Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.
“Que ceux qui ont pris le train de la Révolution en marche se remettent au travail, d'abord pour le garder et, ensuite, pour en donner à ceux qui n'en ont pas” Interview - Dr Saadeddine Zmerli, ex-président de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme
• Hédi Baccouche, hier, silencieux, découvre les plaisirs d'une liberté de parole… Comme, d'ailleurs, Mohamed Sayah • J'ai été surpris par les contre-vérités de Mohamed Sayah à propos des milices. C'est lui qui a initié, en France, en 1965, la milice estudiantine Ex-président de la Ligue Tunisienne de Défense des Droits de l'Homme(LTDH), Dr Saadeddine Zmerli nous analyse ici la situation qui prévaut dans le pays, les retombées de la révolution du 14 janvier 2011 et réagit aux récentes déclarations de Hédi Baccouche et Mohamed Sayah et évoque son bref passage à la tête du ministère de la Santé Publique sous le régime de Ben Ali. Interview. Le Temps : Comment jugez-vous la situation actuelle ? Dr.Saadeddine Zmerli : Dans un article récent j'ai essayé de définir la pluralité des grèves observées et proposé des solutions qui puissent permettre aux travailleurs de faire connaître leurs doléances sans interrompre leur travail seul créateur de richesses. L'arrêt complet des vols de Tunis Air ne manque pas de surprendre par sa prolongation. Les voyageurs tunisiens pris en otage commencent à manifester leur mécontentement, quant aux touristes, ils grossissent pour chaque jour de grève les 40% de ceux qui ont changé leur destination touristique vers notre pays. C'est une catastrophe économique annoncée. Le problème actuel est de procurer des emplois à ceux qui ont déclenché la Révolution. Cette révolution est avant tout celle des laissés pour compte que le 2626 aurait dû aider à sortir de la misère et à vivre une vie décente, celle de jeunes chômeurs diplômés et du premier d'entre eux Mohamed Bouazizi dont le sacrifice a permis l'avènement de la liberté. Comment procurer des emplois à ces jeunes ? C'est le problème que gouvernement, syndicalistes et associations essaient de résoudre. Il sera facilité si tous ceux qui ont pris le train en marche reprennent leur travail et le fassent d'abord pour eux-mêmes, pour le garder, et ensuite pour en donner à ceux qui n'en n'ont pas. Quelles sont d'après vous les retombées de la révolution du 14 janvier ? Les conséquences de la grandiose manifestation populaire du vendredi béni du 14 janvier 2011 c'est d'abord la chute de l'ancien Président, la chute d'un régime personnel et prédateur et ensuite la liberté d'expression qui s'est imposée d'un coup. L'établissement d'un régime démocratique, pluraliste, laïc et indépendant fondé sur les Droits de l'Homme et les Libertés est notre conviction et notre espérance. Nous y veillerons et sollicitons la participation de tous pour l'établir dans la réalité. Cette révolution populaire et pacifique qui a réussi à renverser un régime tyrannique, solidement implanté mérite le qualificatif d'exemplaire La Tunisie s'était déjà distinguée en 1861 en proclamant une Constitution, une première dans le monde arabo-musulman, et le Pacte fondamental, véritable Déclaration des Droits de l'Homme. Quant à la liberté de parole elle s'est imposée en un jour dans la réalité quotidienne Quelle victoire d'autant qu'elle ne peut être qu'irréversible. Nous, militants des Droits de l'Homme, n'avions cessé de revendiquer cette liberté essentielle, en vain. Fondement essentiel des Droits de l'Homme, cette liberté favorisera la mise en œuvre de la démocratie. En effet il n'y a pas de démocratie sans liberté d'expression. Les deux valeurs sont indissociables. Vous avez passé dix mois au Ministère de la santé en 1988-1989 quellles sont les raisons de votre départ ? En acceptant en 1988 après la déclaration du 7 novembre que je croyais une ouverture vers la démocratie, de diriger le Ministère de la Santé, je pensais apporter ma contribution à l'amélioration d'un secteur de l'Etat que je connaissais bien. Malheureusement je n'avais pas imaginé ce qui a guidé la gouvernance de Hédi Baccouche dès le début il a entravé la bonne marche du ministère de la Santé en confisquant avec la complicité de Abdallah Kallal et de Mohamed Gueddiche, malgré toutes mes réserves, le nouvel Hôpital Habib Thameur, au profit des militaires. Pour