Quel rôle joue ou peut jouer la télémédecine en Tunisie ? Cette question mérite d'être posée lorsqu'on sait qu'actuellement la télémédecine est utilisée à des fins de diagnostic et de traitement dans plus de onze pays européens. Ces derniers ont tiré profit des nouvelles technologies de l'information et de la communication qui, en tant que support, ont révolutionné la pratique médicale par l'échange, en temps réel, de compétences et de données cliniques, évitant entre autres le déplacement des malades. Mais cette télémédecine a-t-elle sa place dans le système sanitaire tunisien ? Il faut dire qu'en Tunisie, les premières expériences ont démarré en 1996, à partir d'initiatives individuelles qui ont été conduites dans certains hôpitaux publics établissant la liaison avec des hôpitaux étrangers. La même année, le Comité technique de télémédecine est créé par arrêté du ministre de la Santé publique, suivi l'année suivante par la mise en place de plusieurs stations de télémédecine reliant les hôpitaux universitaires et régionaux, et les hôpitaux étrangers. Des sites de télémédecine ont, ensuite, été constitués dans huit centres hospitalo-universitaires dont Charles-Nicolle, La Rabta, Aziza-Othmana, cinq centres spécialisés de Tunis (Hôpital d'enfants, Salah-Azaïez…) et six hôpitaux régionaux (Le Kef, Jendouba…). Et en 1999, la Société tunisienne de télémédecine a été créée. Toutefois, malgré la volonté de vouloir intégrer la pratique de la télémédecine dans le système sanitaire, celle-ci reste faiblement utilisée dans le réseau des établissements de santé, en raison, entre autres, de l'absence d'un cadre organisationnel et juridique, du manque de collaboration entre médecins et notamment de l'absence d'une stratégie de déploiement de la télémédecine. Or, selon le Dr Aziz El Matri, président de la Société tunisienne de télémédecine et e-santé, qui a donné une communication sur «Les objectifs et les apports de la télémédecine pour le secteur de la santé en Tunisie», au cours du 1er Congrès de télémédecine qui s'est tenu récemment, le déploiement de la télémédecine en Tunisie présenterait de nombreux avantages. Elle permettrait d'assurer une meilleure accessibilité aux soins à tous les citoyens, d'améliorer la qualité des soins par le partage de l'expertise médicale, de réduire les déplacements et de raccourcir les séjours hospitaliers pour les patients. D'un autre côté, le développement de cette pratique médicale innovante se traduirait par la génération de nouvelles sources de revenus et la création de nouveaux postes d'emploi, ainsi que par l'augmentation de l'effectif des spécialistes tunisiens et d'opérateurs internationaux opérant dans la télémédecine. Afin de faciliter le déploiement et l'intégration de la télémédecine dans les diverses structures de soins et de l'entourer des meilleures conditions, l'intervenant a avancé de nombreuses recommandations dont celles d'institutionnaliser la télémédecine dans l'organisation des soins, de mettre en place un protocole et une codification des actes de télémédecine, de fixer les conditions de réglementation de la rémunération des actes de télémédecine et d'impliquer les organismes professionnels du secteur privé. Quant au Conseil national de l'Ordre des médecins, il a, par la bouche du Dr Slim Ben Salah, émis son avis sur le nouveau projet de loi en préparation, relevant que dans le cadre de la loi 21/1991, les modalités d'exercice de la télémédecine doivent être définies dans le strict respect des règles de déontologie médicale. «Le développement des TIC en médecine doit être examiné d'abord sous l'angle de l'investissement au bénéfice de la santé publique. En effet, les bénéfices de la télémédecine se traduisent par l'amélioration de l'accès aux soins, de la prévention, du maintien à domicile». Selon le Dr Ben Salah, la télémédecine ne peut être pratiquée et généralisée dans de bonnes conditions au sein du système de santé tunisien que si certains points sont clarifiés, à savoir la définition de l'acte de télémédecine et des droits du patient, l'identification des compétences nécessaires à la pratique de cet acte médical, la définition des moyens et des conditions d'organisation ainsi que celle des clauses de rémunération des médecins impliqués dans l'acte médical et l'identification des responsabilités de chacun.