A l'aube des années 1990, le théâtre de Carthage accueillait le plus grand spectacle qui y ait jamais été monté, le plus étincelant, le plus réussi, mais le plus controversé aussi… «Nouba», une création de l'audacieux — et non moins talentueux — Fadhel Jaziri, assisté, côté musique, par Samir Agrebi, a permis d'installer le mezoued, publiquement décrié par certains pour être une musique «mineure» ou de «bas-fonds», et paradoxalement prisé en privé, dans le paysage culturel national. Et c'est ainsi que les organisateurs des festivals et d'autres manifestations n'avaient plus honte d'inviter les Ben Gamra, Loucif, Lakhal… à se produire sur leurs scènes. Et si «Nouba» était une réelle constellation de stars (Lotfi Bouchnaq, Slah Mosbah, Lilia Dahmani, Fatma Turki, etc.), la vraie étoile et cheville ouvrière de cette création avait pour nom Hédi Habouba. Cet artiste, qui s'est investi corps et âme dans ce spectacle, y voyait l'apothéose de ce qu'il a toujours entrepris, à savoir changer l'image du mezoued et de ceux qui le pratiquent et en vivent. C'est, en effet, grâce à lui que les soirées mezoued ne se limitaient plus aux quartiers populaires, que les spectacles étaient donnés dans des conditions décentes (tenue identique pour tous les musiciens, sono, chaises et non plus matelas à même le sol…), que tout genre d'écart était aboli et que les «bonnes familles» n'hésitaient plus à célébrer leurs fêtes par le mezoued. Depuis «Nouba», Habouba est remonté plusieurs fois sur la scène de Carthage et sur les autres scènes de la République, mais cet été, il compte retrouver le théâtre romain avec un nouveau grand spectacle dont la mise en scène est d'ores et déjà confiée à Slim Sanhaji qui nous promet fraîcheur, effets de lumières et rythmes qui feront date. Côté musique, il y aura plusieurs airs inédits ainsi qu'une sélection de morceaux puisés dans le dernier CD de Hédi Habouba, «Al mahfal» (La fête). Ce dernier fera également participer ceux qu'il appelle les snadid, c'est-à-dire les barons du chant populaire de l'intérieur de la Tunisie, ainsi que Najha Jamal et Olfa Ben Romdhane en tant qu'invitées d'honneur qui se produiront en solo, et en duo avec lui. Il nous révélera, par ailleurs, un jeune chanteur dont il veut taire le nom pour l'instant et en qui il voit son digne successeur. En tout cas, il nous promet un méga-spectacle où, grâce aux danses, aux effets sonores et scéniques, aux cuivres et aux autres instruments qui seront introduits, il prouvera avec Slim Sanhaji que le mezoued n'est pas près de se «momifier».