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« Les femmes, des actrices sociales importantes de la révolution »
Interview - Mme Lilia Laâbidi, ministre des Affaires de la femme à La Presse
Publié dans La Presse de Tunisie le 11 - 03 - 2011

• Aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus éduquées, cela doit donc se traduire dans la législation
Comment évaluez-vous le rôle des femmes dans la révolution ?
Ce qui est très intéressant quand on observe cette révolution, c'est que la dimension femme était très présente dès le départ avec un sens politique dans l'action et les revendications.
Dans le mouvement révolutionnaire, il y avait plusieurs images de femmes qui sont reprises, actuellement, comme des symboles et des icônes de la révolution, ce qui représente là un formidable acquis. J'entends par là que leur participation leur donne le droit de se constituer partie prenante du débat politique au cours de cette période de transition et dans la formation des institutions qui vont découler des élections. Cependant, on constate que des comportements quelque peu frileux ne mettent pas en avant cette participation et ce rôle.
Les femmes sont absentes des débats tant à la radio qu'à la télévision. Elles ne sont sollicitées, le plus souvent, que pour faire des témoignages, mais non pas comme figures politiques et analystes. Ce qui est en fait une régression par rapport aux images de la révolution et à la présence des femmes dans les diverses manifestations.
Vous êtes seulement deux femmes ministres sur 31 membres du gouvernement, on est bien loin de la parité, n'est-ce pas ?
Tout à fait. Disons que dans le gouvernement de Ghannouchi, nous étions trois, maintenant nous sommes deux, avec deux portefeuilles assez importants. Et avec le maintien du ministère des Affaires de la femme, je pense que ce nombre limité s'explique par l'urgence des décisions qui étaient à prendre, mais aussi par le fait que les femmes n'avaient pas été suffisamment mises en avant par l'ancien régime et par la méconnaissance des figures féminines. Ce qui dans le contexte actuel constitue un très grand danger. Jusqu'ici le droit des femmes a bénéficié d'une «wassia» (tutelle) dans la 1ère République, cela par l'exercice d'un féminisme au masculin imposé d'en haut et par un féminisme d'Etat qui récupère le discours féministe sans les actrices sociales et les figures féministes historiques.
Aujourd'hui à l'ère du vrai pluralisme politique, le vote chez les femmes est l'objet de convoitise de tous les partis politiques. Il faudrait éviter de nous retrouver avec des femmes cooptées juste parce que ce sont des femmes.
Justement, êtes-vous pour un quota de parité de présence des femmes dans les instances élues ?
Aujourd'hui, nous ne sommes plus en 1956, où les femmes scolarisées et éduquées étaient rares. En 2011, l'élite féminine est très importante dans tous les domaines et secteurs de la vie.
Et dans ce cas, le quota, qui est de 30% depuis 1981, ne peut plus être à l'ordre du jour. Il faut donc que les questions soient examinées et traitées en termes d'égalité entre les sexes, soit 50%-50%.
Quels sont les dossiers prioritaires que vous traitez actuellement ?
Nous sommes en train de mettre en place tout un programme de révision des codes, entre autres le code du travail et le code pénal. Cela outre un programme de sensibilisation à la maltraitance des enfants et des personnes âgées, au harcèlement moral et sexuel, car le code ne prend pas en compte le harcèlement moral, mais seulement le harcèlement sexuel.
Nous faisons aussi un travail de sensibilisation à propos de la représentation et de l'image de la femme dans les manuels scolaires, dans les médias, où, par exemple, la femme rurale est toujours représentée en bécassine naïve. Nous entreprenons également un travail de formation des cadres à travers la mise en place de séminaires internes, à l'intérieur du ministère, et externes.
Vous avez reçu plusieurs associations de femmes. Dans quel but ?
Nous avons reçu entre autres les femmes démocrates (Atfd) et les femmes de l'Afturd (Association des femmes tunisiennes pour la recherche et le développement), car il est important que ces organisations longtemps marginalisées retrouvent leur place par rapport au projet de ce ministère et que leur discours soit pris en compte. Ce que nous faisons également avec les ONG qui entreprennent un travail de terrain et qui se placent dans un processus de recherche de la vérité et non pas dans la reproduction d'une image carte postale.
Je mène une politique de main tendue à l'égard de tous les organismes et autres regroupements de femmes. J'ai tenu plusieurs réunions dans le but de reconstituer les réseaux de solidarité avec plusieurs corps de métier, les femmes médecins, les femmes ingénieurs, les femmes agricultrices, etc. Car, justement, les réseaux de solidarité sont mon seul outil de travail. Et les femmes sont nos relais pour réfléchir ensemble à des actions efficaces et productives.
Pouvez-vous nous donner des statistiques et faire un état des lieux de la participation de la femme aussi bien citadine que rurale à la vie associative et civile ?
Une étude réalisée sur ce sujet en 2005 et dont les résultats n'ont pas été publiés révèle que la participation autant des femmes que des hommes à la vie associative et civile est infinitésimale. Exemple : les personnes âgées de 35 à 44 ans sur un échantillon total de 4.271 personnes ne participaient qu'à hauteur de 1,17% à la vie associative et civile. Or, grâce à la révolution et à travers les événements en Libye, nous avons pu constater la très grande mobilisation de la société civile, les femmes y compris, qui ont joué un rôle très important dans les différentes actions.
Les associations de femmes sont rares : il y avait deux organisations qui étaient partie prenante du programme de l'ancien régime et deux autres organisations féministes indépendantes, l'Atfd et l'Afturd, et cela constitue aujourd'hui un grand enjeu. Pourquoi ?
