bonne cause , il va sans dire.