Sur les cimaises de la salle de conférence du club Tahar Haddad, les femmes de Habib Bouabana, une trentaine environ, fixent l'horizon. Elles ont, toutes, le même regard distrait et une même expression de détresse. Ecrasées sous une étoffe en forme d'icône et étouffées par un collier d'or qui sert leur cou, ces femmes semblent souffrir. Leurs visages se déforment visiblement et partent parfois en éclat. Toutes ces femmes semblent avoir un nom, une personnalité et une vie. Certaines sont blanches, d'autres sont noires. Certaines sont maigres, d'autres sont grosses. Des histoires sont racontées à travers une courbe de sourcils inachevée ou encore une pointe d'un nez aplatie… Les joues se débordent parfois dépassant les oreilles… Les bouches se rétrécissent et s'agrandissent démesurément…Les traits bien alignés et soigneusement dessinés dans certains portraits s'effacent sur d'autres toiles jusqu'à disparaître complètement ne laissant que la trace d'une figure. A travers ces visages tristes et ces âmes accablées, des grimaces s'émanent de part et d'autre. Des pleurs ou des rires ? On ne sait pas. Ce sont des grimaces qui paraissent comme des mots «muets» que l'on prononce sans voix, comme un cri que l'on ne peut étouffer. Les femmes de Habib Bouabana semblent pleurer mais sans larmes et sans gémissements. La douleur se dégage de la couleur jaunâtre et d'un pinceau indécis qui joue avec les formes et les traits… Bouabana croit qu'«il y a mille manières de pleurer». Lui, il pleure quand il rigole. «Mon sourire et mon rire sont des larmes. Par respect des autres, je ne pleure pas, je ris », avait-il déclaré. Ces femmes aussi ont leur manière de pleurer ou de rire ! Bouabana a su dévoiler leurs secrets. Il les a exhibées sans les dénuder pour autant. Un bel hommage rendu à feu Bouabana à l'occasion de la Journée mondiale de la femme.