Premièrement, parce que les deux premières organisations de l'ancien régime sont éclatées et en crise et n'ont plus de légitimité auprès de la population. Mais les attentes à l'égard des deux dernières associations sont très grandes. Cependant, nous devons travailler avec toutes les ONG qui peuvent toucher les femmes et qui ont un très large réseau.
Bien sûr les ONG sont sélectionnées sur la base d'une évaluation objective de leur efficacité, compétence et transparence dans la gestion des fonds.
Dans une société démocratique et tout particulièrement en transition comme la nôtre, les ONG sont un grand support pour nos actions. Par exemple, notre stratégie d'action pour les prochains mois sera exécutée avec la collaboration du ministère de la Culture.
Cette stratégie de culture citoyenne et démocratique vise à apporter une information sur les lois, les droits, la révision des codes, la Constitution, les élections, etc.
Elle comporte également un axe qui examine et traite de questions comme l'exclusion scolaire et universitaire des filles et particulièrement celles qui vivent en milieu rural.
Deuxièmement, parce que la démocratie ne peut pas se réaliser sans autonomie économique. Nous préparons une stratégie d'information sur les moyens économiques qui feront des femmes des agents et non des femmes dépendantes.
Après le 14 janvier, nous avons découvert les vraies conditions de la femme rurale, soit l'inégalité des chances dans le développement, la misère, etc. Que comptez-vous faire en faveur des femmes des régions de l'intérieur‑?
Le 14 janvier a apporté une révélation sur la réalité des femmes pour le grand public. Mais, les chercheurs, les journalistes, les défenseurs des droits de l'Homme, les associations féministes connaissaient cette réalité et on comprend pourquoi‑? Ils étaient combattus, marginalisés et exclus des médias. Il suffirait aujourd'hui de consulter les médias officiels pour dresser une liste des personnes officielles qui avaient le droit à la parole dans ces médias.
Le Code du statut personnel a plus de 50 ans aujourd'hui, est-ce que sa réforme est envisageable‑?
Il est vrai que le CSP date de plus d'un demi-siècle et que son adoption en 1956 répondait à une réalité particulière où l'analphabétisme était dominant, où le patriarcat était la norme et où les femmes vivaient dans la dépendance économique et étaient mariées précocement. Aujourd'hui, les femmes sont de plus en plus éduquées, la structure de la famille a connu de nombreux changements et les jeunes aspirent à d'autres modèles. Cela doit, donc, se traduire dans la législation. Nous sommes conscients qu'il y a de nouvelles demandes comme l'égalité dans l'héritage, le mariage avec un étranger, etc. Mais il y a des revendications qui sont à examiner profondément sur l'héritage d'autant plus que la société d'aujourd'hui a énormément évolué et les femmes participent de plus en plus à la charge de leurs propres enfants et parents. Ce qui était autrefois du domaine des hommes.
Dans le domaine du travail, il y a aussi des réformes à faire comme le congé de maternité, le travail égal à salaire égal, la promotion bloquée des femmes en maternité, etc.
Maintenant, le débat public tourne autour de la laïcité de l'Etat, qu'en pensez-vous ?
Je pense qu'il est absolument important que les droits des femmes soient maintenus et consolidés et cela ne peut se faire que s'il y a une séparation entre le religieux et le politique.
Les droits des femmes visent à protéger celles-ci, et qui dit droit prend compte, en fait, d'une condition objective dans la vie quotidienne et matérielle. Dans le cas de l'héritage, par exemple, il est possible d'accorder un droit favorisant l'égalité pour les citoyens qui choisissent ce modèle. Ceux qui ne veulent pas opter pour ce modèle ont toujours la possibilité de recourir au texte sacré.
L'important à mes yeux, c'est que les parents expriment leur amour pour leurs enfants de façon équitable et que disparaisse, enfin, la distinction entre les parents des deux sexes.
Et si on confiait le ministère des Affaires de la femme à un homme ?
Vous voulez être taquine, mais ça ne me dérange pas, car je pars du principe que les êtres humains sont bisexuels, chacun a en lui une part de masculinité et une part de féminité. Mais l'important, c'est la vision, la démarche et le style.
Comment, enfin, voyez-vous l'avenir de la femme ?
La Tunisie est un pays qui est entré dans l'histoire universelle grâce à la révolution. Cette révolution a trois particularités : un mouvement pacifique, une jeunesse branchée sur les réseaux sociaux et une forte participation des femmes.
A ces particularités il faudrait ajouter que cette révolution n'est pas le produit de mouvements politiques et elle s'est faite sans leader.
Le fait qu'une jeunesse se soit reconnue dans l'acte de Bouazizi montre que nous sommes en présence de mouvements sociaux totalement nouveaux et d'une culture à construire.
Dans ce cadre-là, l'avenir de la femme est à écrire, je n'ai pas de boule de cristal pour lire le futur. Mais ce que les mouvements sociaux nous apprennent, c'est que nous sommes en présence de nouvelles sensibilités et de nouveaux symboles.
La participation particulière des femmes à cette révolution a montré l'échec des théories comme le terrorisme et l'islamisme. On a vu des femmes modernes, intelligentes avec un discours équilibré, quelle que soit la région d'où elles agissent.
Nous sommes en présence d'une nouvelle société. C'est pourquoi tous les regards sont posés sur cette expérience. Dans le passé, les femmes étaient utilisées comme un alibi, elles ont montré aujourd'hui qu'elles ont été des actrices sociales importantes de la révolution.


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