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Jean Ferrat : engagé, irréductible et sincère
Poète et parolier pour l'éternité
Publié dans La Presse de Tunisie le 18 - 03 - 2010


La vie d'étudiant nous a rapprochés dans les années soixante-dix de tous ces hommes de culture, ces philosophes, ces humanistes, ces poètes, ces chanteurs engagés. Les idées de gauche nous emballaient et la France, terre de culture et de liberté, nous ouvrait les bras. Au cinéma, Costa Gavras et Yves Montand nous offraient L'aveu, Z, Etat de siège et quelques rêves de justice. Joan Baez, Cat Stevens et Léonard Cohen nous ensorcelaient. Quant à Georges Marchais et François Mitterrand, ils préparaient «l'union de la gauche», une stratégie électorale bien plus qu'un amour profond. En ce temps-là, la voix grave de Jean Ferrat chantait Aragon : Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant Que cette heure arrêtée au cadran de la montre Que serais-je sans toi que ce balbutiement… Samedi dernier, il était 13h30, l'annonce de la mort du poète-compositeur a secoué nos souvenirs parfois flous, quelquefois poussiéreux mais jamais oubliés. Jean Ferrat, tout comme Jacques Brel et Léo Ferré, accompagnait nos nuits de solitude et nos soirées glaciales lorsque la neige et le froid nous condamnaient à être casaniers. Il avait le don de réchauffer les cœurs en chantant l'amour et de réveiller les esprits en refusant de travestir ses idées de gauche ou de les brader. Jean Ferrat était communiste mais n'avait jamais eu la carte du parti. Plutôt sympathisant, tenait-il à préciser. Mais cela ne l'empêcha pas de se révolter contre les Russes lorsque leurs chars envahirent Prague en 1968 et de prendre ses distances avec Moscou. Il écrit alors une chanson mémorable : Camarades où il dénonça avec violence cette invasion, alors que le parti communiste français n'avait pas condamné. Sa vie  La vie du jeune Jean Tenenbaum, né le 26 décembre 1930, ne fut pas rose dans son humble famille juive émigrée de Russie, car le bonheur familial était rompu par la déportation de son père. Il avait onze ans quand celui-ci mourut à Auschwitz en 1942. Lui aussi a failli être déporté mais fut sauvé par des communistes qui l'avaient caché. Il n'oubliera jamais cet épisode. Il dénoncera cela plus tard dans une chanson : Nuit et brouillard. A 15 ans, il quitta le lycée pour aider sa famille financièrement. Il arriva quand même à commencer des études de chimie et devint aide chimiste. En 1950, il rejoignit une troupe de théâtre mais son amour resta fort pour la chanson. Il joua de la guitare dans un groupe de jazz et commença à composer quelques chansons. En 1956, il mit en musique un poème de Louis Aragon: Les yeux d'Elsa. En 1958, premier 45 tours sans succès mais en 1961, il sortit son premier 33 tours et reçut le prix Sacem. Souvent censuré par les radios et les télés, Jean Ferrat accusait le système commercial «qui fait passer les considérations financières avant l'art des artistes créatifs». Il publia même des lettres ouvertes aux différents acteurs de la vie culturelle pour dénoncer une programmation basée sur les intérêts au détriment de la création musicale et poétique. Marié à Christine Sèvres, morte en 1981, à 50 ans, il chanta en duo avec elle : La matinée. Son œuvre  Jean Ferrat était un auteur prolifique et discret (deux cents chansons). Il connut un immense succès, même si les radios l'avaient quelque peu ignoré. Ses textes subtils et imagés passent un message fort aujourd'hui encore. Dès ses débuts, il avait deux engagements : l'engagement social et la poésie. Il a toujours défendu les simples gens. Il fustigeait les guerres coloniales dans Un air de liberté et ne s'empêcha pas d'attaquer Jean d'Ormesson, académicien