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« Ben Ali était une école de corruption que j'ai dénoncée et dénigrée
Bouebdelli (alias fifty-fifty) témoigne
Publié dans La Presse de Tunisie le 17 - 03 - 2011

Ingénieur et informaticien de formation, Mohamed El Boussaïri Bouebdelli a plusieurs cordes à son arc. Il s'est toujours investi dans l'éducation avec la fameuse fondation privée qui porte son nom.
Victime du système Ben Ali qui voulait la mise à mort de toutes ses institutions éducatives, il a sorti en 2009, en France, bien avant la Révolution, en pleine chape de plomb, un livre pour dénoncer l'arbitraire et l'injustice d'un régime policier et dictatorial.
Un ouvrage au titre long, certes, mais révélateur : «Le jour où j'ai réalisé que la Tunisie n'est plus un pays de liberté». Téléchargé à plusieurs dizaines de milliers de copies depuis sa mise en ligne, le livre a été réédité, sous nos cieux, après la Révolution.
M.B. Bouebdelli a également un penchant pour la politique. Il a demandé un visa pour la création du «parti libéral maghrébin». Ingénieur, écrivain, homme politique et promoteur économique, Bouebdelli n'en est pas moins réputé pour sa fameuse rencontre avec le président déchu. Ce dernier lui a purement et simplement proposé un marché «fifty-fifty» !
Interview.
Quand avez-vous réalisé que la Tunisie n'était plus un pays de liberté ?
Le 10 mai 2007, on a reçu une lettre du ministre de l'Education nationale, M. Korbi, nous reprochant d'avoir un lycée virtuel, le lycée Louis-Pasteur, qui après deux ans de son ouverture avait des résultats de réussite de 100% avec 95% de mention au BEPC, ce qui équivaut à la 9e.
Ce lycée avait ouvert ses portes en 2005 en coopération avec l'Institut français de coopération et la Chambre franco-tunisienne pour un Bac international. Mais le ministère de tutelle a intimé l'ordre à la Fondation Bouebdelli de fermer purement et simplement le lycée Louis-Pasteur et de ne plus faire de recrutement d'élèves au titre de la prochaine année scolaire et d'orienter les élèves alors inscrits vers d'autres institutions similaires. J'ai alors réuni les 49 élèves et leurs parents et fait un discours où j'ai attaqué le régime sur l'injustice et l'arbitraire. Car la décision de fermer le lycée était destinée à favoriser — même au prix d'une illégalité — une institution éducative qui venait d'être créée à cette date, «l'Ecole internationale de Carthage» sur l'initiative de Leïla Ben Ali et Souha Arafat. Depuis, mes tracas ont commencé par la convocation à 19h00 au poste de Bouchoucha «pour attaque contre Mme Arafat» qui ne représentait alors qu'elle-même.
Quand je suis sorti du poste à 20h00, j'ai réalisé à ce moment là qu'en Tunisie un citoyen qui sort le matin n'était pas sûr de rentrer le soir chez lui.
Il faut dire que le harcèlement de l'administration à mon encontre a débuté en juin 2004 quand le conseil de classe, en application du règlement intérieur, a refusé l'inscription d'une élève en 1ère année du collège de la Fondation Bouebdelli pour insuffisance de moyenne et de niveau scolaire.
L'école «Jeanne d'Arc» a reçu de la part du ministère de l'Education une véritable sommation. Il fallait inscrire immédiatement l'élève en question sous peine de fermeture de l'ensemble de l'établissement. Devant le refus de l'école de réviser sa décision parfaitement fondée et régulière, la machine répressive s'est mise en branle: dans les 24 heures, le Tribunal de première instance de Tunis a émis l'acte de destitution de Madeleine Bouebdelli (Ndlr : son épouse), directrice de l'école, avec le retrait de l'autorisation d'ouverture de l'établissement, blocage des comptes bancaires, nomination d'un directeur administrateur issu de l'enseignement public et intrusion de la force publique dans les locaux de l'école et une campagne de dénigrement dans les journaux, alors inféodés au pouvoir. Bien sûr le nouveau directeur s'est hâté d'inscrire l'élève concerné.
Six ministères des divers organismes publics, ministères de l'Education, de l'Intérieur, de la Justice, des Finances, (déclenchement d'un contrôle fiscal «tous azimuts»), des Affaires sociales, (contrôle de la Cnss), et de l'Enseignement supérieur (menaces de représailles à l'encontre de l'Université libre de Tunis) dont je suis le président se sont ligués contre l'établissement.
