Le Tunisien aime le cinéma ! C'est un constat dont personne ne doute‑! Il est vrai que nos salles de cinéma ne font plus le plein comme c'était le cas jusqu'aux années 80. Mais le cinéphile tunisien n'a jamais cessé d'entretenir sa passion envers le 7e art. Tout est question de lieux et de supports ! Des salles de cinéma qui suscitent la nostalgie des films d'Abdel Halim Hafedh et Chedia, en passant par les exploits d'Eddy Constantin, Jean-Paul Belmondo et Kirk Douglas, la magie des «Dix Commandements», jusqu'aux célèbres vidéothèques et leurs K7 VHS où les tunisiens s'arrachaient les films d'action : de Silvester Stallone (les séries de Rambo et de Rocky), de l'actuel gouverneur de la Californie Arnold Schwarzenegger (Terminator et Commando…) et les prouesses de Bruce Lee et de Jean-Claude Van Dame. Des vidéothèques aux cédéthèques… du cinéma au «home cinema» Certes, avec l'avènement de l'internet et l'installation au beau fixe de l'ADSL, les K7 VHS ont fini par être substituées par les CD-DVD et les CD-DIVX. Même les vidéothèques se font appeler désormais des Cédéthèques. En effet, la notion du cinéphile n'a jamais pris un coup de vieux. Au contraire, les cinéphiles courent toujours les rues mais munis de flash-disk, de CD ou d'un récepteur numérique à «patcher» au lieu d'un ticket de cinéma ou d'une K7 VHS. En effet, si les salles de cinéma ont été désertées par les cinéphiles et connaissent depuis des années une baisse de fréquentation, c'est que les passionnés du cinéma ont trouvé leur eldorado auprès des cédéthèques (qui offrent des films nouveaux et bon marché de 800 millimes à 1DT le DVD) et des chaînes satellitaires ou en s'équipant de «Dream Box» (un abonnement de 10DT/mois et vous aurez le monde à portée de main). De nos jours, on ne parle plus de cinéma mais plutôt de «home cinema». En revanche, tout le monde est unanime sur le fait que les salles de cinéma n'ont pas su évoluer avec le temps en offrant des espaces de vie où le plaisir de visionner un film peut être palpable. Selon M. Slim Aloui (32 ans, fonctionnaire et cinéphile), rares sont les salles de cinéma qu'on peut fréquenter en famille. En plus, toujours selon notre cinéphile, les prix des billets ne peuvent pas rivaliser avec le prix d'un DVD. Certes, avec le piratage qui sévit depuis l'arrivée d'Internet, le cinéma est confronté à une compétition déloyale. En revanche, toujours selon M. Aloui, les propriétaires des salles de cinéma, en programmant des films anciens et toujours en déphasage avec l'actualité, ont largement contribué à encourager des cinéphiles à déserter leurs salles. Les cinéphiles se plaignent Mme Siham Taider (52 ans, cadre administratif) nous déclare : «J'ai été élevée dans une famille qui vénère le cinéma. Il ne se passait pas un week-end sans que notre papa nous amène au cinéma pour voir un film. Et dès ma 3e année primaire, j'ai adhéré au cinéc-lub de l'école. Ah, c'était la belle époque où les familles se rencontraient dans les salles de cinéma et partageaient la magie du grand écran. Maintenant, à part une salle ou deux, les salles de cinéma véhiculent une très mauvaise image de lieux où la pudeur laisse à désirer. Personnellement, je ne laisserai jamais mes filles aller dans certaines salles de cinéma car tout simplement certains y vont pour faire leur cinéma et trouver un coin de refuge charnel. C'est honteux !». Saloua (23, étudiante en biologie) témoigne : «Moi et mes amies, on vient à la salle de cinéma que lorsqu'un film tunisien y est programmé car les autres films étrangers sont disponibles dans les cédéthèques. On aime le cinéma tunisien et on s'y identifie bien que l'histoire, parfois dans nos films d'auteur, soit très loin de notre réalité. Il est vrai que la production tunisienne est très maigre avec en moyenne 2 ou 3 films par an. Ce qui entretien notre appétit pour les films tunisiens où à chaque sortie de ces derniers reste un évènement en soi. Ces dernières années, on a beaucoup aimé l'adaptation de Jùnùn de Fadhel Jaïbi au cinéma, Making of de Nouri Bouzid et Thalathoun de Fahel Jaziri». Mahdi (29 ans, enseignant) nous dit : «Rien ne peut remplacer le charme du grand écran. Mais les propriétaires des salles de cinéma doivent revoir un peu leur stratégie de marketing. Il n'est plus question d'avoir des salles de cinéma comme c'était le cas dans les années 80 et 90. Le monde bouge, on ne parle plus de salles de cinéma mais plutôt de multiplexes en Occident. Des salles modernes qui offrent l'embarras du choix de nouveaux films et surtout un service à la hauteur du 7e art. Vous avez vu comment l'engouement était au rendez-vous avec la programmation d'Avatar et d'Alice au pays des merveilles ainsi qu'avec La guerre des Titans. Les gens réservaient à l'avance leurs places pour enfiler les fameuses lunettes à cristaux liquides. C'est du jamais vu et le succès était au rendez-vous.» Assurément, à défaut de locomotive (des salles de cinéma modernes), les wagons du train des cinéphiles tunisiens resteront toujours scotchés devant une station nommée petit écran (écran de PC ou de téléviseur) et bonjour le home cinema chez soi !