Ou comment une protestation sportive se transforme en protestation plus large On attendait avec beaucoup de curiosité le sit- in annoncé à cor et à cri par une frange de supporters devant le local de la JSK. Mais la montagne a accouché d'une souris et on dut rapidement déchanter aussi bien sur le plan du message à faire passer que celui de la portée de ce mouvement de foule. En effet, alors qu'on s'attendait à un rassemblement imposant et à une grande mobilisation, on eut droit à une brève apparition de près d'une cinquantaine de supporters, pour la plupart d'anciens joueurs-entraîneurs des jeunes et membres des précédents comités des supporters, tous mécontents d'être ignorés par le bureau directeur actuel de la JSK. Ou encore des parents de jeunes joueurs déçus de ne pas voir leurs progénitures figurer parmi les titulaires et profiter des avantages accordés à l'élite du centre de formation de la JSK. Certains brandissaient des pancartes portant l'écriteau «Dégage…» à l'adresse du président du club Fateh Alouini, du directeur sportif et administratif Adbelhamid Kilani, du directeur technique du centre de formation de la JSK , Othman Chehaibi, et du président de section des jeunes catégories, Hamadi Mâaloul. D'autres scandaient des propos hostiles aux membres du bureau, les accusant en bloc de tous les torts et exigeant leur départ, ni plus ni moins. D'autres encore ont fait quelques déclarations intempestives à une chaîne TV, venue recueillir à chaud les réactions des protestataires. Quand d'autres jeunes s'en mêlent Tout s'est déroulé normalement quand, soudain, d'autres jeunes se réclamant de l'Association de protection de la Révolution se mêlèrent à la foule, prenant tout le monde à partie : les auteurs du rassemblement de protestation contre le bureau directeur de la JSK et l'équipe de télévision dépêchée sur les lieux pour couvrir l'événement sportif, arguant du fait qu'à Kairouan il y a des problèmes beaucoup plus importants et plus graves que le règlement de comptes — fortement médiatisé — entre les dirigeants d'une association sportive et des soi- disant supporters qui n'avaient aucune légitimité pour entreprendre une telle action et aucune envergure pour obtenir des résultats probants. Pour en savoir plus, nous avons posé la question à quelques-uns des jeunes protestataires des deux camps qui n'ont pas mâché leurs mots. Tel ce jeune supporter dénommé Abdelfattah Mkadmi qui reprochait au bureau directeur les recrutements abusifs et coûteux de certains joueurs qui n'ont rien donné jusque-là à l'équipe fanion et qui taisaient même de graves blessures ou de mauvaises intentions, tels Rouatbi, Tayeb, Bouzidi, Yousfi, Derbali et l'Algérien Ben Chérifa, entre autres. Ou alors ce père d'un jeune joueur du nom de M. Sahbi Lâabidi qui reprochait, quant à lui, aux responsables et entraîneurs des jeunes leur favoritisme et leur attitude du «deux poids deux mesures» en matière d'équipement, de prise en charge et de titularisation. Dans l'autre camp, la jeune diplômée du supérieur, encore au chômage, dénommée Afef Bouthemna, n'a pas été tendre avec les auteurs de cette action, répétant à satiété que ce n'était pas du tout le moment alors que sous d'autres cieux, des jeunes faisaient la grève de la faim en quête d'une vie décente. Rappelant qu'à Kairouan il y a d'autres priorités ayant trait au chômage, à l'insécurité et au développement. Un jeune étudiant en 6e Année architecture, du nom d'Ayoub Jlassi, a dénoncé haut et fort la marginalisation de Kairouan et de ses jeunes en matière de recrutements, de création d'emplois et de reprise économique insistant sur le retard accusé au niveau de l'assainissement des postes administratifs et de l'appel des jeunes à la participation active dans les lieux de décision. Voilà donc comment tourne un sit-in sportif. C'est dans l'air de la révolution.