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Une histoire de fusil à l'ère de Ben Ali
Torture et dictature
Publié dans La Presse de Tunisie le 22 - 03 - 2011


Par Khalil ZAMITI
«La torture ne s'analyse pas; elle se refuse». Ainsi débutait l'un de mes papiers publiés contre l'ignominie des monstres déchaînés. A l'interface des perspectives individuelle et collective, l'institution de la dictature pactise avec l'application de la torture sous la bannière de la censure. Au plan théorique, le champ personnel et le monde social exhibent les deux faces d'une même réalité globale. Pour cette raison, les ordonnateurs, les contrôleurs et les robots de l'horreur appréhendent les réactions ultérieures. De là provient l'omniprésence de la surveillance, l'omnipotence de la police politique et l'hypertrophie, légendaire, des pratiques sécuritaires. Dans cette ambiance délétère, les tueurs de l'honneur affichent l'insouciance, brandissent l'arrogance et cachent leur peur. Un témoignage, crucial, illustre l'occultation de la crainte viscérale derrière les outrances des allures triomphales.
Propriétaire d'une ferme héritée de son père, dans le zaghouanais, familier du gouverneur, inscrit au parti, notable parmi les notables, Abdelkader Dalachi, mon cousin germain, me chuchote ceci, au mariage de son fils : «J'étais à l'étage et j'entends crisser les pneus sur le gravier. Par la fenêtre, j'aperçois la voiture de la Garde nationale et j'ai pensé à une invitation venue du gouverneur. Confus, le gradé s'excuse avant de m'expliquer la situation. Demain, le président Ben Ali rend visite au gouvernorat et je dois remettre mon fusil de chasse, comme tout le monde. Il me sera rendu après le départ du président. Il faut être fou. Cela ne m'est jamais arrivé au temps de Bourguiba». Poussées jusqu'à l'obsession quasi psychopathologique, ces précautions du führer satanique payait le salaire de la peur-panique. Dès l'instant où le tortionnaire quitte son repaire d'archi-millionnaire, sur nos têtes vrombit l'hélicoptère. Tous les trois cents mètres, un policier guette, sur terre, quand le tyran délaisse le ciel et préfère le convoi présidentiel. Averti, Ben Ali savait à quel point il était honni. Adepte, malgré lui, des grands classiques, il applique ce conseil machiavélique: «La nature des peuples est changeante et il est aisé de les persuader d'une chose, mais difficile de les garder dans cette persuasion. Aussi faut-il y donner si bon ordre que lorsqu'ils ne croient plus, on leur puisse faire croire par la force». Jolie mentalité ! L'usurpateur cultivait l'art de la protection rapprochée. Son entourage parental et médiatique le savait, cet homme, dévoyé, vivait stressé. A quoi sert tout l'or accumulé aux dépens des citoyens spoliés, eu égard à cette vie sans qualité ?
Avec dix-sept compagnons, avocats et universitaires, j'avais eu l'occasion de parapher une pétition. La protestation dénonçait la torture, infligée, pour quelques-uns, jusqu'à la mort, aux islamistes opposés à l'homme fort. Avant ma comparution devant le juge d'instruction, et ma défense par Mansour Cheffi, Néjib Chebbi, et Sassi Ben Halima, entre autres gens au-dessus de tout soupçon, le chef du poste khaldounien m'avait confisqué mon fusil sans commentaire, ni récépissés, ni préavis. En bonne et due forme, les permis d'achat, de port d'arme et de chasse n'ont guère servi. Pourtant, au vu des codifications instituées en matière de propriété privée, rien ne distingue mon fusil, bien-aimé, de mes souliers. Mais pour les tenants du système totalitaire, il s'agissait d'écraser toute prétention à la dignité fondatrice de la citoyenneté. L'arbitraire faisait partie de l'infernale panoplie. La dictature n'est pas qu'un mot; elle coule d'une source libérée par les salauds. Inféodé au bon vouloir du palais, le juge édifie sa prestation sur trois chefs d'accusation, l'outrage à un corps constitué, la diffusion de fausses nouvelles et la réunion illégale. Cela mérite cinq ans, au total. Le censé veiller au respect des lois me demande : «Pourquoi je salis, avec mes compagnons, l'image de la nation ?» Terrifié, au-dedans et professoral, au dehors, je lui réponds, sans façon : «L'image de la Tunisie est salie par celui qui torture et non par celui qui dénonce la torture».