Mais devant la mobilisation de 1.400 élèves, de leurs parents et de l'ensemble du corps enseignant et des soutiens de l'étranger, notamment France, USA, Canada, pays du Golfe, et d'Afrique de l'Ouest, le ministère de l'Education s'est trouvé contraint de revenir sur sa décision. Madeleine Bouebdelli a été rétablie dans ses fonctions de directrice de l'école et celle-ci a repris son fonctionnement normal dans les jours qui ont suivi. Même la décision judiciaire prise à l'encontre de l'école a été annulée.
L'objectif de tout cet acharnement juridique et moral était de s'emparer de l'emplacement de l'école pour créer un centre commercial sous la marque «Casino». Et même l'émissaire Moncef Matri, ne m'a pas convaincu d'écrire une lettre d'excuses et de louanges à Ben Ali, mais j'ai accepté à sa deuxième visite d'écrire une lettre où je sollicitais son arbitrage que j'ai terminée par : «Nous ne vous demandons ni dommages ni intérêts». Ce qui ne lui a pas plu, d'où tous les tracas évoqués plus haut et qui se sont soldés par 21 affaires, entre autres fiscales, qui sont toutes actuellement en instance de jugement.
Parlez-nous aussi de l'affaire de l'Université libre de Tunis (ULT)…
Malgré l'adoption en 2000 d'une loi autorisant et réglementant l'investissement privé dans le cadre de l'enseignement supérieur, l'ULT n'a cessé, depuis sa création, de faire l'objet de mesures arbitraires de la part du ministère de l'Enseignement supérieur: ruptures ou refus de conventions de partenariat régulièrement conclues avec les universités nationales et étrangères, refus d'octroi à l'ULT des avantages financiers et autres pourtant prévus par la loi, refus de nombreux projets de développement, refus de créer de nouveaux diplômes de cycles d'études spécialisés et de doctorat.
La dernière offensive de l'administration a été la loi du 4 août 2008 imposant un «nouveau cahier des charges» également à effet rétroactif.
Sous couvert d'une inspection approfondie du ministère de tutelle, menée en décembre 2009, dont le rapport a faussement relevé des «carences et irrégularités d'ordre administratif et pédagogique», le ministère a, en outre, pris une série de mesures injustes à l'encontre de l'ULT. Le 2 février 2010, un administrateur gérant a été nommé pour liquider l'ULT.
En fait, l'affaire de l'ULT est une affaire politique. Ce mauvais procès vise à dénier à un citoyen tunisien libre et patriote, le droit de dire la vérité à ses concitoyens.
Cela n'a pas été facile ni pour vous ni pour votre famille je suppose…
Bien entendu. Les filatures, la coupure d'Internet et de Facebook, les écoutes téléphoniques, le courrier ouvert, il y a même eu une enquête de moralité sur moi, ma femme et mes enfants. Je me suis dis que tout ça ne peut plus durer. J'ai décidé d'écrire un livre et de recourir à d'éminents spécialistes pour proposer un programme politique, car à mes yeux Ben Ali n'est pas éternel. Mon objectif étant de défendre l'individu contre l'injustice et l'arbitraire. Et je défendrai ces credos à l'Instance supérieure de la réforme politique dont je suis membre. Toutefois, j'estime que malgré tout ce que j'ai subi avec ma famille, il y a des gens qui ont payé toute cette injustice dans leur chair. Il y avait plus malheureux que nous.
Est-ce que l'ambassade de France vous a aidé ?
Non. Seul l'Institut français de coopération a continué à collaborer avec nous car nous ne faisions pas le poids face aux contrats d'achat de cinq Airbus, d'une centrale nucléaire et de quelques rames de métro. En revanche, l'ambassade américaine nous a soutenus moralement et a dû certainement agir diplomatiquement.
Tout le monde parle du fifty-fifty que vous a proposé Ben Ali, pouvez-vous nous donner davantage de précisions à ce propos ?
En 2002, j'ai été reçu par le président déchu, pour le remercier d'avoir, après un refus, accepté la création de l'Université libre de Tunis et d'avoir promulgué la loi de création des universités privées en juillet 2000. Le but de cette visite était aussi, premièrement, de solliciter l'instauration de la coopération entre le public et le privé dans ce domaine, car plusieurs étudiants nécessiteux ne pouvaient accéder à l'université privée et deuxièmement, de l'informer qu'il y avait un besoin pour la création d'une faculté privée de pharmacie, celle de Monastir ne pouvant plus satisfaire toutes les demandes.
Ce à quoi il a textuellement rétorqué : «Oui, mais fifty-fifty», en joignant le geste à la parole. J'ai encaissé tout en faisant semblant de ne rien comprendre. Car en répondant par la négative il m'aurait jeté en prison et si j'avais dit: «Oui», il se serait emparé de l'école. C'est leur procédé, vous le savez, ils entrent en partenaire au début à 50% puis s'emparent des 50% restants.