plaire à qui ? Il a ainsi privé les patients de la banlieue sud, si populeuse de leur hôpital traditionnel et favorisé l'intérêt particulier aux dépens de l'intérêt général Ensuite il s'est opposé à certaines de mes initiatives et notamment au programme de santé du ministère.qui avait fait l'objet de deux conseils ministériels, sans résultats. Il a ainsi participé à mon départ que je souhaitais vivement, conscient de l'indifférence de nos responsables aux problèmes de la Santé. M. Hedi Baccouche s'est vanté d'être l'auteur de la Déclaration du 7 novembre. Qu'en pensez-vous ? Hedi Baccouche hier silencieux, découvre les plaisirs d'une liberté de parole comme d'ailleurs Mohamed Sayah,. Hedi Baccouche se déclare l'auteur de la Déclaration du 7 novembre. Je le crois bien volontiers, mais paradoxalement il ne s'en est jamais attribué la paternité pendant son passage au Premier ministère. Je ne l'ai entendu ni en parler ni la défendre. Il eut été préférable pour lui de se taire à jamais. Quelle image nous donne-t-il aujourd'hui de lui-même ? Sa première erreur est de l'avoir collée à Ben Ali dont il connaissait parfaitement le niveau d'études et le déroulement de la carrière. Il savait en effet que Ben Ali avait été renvoyé du collège en 3ème année après avoir redoublé deux fois. Il a néanmoins usé de son influence auprès de la cellule d'Hammam Sousse pour qu'il parte en France. Il a été autorisé à ne passer que six mois à l'école militaire interarmes en Bretagne et six mois à l'école d'application de l'artillerie à Châlons-sur-Marne Il en est revenu avec une formation minime en regard de la formation qu'ont reçue les bacheliers tunisiens inscrits à Saint Cyr au même titre que les élèves français. Malgré son niveau faible et son manque d'expérience, Il est rapidement nommé à la tête du service de Sécurité militaire, après avoir épousé la fille du Commandant Mohamed El Kéfi .On connaît la suite. Une confiscation du pouvoir pendant 23 ans grâce à Hédi Baccouche ! La deuxième erreur est son mutisme coupable dès qu'il a réalisé que les objectifs de « sa Déclaration » étaient lettre morte. La peur aurait guidé ses pas ? Est-ce le moment quand on est un ancien responsable politique d'étaler un passé que nul ne renie mais qui n'était qu'un devoir vis-à-vis de son pays ni plus ni moins que celui du paysan qui a passé sa vie à cultiver la terre. Comment expliquer son verbe aujourd'hui prolixe et son mutisme d'hier qu'il qualifie de silence de la peur, Risquait-il la prison, la torture ou la visite des contrôleurs financiers en démissionnant des instances du parti, en quittant le comité central, en refusant de siéger à cette Chambre fantoche des représentants, de se rendre aux invitations de la « cour » ? Il aurait pu souligner le courage de ces citoyens, qui ont osé affronter le régime et ont subi la contrainte, les menaces et parfois la prison et la torture. C'est cette jeune génération qui va aider aujourd'hui à la consolidation de la Démocratie et des Libertés que les anciens n'ont pas su lui donner. Il nous appartient de lui apporter notre soutien vigilant. Et Mohamed Sayah ? J'ai été surpris de l'entendre applaudir la liberté d'expression. Ses responsabilités politiques auraient pu lui permettre d'encourager les libertés d'expression auxquelles il semble tant tenir aujourd'hui. Quel courage d'avoir laissé le président Bourguiba « son père spirituel » dans l'ignorance des inqualifiables réalités que vivait son peuple et dans l'ignorance de la personnalité de Ben Ali bien connue de son collègue Hédi Baccouche que cet homme fatigué et diminué se préparait à nommer Premier ministre donc son futur successeur ! J'ai été surpris par les contre vérités de Mohamed Sayah à propos des milices. C'est lui qui a initié en France, en 1965 la milice estudiantine chargée de mettre au pas les étudiants récalcitrants, prélude de la milice du parti, sa création également, alors qu'il était directeur du parti, cette milice délicatement formée pour frapper, torturer, celle-là même qui a enlevé en 1968 Zouhair Essafi, libéré après 48 heures par l'intervention de Beji Caïd Essebsi qui a menacé Sayah de faire intervenir la police régulière. Zouhair Essafi'était un homme qui défendait les causes justes et n'avait pas attendu la révolution tunisienne pour parler haut et fort. Interview réalisée par Néjib SASSI