C'est un homme marqué par le poids des ans qui a fait l'autre jour son entrée dans le théâtre d'El Hamra. Ahmed Ben Salah, l'ancien secrétaire général de l'Ugtt à la fin de l'époque coloniale, celui qui a succédé à Farhat Hached à la tête du mouvement ouvrier, puis qui a participé au gouvernement sous la présidence de Bourguiba tour à tour comme ministre de la Santé publique, des Affaires sociales puis, concomitamment, du Plan, des Finances et de l'Economie nationale jusqu'en 1969, était invité à un débat organisé par le club «Sans parti pour une patrie» sur le thème suivant : l'Assemblée constituante entre hier et demain. En effet, c'est lui qui, à cette époque, assurait le travail de coordination entre les différentes commissions chargées de la rédaction du texte de la Constitution et lui aussi qui occupera le poste de vice-président de l'Assemblée nationale constituante. Une présence dont on attendait donc un témoignage privilégié. Des éclaircissement aussi, comme sur la question de l'exclusion de la femme et des représentants des minorités du rang des candidats, ainsi que le souligne Noura Borsali, l'animatrice du débat. Ou sur celle du passage du projet de texte de Constitution tel qu'il existait en 1958 et ce que présente le texte final en 1959 : la juriste Souad Moussa, également invitée, évoquera ce point pour relever ce qui a été perdu en route en termes de libertés et de garanties en faveur d'une justice indépendante... La dérive présidentialiste, dont on a connu le visage le plus détestable à travers la dictature de Ben Ali, était déjà présente en germe au moment où le texte de la Constitution de 1959 était soumis à la rédaction finale. Le débat a permis aussi de revenir sur des questions d'actualité, relatives aux modes de scrutin qui vont devoir être définis rapidement afin d'élire les membres de l'Assemblée le 24 juillet prochain : scrutin de liste ou uninominal, à un ou deux tours... La présence d'Ahmed Ben Salah a permis d'apporter un éclairage historique sur les événements, qui est sans doute très utile dans le cadre du développement d'une culture politique nouvelle. Un éclairage personnel aussi. On aura appris en particulier que, au plus fort de la querelle entre Bourguiba et Salah Ben Youssef autour de la question de savoir s'il fallait ou non accepter les accords d'autonomie interne, Ahmed Ben Salah déclarera au partisan du refus, à savoir Ben Youssef : «Si une seule ligne de quelque texte que ce soit mentionne qu'il y aura élection d'un Parlement ou d'une Assemblée constituante, je suis prêt à l'approuver...» Prochains rendez-vous du club, le 12 mars, autour du système électoral et, le 19, sur les régimes politiques.