J'étais profondément choqué et dégoûté, jamais la corruption en Tunisie n'avait atteint ce niveau. Ben Ali était une école de corruption que j'ai dénoncée et dénigrée, il est vrai.
Comment cette histoire de «fifty-fifty» s'est-elle retrouvée dans les documents de WikiLeaks ?
En mai 2008, l'ambassadeur américain, M. Robert Godeck, avait organisé une table ronde sur les investisseurs partis de zéro et qui ont réussi dans les affaires. Je lui ai parlé, en aparté, du livre que j'étais en train d'écrire et j'ai sollicité un rendez-vous. Il a accepté, c'est là que je je lui ai parlé de l'histoire du fifty-fifty et du système Ben Ali en général, et d'autres affaires de sérail: Leïla Ben Ali qui voulait marier sa nièce à Cheikh Maktoum et Souha Arafat qui a vendu la mèche à la Reine Rania de Jordanie, Cheikh Maktoum étant marié à la demi-sœur du Roi Abdallah.
Bref, je lui ai donné le manuscrit du livre que j'ai écrit tout en demandant la protection pour moi et ma famille. Le 4 juillet 2008, lors de la fête nationale américaine, l'ambassadeur américain avait dit à ma femme: «Vous avez un mari courageux», et se tournant vers moi il m'a affirmé‑: «Vous avez tout mon soutien».
La Suisse et la Communauté européenne m'ont également offert leur soutien.
Le livre est enfin sorti le 25 septembre 2009 en France, je pensais, en rentrant le 22 octobre 2009 à Tunis, que j'allais être arrêté car j'avais dénoncé le système Ben Ali en écrivant à tous les sénateurs et députés français, suisses, belges et européens, et le livre ayant été téléchargé à plusieurs dizaines de milliers de copies sur Internet, mais je n'ai été que fouillé. J'ai dit aux douaniers: «Si vous cherchez le livre il est dans ma tête».
En lisant WikiLeaks après, Ben Ali s'est écrié: «Je vais le tuer, le salaud».
Avez-vous été reçu aux Etats-Unis ?
Oui, en 2010 Human Rights Watch (HRW) a organisé une conférence de presse à Washington, j'ai rencontré, alors, trois collaborateurs de Mme Clinton ainsi que M. Godeck qui n'était plus ambassadeur en Tunisie. J'ai été également reçu par des sénateurs et des parlementaires républicains et démocrates et l'un des directeurs du Conseil national de sécurité. Tous étaient sidérés car en Amérique, toucher à un investisseur est très grave. Ils ont tous envoyé une lettre à Ben Ali, où ils y expriment leur soutien à ma cause et dénoncent «la fermeture d'une institution éducative en raison d'une opinion politique».
A mon retour en Tunisie, j'ai été invité par la brigade criminelle de Gorjani pour la déclaration que j'avais faite à El Jazeera. J'ai reconnu, mais je n'ai rien signé et j'ai menacé que si j'étais arrêté le monde entier le saura car ma famille a préparé des mails d'information pour les médias et les personnalités de par le monde.
Vous êtes un éducateur qui s'est toujours investi dans l'éducation, maintenant vous vous intéressez à la politique. Quelles en sont les raisons ?
J'étais, dans les années 60, secrétaire général de la cellule destourienne Farhat-Hached à Paris VIII, j'ai adhéré en 1978 au MDS (Mouvement des démocrates socialistes). Quand Ben Ali a sifflé la fin de la récréation pour tous les vrais partis et qu'il n'a permis que les partis de décor, je me suis entièremnet dévoué à l'éducation où, avec ma femme, j'ai mis beaucoup d'amour à faire ce métier et à contribuer à former plusieurs générations qui font maintenant partie de l'élite du pays.
Depuis 2004, avec le commencement de mes tracas, je me suis mis en tête de faire de la politique, car j'ai toujours rêvé d'une Tunisie libre et démocratique, un Etat de droit dont jouiraient tous mes petits-enfants.
J'ai donc déposé une demande pour un parti de centre droit : «Le parti libéral maghrébin» qui prône les libertés, l'éducation, le développement rural, la participation des jeunes et des Tunisiens à l'étranger dans la vie politique, la construction du Maghreb, etc.
Avez-vous eu le visa pour votre parti ?
Je viens d'apprendre qu'il m'a été refusé parce que je suis un binational, j'ai aussi la nationalité française. Je compte lancer un site pour sensibiliser tous les Tunisiens à l'étranger à ce problème qui les exclut de la vie politique.
Je compte aussi sensibiliser l'Instance supérieure de la réforme politique pour trouver une solution à ce problème.


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