Cela fait presque trente ans que ça dure et cela fait presque trente ans que nos boxeurs et que notre boxe sont réduits à l'anonymat, à la marginalisation et à l'arbitraire. 2007 : salle de cinéma du Colisée, fin de la projection du merveilleux film de Hichem Ben Ammar «J'en ai vu des étoiles» (Choft injoum fil kaïla) ; film documentaire qui retrace un peu l'histoire de la boxe en Tunisie. La salle sort de sa pénombre, les lumières sont à nouveau allumées. Debout, les spectateurs réservent une ovation monstre aux vieux gladiateurs des rings venus de Tunis et d'ailleurs. Quelques larmes, beaucoup de nostalgie et d'émotion. Défilent devant nos yeux et dans nos mémoires des noms que certains d'entre vous ne connaissent sûrement pas, mais qui ont été d'immenses champions : Hédi Karrache, Tahar Ghanjou, Rezgui Guizani, Brahim Mahouachi, Omrane Sadok, Tahar Belhassen, Rezgui Ben Salah, Bill Jo, Félix Brami, Jacques Chiche, Young Perez et, bien sûr, Kamel Bouali et Taoufik Balbouli, deux champions du monde, même si ce dernier a été contraint de prendre la nationalité française pour arriver au sommet. Et puis, il y a d'autres, tant d'autres : les frères Jelassi, Khemaïs Refaï, Zaddem, Béjaoui, Missaoui (médaille olympique aux Jeux olympiques d'Atlanta) comme Habib Galhia avant lui aux Jeux olympiques de 1960 à Rome. Terre de boxe par excellence, la Tunisie a vu défiler d'immenses champions et, avec un peu de chance, beaucoup d'amour, d'encadrement et de travail, nous aurions eu des dizaines de champions du monde et olympiques. Oui, mais voilà… Voilà qu'a débarqué depuis des années déjà une race de pseudo-dirigeants qui ont mis la boxe tunisienne K.-O. Ministres des Sports ignorants, présidents de fédérations opportunistes et sans aucun rapport avec le noble art et dirigeants arrivistes : ils ont plongé la boxe tunisienne dans un grand trou noir devenu ghetto et d'où il lui est désormais très difficile de sortir. La boxe, qui faisait salle comble avant et après l'Indépendance avec le Tout - Tunis (femmes et hommes) et le bon petit peuple, avec les Omrane Sadok et tous les autres, est désormais entre les mains sales d'une poignée d'ignorants. Le dernier résultat? Une 4e place au championnat avec une seule médaille d'or. La honte! La situation de la boxe tunisienne? Catastrophique! L'état des lieux à la fédération de boxe? Scandaleux! Une lueur d'espoir tout de même dans ce cadre tout noir : la révolution. Avec elle, tout semble bouger. La boxe aussi. Sit-in des boxeurs, protestations et revendications se multiplient. Pour déraciner tout d'abord l'actuel bureau fédéral, illégal, avec à sa tête un certain Dhaou Chamekh; pour restructurer dans un second lieu la boxe (masculine, féminine et professionnelle). Ministère et Cnot ne peuvent rester les bras croisés, sans réagir. Voyons l'état des lieux. FTB : dans l'illégalité la plus totale Il s'appelle Dhaou Chamekh, il est l'actuel président de la Fédération tunisienne de boxe et il a bénéficié de l'appui et de la complicité de Abdelhamid Slama et de Slim Chiboub pour prendre le pouvoir. Ex-membre de la Fédération tunisienne de lutte, il en est exclu par une décision du bureau fédéral de l'époque. Fort de ses appuis, il revient par la grande porte en tant que président de cette fédération. Mauvais résultats et mauvaise gestion conduisent par la suite à la dissolution du bureau fédéral par lui présidé. Notre homme ne s'avoue pas pour autant vaincu et jette son dévolu sur la fédération de boxe. En avril 2009, il préside, en tant que représentant du Cnot, l'assemblée générale de la FTB et annonce — illégalement — sa candidature à la présidence de celle-ci. Trois listes se présentent derrière Salem Zineddine, Hichem Omrane et Dhaou Chamekh. Conforme à tous les articles de la procédure de présentation, seule la liste de Salem Zineddine obtient l'accord du ministère de tutelle. Celle de Dhaou Chamekh est déclarée irrecevable pour six anomalies, celle de Hichem Omrane pour deux. La veille des élections, le 7 mai 2009, le Cnas téléphone à Salem Zineddine pour lui signifier que la candidature de sa liste est irrecevable et que celle de Dhaou Chamekh a été retenue. Salem Zineddine intente alors alors un procès auprès du tribunal administratif le 11 mai 2009 pour non-respect de l'article 32 qui signifie que les arrêtés du Cnas doivent être signés par le président du Cnot pour être exécutés. Or, Abdelhamid Slama (président du Cnot à l'époque) n'a rien signé. Le tribunal administratif, appelé à répondre dans un délai de 21 jours, rend son verdict… une année plus tard pour dire que l'affaire n'est pas de son ressort. Président de la FTBoxe, membre du Cnas et secrétaire général du Cnot (Slim Chiboub a entretemps pris la place de Abdelhamid Slama), Dhaou Chamekh fait la loi, sa propre loi, à la fédération et dans la boxe tunisienne. 39 clubs sur 44 lui retirent leur confiance. Face à sa gestion catastrophique, la résistance s'organise. Et le 17 septembre 2010, 39 des 44 clubs tunisiens font parvenir au ministère de tutelle et au tribunal administratif de 1ère instance de Tunis une pétition à travers laquelle ils lui retirent leur confiance. Ministère et tribunal font la sourde oreille. Comme le ministère ferme les yeux face au gel par Dhaou Chamekh de la Ligue Tunis-Nord et de la marginalisation des autres ligues; face à un championnat qui se déroule sans calendrier national et régional; face à la dissolution de toute l'équipe nationale pour laquelle l'Etat a beaucoup investi en vue de l'échéance des Jeux olympiques de Londres; face au fait que Dhaou Chamekh ait vidé la direction technique, nommé puis démissionné un premier, Hassen Melki, non qualifié et simple maître d'éducation physique puis Makram Grami, simple préparateur physique. Avec également la désignation d'un obscur entraîneur roumain à la tête de l'équipe nationale et l'intronisation de sa… femme (celle du Roumain bien sûr) en tant que… préparatrice physique non qualifiée. Vous en voulez encore? En plus d'un calendrier international inexistant, M.Dhaou Chamekh s'est payé le luxe de mettre dans sa liste pour le bureau fédéral un arbitre condamné à 4 ans de non-exercice de sa fonction qui n'a purgé que 4 mois de suspension à sa nomination dans le bureau fédéral et dont l'ex-président de la FTB, Habib Askri, a demandé la comparution explicite devant un tribunal civil pour avoir mis la main sur des deniers publics. Mais en dépit de tout cela, Dhaou Chamekh sévit aujourd'hui encore à la tête de la Fédération tunisienne de boxe. Au vu, au su et malgré tout le monde. Jusqu'à quand encore? En tant que journalistes et journal, nous assumons nos responsabilités post-révolutionnaires. Et même avant. Aux autres parties d'assurer la leur! Mais il n'y a pas que ce monsieur. La boxe agonise depuis des années. Cette boxe, sport ciblé qui peut nous valoir des médailles olympiques et des champions du monde professionnels, plongée dans l'oubli et dans l'anonymat. Hram alikom !