Par Khedija EL MADANI* La réponse ne peut être que négative si l'on se base sur le paysage médiatique ou sur la composition de la haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, des réformes politiques et de la transition démocratique ou bien sur celle du gouvernement et des autres sphères étatiques supérieures. En effet, au plan médiatique, la femme est quasi-absente des débats organisés à longueur d'antenne par les chaînes de télévision tunisiennes, tant publiques que privées, et cela, quel que soit le sujet débattu. Quant aux membres de la haute commission, leur écrasante majorité appartient au sexe masculin. A peine deux ministres et une secrétaire d'Etat, si je ne m'abuse, dans le gouvernement. Aucune au poste de gouverneur, voire de déléguée. En ce qui concerne les partis politiques, de l'extrême droite à l'extrême gauche, pas de femme aux instances dirigeantes sauf à dose infinitésimale. Idem pour les grandes organisations nationales. Quid ? L'Institut national des statistiques serait-il en porte à faux et nous fournirait-il des données erronées tant sur le pourcentage des femmes par rapport à l'ensemble de la population tunisienne que sur le nombre des femmes diplômées du supérieur, qui dépasse celui des hommes‑? Ce serait la seule explication logique à cette absence féminine flagrante au niveau national, tous secteurs confondus. Mais, si tel n'est pas le cas, cela voudrait dire ou bien que l'on n'ait tout simplement pas considéré la participation des femmes à la vie publique et à la construction de l'avenir du pays chose nécessaire ou bien que l'on ait sciemment et délibérément écarté les femmes de l'échiquier politique. Et, dans les deux cas, cela n'honore pas la Tunisie du 14 janvier et se situe aux antipodes du but de la révolution qui est d'instaurer l'égalité des chances entre tous les citoyens (ce pluriel masculin résultant simplement de l'application d'une règle de syntaxe misogyne sans aucune connotation exclusive). Le plus grave est que, devant l'ampleur des critiques à l'encontre du déséquilibre patent qui caractérise la composition de la haute instance, son porte-parole, ou, en tout cas, une personne, évidemment de sexe masculin, parlant en son nom, il y a deux jours, a reconnu la justesse de ces critiques et assuré que le nécessaire sera fait pour corriger le tir de façon à assurer la participation des catégories oubliées. Ouf ! me suis-je dit, il était temps que l'on se rappelle que la Tunisie de Bourguiba regorgeait de compétences féminines. Hélas, mon soulagement fut de courte durée puisqu'il ne s'agissait que de combler l'absence indue des jeunes et des régions, ce qui est normal, mais pas un mot sur les femmes, ce qui est anormal. Est-ce à dire que les réformes politiques ne concernent pas les femmes‑? que les exclure du débat et ne pas en tenir compte va dans le sens de la transition démocratique‑? En un mot comme en cent, que les choses sérieuses sont le pré carré des hommes et qu'y mêler les femmes serait aléatoire, voire incongru‑? Est-ce ainsi, Messieurs, que vous montrez votre sens révolutionnaire‑? Certainement pas. Cela ne peut être, cela ne doit pas être. Alors, s'il vous plaît, reprenez vos esprits, retrouvez votre bon sens, tout simplement: quelle démocratie pouvez-vous assurer si, dès le départ, vous faites fi de la moitié du peuple tunisien‑? C'est le moment où jamais d'utiliser toutes les compétences et d'assurer la participation égale de tous à la préparation de la société que nous voulons‑: démocratique et égalitaire. Aussi je lance un appel aux femmes de mon pays afin qu'elles réclament haut et fort qu'elles ont leur mot à dire sur les orientations et sur les stratégies à mettre en place et qu'elles doivent, obligatoirement, s'impliquer dans la vie publique et se positionner par rapport aux enjeux en place. J'en appelle également aux hommes, bien évidemment, car la non-participation des femmes n'est pas le problème des femmes uniquement mais aussi celui des hommes, en tout cas de ceux qui portent les valeurs démocratiques et qui savent pertinemment que la non-participation des femmes aux choix politiques constitue un déni de leur citoyenneté, tout simplement, surtout en ce moment crucial où les acquis de la Tunisie moderne sont remis en cause par certains.