La deuxième question fut : «Comment, vous, des gens instruits, osez enfreindre le droit ?» Dans ma réponse j'explique la différence introduite par l'évolution des mœurs entre le droit écrit et le droit réfléchi. A certains moments, j'ai cru subodorer chez cet homme voué, d'une part à sa conviction, et de l'autre, à sa corvée, une certaine complicité. Néanmoins, le soir, ma tension artérielle bondit de quatorze à dix-neuf et demi sous le regard, ébahi, du médecin Rim Horchani. Informés, des collègues, Pierre Bourdien, Andrée Michel, Jacques Berque, Maxime Rodinson, Pierre George, Paul Vieille et Jean Ziegler adressèrent, chacun son télégramme, pour intervenir, en ma faveur, auprès du dictateur. Jusqu'au départ, dérisoire, du fuyard, mes réclamations pour avoir de quoi importuner un canard ou un pigeon butèrent sur le mur du non. Par son audace héroïque, Mohamed Bouazizi a mis le feu aux poudres de la révolution démocratique. Durant trois décennies, avant ce geste magnifique, Néjib Chebbi figura au premier rang des partisans affairés à préparer la poudrière allumée par l'indomptable Bouazizi.
Les témoins sont là, nombreux, pour infliger un démenti aux envieux. Le ton de l'analyse et le temps de la reconstruction n'ont que faire des fausses accusations. Face aux insinuations timorées, seuls exultent les nostalgiques du régime tyrannique. A ce pain empoisonné, les épris de liberté ne goûteront jamais. Pour ne citer que ceux-là, parmi tant d'autres, Sihem Ben Sédrine, Radhia Nasraoui, Maya Jribi, Bochra Bel Haj Ahmida, Souhaïr Bel Hassen, Hamma Hammami, Mustapha Ben Jaâfar, Sadok Marzouki, Tayeb Baccouche, Mokhtar Trifi, Khmaïs Chammari, Gilbert Naccache, Rached Ghannouchi, Serge Adda, Salah Zeghidi, Rchid Khechana, Taoufik Ben Brik, Tahar Chagrouch, Moncef Chebbi, Mustapha Ben Tarjem, Noureddine Ben Kheder, Ahmed Smaoui ou Mohamed Charfi apportèrent leur pierre à l'édifice contestataire avec Néjib Chebbi, homme de loi, d'éloquence, d'intelligence, de courage et de bonne foi. Ses grèves de la faim, au milieu de fiers copains, ébranlèrent le trône du philistin et contribuèrent à frayer le droit chemin. Dans ces conditions plurielles, ni l'autoflagellation des uns, ni l'autosatisfaction des autres ne sauvegardent le sens du réel. Aujourd'hui encore, l'opposition d'une Koubba huppée à une Kasbah déshéritée suppute l'hostilité là où fleurit la complémentarité. Une fois retenue, l'option afférente à l'Assemblée constituante, la priorité revenait au labeur dans la sécurité retrouvée. Dès lors, où commence «la majorité silencieuse» et où finit la minorité tapageuse ? Maintenant, quarante-cinq partis, pour un si petit pays, devenu si grand, vouent leur insoutenable subdivision à d'inéluctables coalitions.
Capitalisme, socialisme, panachage, islamisme et laïcisme ne semblent guère favoriser, outre mesure, un tel multipartisme. Une fois levée la chape de plomb, partout fuse l'aspiration à une libre expression au nom de la révolution.
Par ce biais, aussi, tombe la cloison arguée entre l'individu et la société. N'en déplaise à Pascal, ce génie englué dans sa mauvaise conscience religieuse, voilà pourquoi «le moi» n'est plus «haïssable».
Biographie et autobiographie campent, aujourd'hui, parmi les techniques de recherche déployées dans le domaine des sciences humaines.


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