et éditorialiste du Figaro, ce qui suscita une longue polémique. Dans sa chanson Un jeune, il se moqua des jeunes militants du parti de Giscard d'Estaing lorsqu'il fut élu Président de la République. Son amitié avec Isabelle Aubret était forte ; il lui offrit une belle chanson: Deux enfants au soleil. Quant à Daniel Guichard, le cadeau fut Mon vieux (1974), dédié à son père où il disait notamment : Dans son pardessus râpé Il s'en allait l'hiver, l'été Dans le petit matin frileux, Mon vieux… Et il termine ainsi : Maintenant qu'il est loin d'ici En pensant à tout ça j'me dis «J'aimerais bien qu'il soit près de moi, Papa…» Le chanteur déclara dernièrement  : «Jean Ferrat, c'est le respect des gens, une façon discrète d'être là!». La mort de Ferrat est ressentie comme «un pan entier de la musique française qui vient de s'écrouler». Cet artiste avait le sens de l'humanisme et était militant grâce à sa poésie et à ses choix de chansons même quand le texte n'était pas de son cru. On lit un peu partout : «le Parti Communiste Français perd sa plus belle voix  !» En effet, à toutes les fêtes de l'Humanité, Ferrat était présent. En 2004, alors qu'il s'était retiré de la vie publique depuis longtemps, on le suppliait de chanter «les cerisiers», il y disait  : «Je n'ai pas voulu retourner ma veste ni me résigner». Sa puissante voix n'avait pas changé et son timbre particulier n'avait rien perdu. Parmi les chansons qui restent en mémoire: Potemkine: M'en voudrez-vous beaucoup si je vous dis un monde Qui chante au fond de moi au bruit de l'océan M'en voudrez-vous beaucoup si la révolte gronde Dans ce nom que je dis au vent des quatre vents Ma mémoire chante en sourdine, …Potemkine! Rappelons simplement que le cuirassé Potemkine etait devenu célèbre dans l'histoire grâce à la mutinerie de 1905 où il y a eu massacre des insurgés ; cet évènement était vu comme étant précurseur de la révolution d'octobre 1917. Et Ferrat de poursuivre, en montrant clairement son combat et son engagement: M'en voudrez-vous beaucoup si je vous dis un monde Où celui qui a faim va être fusillé Le crime se prépare et la mer est profonde Que face aux révoltés montent les fusiliers C'est mon frère qu'on assassine, …Potemkine! Evidemment, on ne peut évoquer Jean Ferrat sans penser au poète et militant Louis Aragon. Il faut savoir qu'après un long silence, l'artiste est revenu sur sa décision d'arrêter de chanter, en sortant, en 1994, un album où il chante Aragon. Les idées de l'un et de l'autre sont si proches que quelques fois on a du mal à les distinguer. Nous consacrerons un jour cette rubrique à ce grand poète que la musique de Ferrat à rendu si près des cœurs. Peut-on oublier le texte qui suit quand la voix de Ferrat devient encore plus pure, encore plus touchante : Aimer à perdre la raison Aimer à ne savoir que dire A n'avoir que toi d'horizon Et ne connaître de saison Que par la douleur du partir Aimer à perdre la raison!... Jean Ferrat à 79 ans est aujourd'hui enterré en Ardèche, une région où il a aimé vivre et à laquelle il a dédié une chanson mémorable : Que la montagne est belle  !. Avec la disparition de cet homme artiste jusqu'au fond de l'âme et militant irréductible des causes humanitaires, antimilitaristes et anticoloniales, fidèle à Aragon, à Pablo Neruda et, aussi, à ses amis, fussent-ils sans prétention comme Sacré Félicien!(1970), nous regrettons que de nos jours la chanson engagée ne tente plus les chanteurs ni même quelques fois les poètes. Sommes-nous condamnés de nos jours, devant les injustices du monde et les nouvelles tares de nos sociétés à détourner le regard ? Quel dommage pour l'humanité dans son ensemble de se résigner devant tant de mal.

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